La
Chine n’est pas l’Amérique !
George W. Bush, en visite dans la capitale chinoise il y a quelques années,
avait exigé d'assister à la messe le dimanche matin, mettant les dirigeants
rouges dans une colère bleue. Il y a fort à parier qu'Obama sera mieux
élevé, et demandera plutôt à visiter la Cité interdite : l'heure n'est plus
aux provocations.
A suivre les premiers pas du président américain en Chine, il est tentant
de voir l'hommage de la puissance d'hier à celle de demain. Si une crise
sépare toujours le vieux du neuf, pour reprendre la belle formule de
Gramsci, la nôtre a dévalué la puissance américaine et fait émerger un monde
où la Chine joue un rôle prépondérant. Le voyage d'Obama marque une étape
humiliante : rien n'est désormais possible sans l'assentiment de Pékin, pas
même le bouclage des fins de mois de l'administration américaine. Comme son
nom l'indique, l'empire du Milieu s'est installé au cœur des questions
économiques et stratégiques mondiales.
Pour autant, l'heure de l'hyperpuissance chinoise est encore incertaine. La
Chine a pour elle son poids démographique, sa force militaire et une
économie bouillonnante qui la fera passer devant le Japon dès l'année
prochaine. Mais il lui manque, pour régner sans partage, un attribut
essentiel : cette dictature pragmatique ne fait pas rêver. Ses valeurs
effraient. Même l'URSS avait séduit, et pas seulement les intellectuels,
parce qu'elle affichait un idéal universaliste et la promesse d'une nouvelle
société.
Quant à la puissance américaine, elle ne réside pas seulement dans la 7ème
flotte, les coffres de Fort Knox ou les cours du Dow Jones. L'Amérique fait
rêver parce qu'elle adresse un message de liberté, de réussite individuelle,
de respect de la propriété : le rêve américain aimante la planète entière.
Les Chinois eux-mêmes prennent un passeport américain dès qu'ils le peuvent.
Cette force d'attraction a permis de mondialiser le mode de vie américain,
du Big Mac jusqu'aux règles comptables, en passant par les séries
télévisées.
Rien de tel avec la Chine. Pour manger des hamburgers aux pousses de bambou,
on trouverait sans doute des clients. Pour regarder en prime time "La
Basketteuse n° 5", mièvre chef-d'œuvre de la propagande communiste, ce
serait déjà plus délicat. Quant à trouver des promoteurs du système
politique chinois, il faudra battre les buissons. Longue vie à "Desperate
Housewives″.
François Lenglet
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