« Ceux qui feraient mieux de la fermer avant de
l’ouvrir » (Pierre Dac)
Le mystère s’épaissit. Avant-hier, Jean-Claude Trichet, président de la
Banque centrale européenne, indique que l’économie européenne se rapproche
du redémarrage. Le même jour, Warren Buffet, l’un des investisseurs les plus
avisés, parie, lui, sur un retour de la croissance dans cinq ans, tandis
qu’hier, le patron de la Federal Reserve, annonce la reprise pour la
fin 2009...
Pour ajouter à la confusion, chacun de ces oracles s’est lourdement trompé
dans le passé récent. En janvier 2008, Trichet annonçait l’accélération de
la croissance dans la zone euro, dans un magistral contretemps comparable à
celui du Fonds monétaire, de l’OCDE, de la Commission européenne et des
économistes de banque de la planète entière. Quant au sage d’Omaha, il a
perdu plusieurs milliards pour avoir investi à l’automne dernier,
c’est-à-dire au mauvais moment.
L’humoriste Pierre Dac a fort bien résumé la situation dans laquelle nous
nous trouvons : "Il est encore trop tôt pour savoir s’il est trop tard".
En clair, la reprise est coin de la rue, mais personne ne sait laquelle.
Même les esprits les plus éminents ont montré que leur sens de l’orientation
laissait à désirer. L’idée même de reprise est-elle le bon concept ? La
plupart des spécialistes raisonnent face à cette crise comme s’il s’agissait
d’un à-coup classique comme l’économie en connaît tous les cinq à huit ans,
avec un ralentissement, une montée du chômage, une reconstitution des
capacités d’investissement et un redémarrage.
Cette fois-ci, pourtant, il se pourrait qu’il en fût autrement. A cause du
gigantesque mouvement de désendettement mondial à l’œuvre, qui est loin
d’être achevé. Aux Etats-Unis, il y a bel et bien des signes de
stabilisation. Il semble que l’économie ait cessé de se détériorer à vive
allure, la hausse récente du chômage n’étant que la conséquence seconde
d’événements passés, comme ces étoiles qui continuent à briller alors
qu’elles sont éteintes.
Et les prochains temps – les prochaines années ? - pourraient être faits de
"tôle ondulée", avec une croissance mondiale stabilisée à faible niveau, où
désendettement et relance budgétaire s’équilibreraient. A moins que
n’intervienne un nouvel accident financier. Ou que la Chine ne plonge,
rapatriant ses avoirs.
Citons encore une fois Pierre Dac, avec une phrase que tous les experts et
les commentateurs de la chose économique devront méditer dans les prochains
mois : "Ceux qui l’ouvrent avant de la fermer feraient mieux de la fermer
avant de l’ouvrir".
François Lenglet
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