Point n’est besoin d’être prix Nobel pour comprendre ce raisonnement. Pourquoi ne prévaut-il pas dans un pays comme la France ? Parce que les dépenses publiques font vivre un nombre sans cesse croissant de personnes et que le pouvoir politique, qui repose sur cette pyramide renversée, sait très bien qu’il sera précipité dans le vide quand elle commencera à s’effondrer. Quant aux économistes qui ont droit à la parole, ils sont professeurs, donc fonctionnaires, et leur rémunération dépend des recettes de l’Etat, qu’ils ne veulent pas voir maigrir de peur de devoir maigrir eux-mêmes. Bref tout le monde pousse au maintien de la dépense, quitte à ce que le pays glisse à l’abîme.

Bien entendu cette course folle va s’interrompre un jour prochain. Il faudra bien alors regarder les réalités en face. La France n’a rien fait d’autre en trente ans que dilapider l’argent qu’elle n’avait pas en empruntant à tout va. Elle est aujourd’hui dans la situation d’un joueur décavé qui ne peut plus satisfaire son addiction. Cela se termine soit par un suicide, soit par la dèche. Dans un cas comme dans l’autre, l’acteur sort de scène et de nouveaux interprètes y font leur entrée.

Autrement dit, le pouvoir, en France, va changer de main. Ses nouveaux détenteurs ne sont pas encore connus, mais ils vont bientôt l’être. L’immobilisme actuel de la scène politique ne doit pas faire illusion. Toute la troupe est en place pour le final, et le spectateur ne peut que constater que ses membres courent en tout sens, sans savoir où ils vont, comme des canards sans tête. D’un instant à l’autre, tous ensemble, ils s’immobiliseront soudain et s’affaleront par terre. Alors commencera une nouvelle pièce, qui aura la particularité de n’être pas écrite. Les acteurs devront improviser et créer leur rôle à mesure qu’ils le joueront. C’est ainsi que les choses se passent dans toutes les révolutions.

Ce scénario paraît inimaginable à beaucoup. Comme était inimaginable pour une majorité de Français la percée des blindés allemands en juin 1940. Quand ils se sont retrouvés sur les routes de l’exode à pousser leur charrette, ils ont eu tout loisir de méditer sur l’inconscience de leurs dirigeants et sur la leur propre qui les avait investis du pouvoir. Saurons-nous encore éviter la répétition d’une telle tragédie ? Je le crois de moins en moins, quand je constate l’apathie de ceux qui pourraient bouger. Il faut donc qu’on aille au bout du drame, coûte que coûte …et cela va coûter cher !

Rien n’est pourtant plus évitable que cette catastrophe. Elle ne réclame qu’un peu de lucidité et de courage. Lucidité pour admettre qu’on ne peut plus continuer à dépenser de l’argent qu’on n’a pas, courage pour décider de tailler dans les dépenses. Au fond, on demande à un peuple de faire ce que chacun de ses membres est capable d’accomplir, et cela paraît impossible. La raison en est que nous avons laissé l’idée de nation se perdre. Non pas dans l’Europe ou dans la mondialisation, mais dans sa substance même, celle qui s’exprime dans le patriotisme et dans l’exemplarité des responsables.

Nos élites ne sont plus qu’une vaste coterie de privilégiés et ne suscitent que le mépris et l’indignation du peuple. C’est la raison pour laquelle le sursaut paraît aujourd’hui impossible, tant il n’y a personne en haut lieu pour y appeler. Ayons cependant confiance dans les leçons de l’histoire : la France a toujours su trouver son héraut quand elle était à terre. Il n’attend que le moment de surgir !

Claude Reichman
Porte-parole de la Révolution bleue.