Crise : apprêtons-nous à prier !
Le théorème de Trichet est encore mieux que le pari de Pascal : il y a
avantage à être vertueux, car celui qui n'a jamais fait d'écart de conduite
peut, en cas de nécessité, se draper dans sa réputation pour commettre un
vrai péché en toute impunité.
Voilà des années que le président de la Banque centrale européenne
"tympanise" l'opinion publique avec ses discours de père La Rigueur sur la
désinflation compétitive. Voilà des années qu'il exhorte les gouvernements à
respecter le Pacte de stabilité et ses contraintes budgétaires. A côté de
lui, Antoine Pinay est un plaisantin. Raymond Barre, un comique de cirque.
c'est Trichet qui, il y a deux jours, a rompu avec l'orthodoxie, en
acceptant de prendre à son bilan des obligations "pourries" du Trésor grec
comme garantie. Dans le monde des banques centrales, cette opération
apparemment technique est l'équivalent d'un péché capital. Il s'agissait
d'éviter ainsi le retour de la panique sur les marchés interbancaires
européens : la BCE a utilisé sa crédibilité pour sauver, temporairement,
l'euro. Et c'est vrai que la crédibilité est faite pour servir en cas de
besoin. Le seul problème du théorème de Trichet, c'est qu'il ne marche
qu'une fois. Un dévot qui cède deux fois à la tentation perd sa réputation,
et n'est plus d'aucune utilité.
N'en demandons donc pas trop à la Banque centrale européenne. Les
emprunteurs privés ont fait défaut, ce sont les banques commerciales qui ont
payé. Les banques ont fait défaut, il a fallu aller chercher les Etats. Les
Etats européens commencent à faire défaut, c'est la BCE qu'on vient
aujourd'hui tirer par la manche. Mais c'est notre dernière ligne de défense.
Après, il ne restera guère qu'à solliciter le Ciel, et il n'est pas sûr
qu'il réponde.
François Lenglet |