Sarkozy, le président des pulsions
primitives !
Toute victime est prompte à désigner un coupable, aiguillonnée par le
préjudice qu'elle a subi, aveuglée par la souffrance qu'elle a ressentie.
Dans un Etat de droit, c'est à la justice de tempérer ce désir de vengeance
pour examiner les faits, par-delà les sentiments et les présomptions, et
établir la culpabilité - ou l'innocence - du prévenu. La justice n'est pas
au service de la victime, mais au service de la vérité.
Et le chef de l'Etat, s'il est le garant des institutions, se doit de
défendre cette ambition, qui est le fondement du pacte social. Une justice
partisane, fût-elle momentanément détournée de la vérité pour une noble
cause, déchaînerait une révolution. En déclarant coupables les prévenus de
l'affaire Clearstream avant qu'ils ne soient jugés, le chef de l'Etat nous
signale un fait déplaisant, qui réapparaît de loin en loin depuis mai 2007 :
celui que nous avons élu comme président n'est qu'un homme comme les autres.
Il est incapable de tempérer sa haine et d'ennoblir les sentiments mesquins
qui nous submergent, nous, les citoyens ordinaires, lorsque le voisin fait
du bruit avec sa perceuse et qu'on voudrait l'assassiner. Pour utiliser le
vocabulaire des psychanalystes, Sarkozy est le président du "ça", celui des
pulsions primitives que l'individu nourrit immanquablement contre la
société. Malgré deux ans passés à l'Elysée, il n'est toujours pas le
président du surmoi, porteur des attentes idéalisées des Français.
On juge un homme à la taille des ennemis qu'il se donne. Il y a quelque
chose de dérisoire à voir le président de la République affronter, dans un
prétoire, un informaticien de troisième zone et un haut fonctionnaire qui se
prend pour Napoléon. Il ne faudrait pas que ce combat de titan nous fasse
regretter Jacques Chirac, président immobile, qui a pourtant toujours eu la
noblesse de ne pas attaquer en justice ses ennemis ou ses détracteurs, pour
préserver la fonction.
François Lenglet
|