En français, « subprimes » se traduit
par « sécu » !
Les classes moyennes n'ont plus les moyens. Elles nourrissent un
sentiment confus de dégringolade sociale, si l'on en croit un rapport remis
hier au gouvernement par le Conseil d'analyse stratégique. Nous vivons moins
bien que nos parents et pour nos enfants, ce sera pire, telle est la
complainte de ces "ni-ni", qui ne sont ni pauvres ni riches. Il y a là une
nostalgie collective en partie irrationnelle.
Le niveau d'éducation français, même s'il ne progresse plus, reste très
élevé. Nos indicateurs de santé figurent parmi les meilleurs au monde, le
confort matériel a continué de progresser, l'espérance de vie aussi. Et ce
déclassement social résulte aussi de choix qu'il nous faut assumer. Choix
collectifs, comme l'augmentation du temps libre plutôt que celle des
revenus, ou l'extension de la protection sociale, considérable depuis trente
ans. Une bonne partie de la richesse produite en France semble avoir filé
entre les lames du parquet alors que nous en profitons sous une forme non
salariale, mais néanmoins coûteuse.
Choix individuels, ensuite. La croissance du nombre des divorces a ainsi été
un facteur de déclassement important - un couple séparé entretient deux
logements, de grande taille s'il a des enfants, ce qui est souvent le cas.
Cela n'explique pourtant pas tout. Dans la plupart des pays développés, les
revenus salariaux stagnent depuis quinze ans, sauf ceux des catégories
sociales les plus aisées - avec, en France, ceux des plus pauvres, qui
bénéficient à plein de la protection sociale. Très probablement, cette
stagnation des revenus s'explique par la mondialisation et l'envolée des
échanges internationaux. Le libre-échange réduit les inégalités entre les
pays, par exemple entre la Chine et les Etats-Unis, mais il accroît les
disparités au sein de chacune des nations, à l'intérieur même de la Chine et
des Etats-Unis, car ses bénéfices ne sont pas uniformes.
Cette double évolution est l'une des causes de la crise financière qui nous
taraude aujourd'hui : faute de voir leurs revenus augmenter, les
consommateurs du monde développé se sont endettés, particulièrement en
Amérique : outre-Atlantique, le malaise des classes moyennes se prononce "subprimes".
Une raison de plus pour y être attentif en France.
François Lenglet
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