Cachez ce bilan que je ne saurais voir !
Le pessimisme croissant de Bercy au sujet de l’économie française peut
sembler mystérieux. Au moment où pointent les premiers signes de reprise,
les prévisions officielles de croissance pour l’année 2009 passent de -1,5 %
à -3 %. Singulier contretemps, qui rappelle celui de l’automne dernier, où
Christine Lagarde, ministre de l’Economie, faisait assaut d’optimisme alors
que la croissance chutait de façon vertigineuse.
L’explication en est fort triviale : Bercy est toujours en retard sur une
réalité aussi changeante que les intentions de vote pour le Modem à la
veille d’une élection. Pour utiliser une autre métaphore, l’économie est
comme une étoile distante dont on observe la lumière sans même savoir si
elle est toujours émise. Les astronomes du ministère en sont réduits aux
conjectures. Pour être champions du télescope, ils n’en ont pas moins un
sens politique certain - leurs nouvelles prévisions n’ont été révélées qu’au
lendemain des élections.
Mécaniquement, la détérioration de l’activité va creuser le déficit
budgétaire. Moins de croissance, c’est moins d’impôt, donc moins de
recettes. Une nouvelle estimation du trou budgétaire sera donc bientôt
fournie par Eric Woerth, ministre martyr en charge des comptes publics et
préposé à leurs révisions incessantes. Au mieux, le déficit français de 2009
sera de 125 milliards d’euros, soit entre 6 et 7 % du PIB. Soit, encore,
près de la moitié des dépenses de la puissance publique…
Tous les partisans du "retour de l’Etat" dans l’économie devraient méditer,
à leurs heures perdues, les documents budgétaires de Bercy, et les comparer
par exemple au bilan de la Société Générale sur les dernières années.
Peut-être seraient-ils tentés de nommer Daniel Bouton à Matignon. Le
meilleur gestionnaire n’est pas toujours celui qui fait les sermons.
Qui dit déficit, dit dette. La nôtre approche les 75 % du PIB. Un chiffre
calamiteux, qui témoigne de trente ans de déficit continu et va se voir
lesté cette année d’un nouveau paquet de milliards, sans précédent.
Christine Lagarde, s’exprimant la semaine dernière, souhaitait que la "dette
de crise", provenant de la récession et de ses moins-values fiscales, soit
désormais isolée de la "vraie" dette française. Cette technique, dite du
hors bilan, a été expérimentée avec succès. Par nombre de banques qui
désiraient augmenter leur endettement. Elles sont en faillite aujourd’hui.
François Lenglet
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