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26/2/12 Claude Reichman
Comme les Grecs, les Français ne comprendront pas
                            ce qui leur arrive !

« Les larmes que je vois ici sont les mêmes que celles que j’ai vues dans les pays en guerre. » C’est un prêtre grec de la ville de Patras qui s’exprime ainsi devant l’envoyé spécial du journal Le Monde. Un psychiatre de l’hôpital de la ville parle de « syndromes post-traumatiques » et raconte au journaliste que « ses patients - leur nombre a doublé en un an – souffrent de crises d’angoisse et de dépression. Incapables de payer leurs dettes, des pères de famille sombrent dans l’alcool ou la violence ». Et le médecin d’ajouter : « Les gens ne comprennent pas ce qui leur arrive. On a cru pouvoir vivre comme en Europe et aujourd’hui on ne sait pas à quoi pourra ressembler notre avenir. »

La crise de l’euro, c’est l’effondrement d’une illusion. Elle va frapper la France comme elle frappe la Grèce. Parce que nous aussi nous avons « cru pouvoir vivre comme en Europe » et que nous n’avons pu le faire qu’en accumulant 1700 milliards d’euros de dettes et en nous engageant en plus à verser 5000 milliards à nos retraités sans en provisionner le moindre centime. Ce système va évidemment s’effondrer et il ne nous restera plus que nos yeux pour pleurer. Comme à Patras. Et comme dans beaucoup d’autres lieux de cette zone euro qui n’aurait jamais dû voir le jour – en tout cas pas avant que les conditions d’une union politique, économique et sociale n’aient été réunies. Seuls les pays triple A – c’est-à-dire ceux qui sont en équilibre budgétaire et qui vont de ce fait pouvoir maîtriser leur dette – s’en sortiront, non sans payer les conséquences de l’effondrement des autres pays de la zone, vers lesquels ils expédient les deux tiers de leur production, qui ne trouvera plus preneur.

Les lendemains d’effondrement sont toujours les mêmes : le peuple ne comprend pas ce qui est arrivé. Et pour cause : les gouvernants et les médias ne les ont jamais prévenus de la menace. Seules quelques voix se sont élevées, mais leur lucidité apparaissait comme une véritable incongruité, une grossièreté même, et on les bannissait des tréteaux publics comme fauteurs de troubles, comme empêcheurs de danser en rond, comme esprits « antirépublicains », comme destructeurs de la paix sociale, bref comme des intouchables dont le seul contact pouvait vous faire perdre votre pureté.

Et pourtant ce sont ces réprouvés qui avaient raison. Mais quand un peuple est tenu enfermé dans une prison mentale, comme c’est le cas en France, il n’a pas d’autre choix que de croire les sornettes de ses geôliers, même s’il les déteste. Il ne lui restera plus que l’amère satisfaction de les châtier, s’il parvient à leur mettre la main dessus, car ils se seront pour la plupart enfuis.

Alors vivre une campagne présidentielle comme celle qui se déroule en ce moment devient une épreuve doublement insupportable. Parce qu’aucun des candidats n’est à la hauteur du poste et de l’enjeu. Et parce qu’aucun de leurs propos ne prépare le peuple aux épreuves qui l’attendent ni surtout n’ouvre la voie à des décisions aussi indispensables qu’urgentes et qui pourraient atténuer ses souffrances et lui offrir à nouveau un avenir. Comediante, tragediante ! Comment les prendre au sérieux, ces personnages qui s’agitent dans le bocal électoral comme des ludions aux mouvements erratiques ?

Ce qui manque à la France aujourd’hui, c’est un choc. Celui que provoquera la brutale irruption de la réalité dans la farce politique que nous vivons et dans la gigantesque piscine d’eau tiède où barbotent 65 millions d’individus promis à la noyade quand le tsunami viendra y jeter ses vagues en furie. Le moindre incident peut aujourd’hui dégénérer, tant la société est instable, tant ses élites sont déconsidérées, tant la volonté d’en découdre est forte sous le consensus artificiel qui recouvre le pays comme une vieille couverture mitée. Alors la parole se libèrera, alors les caractères se révèleront, alors l’épreuve de vérité commencera.

La France est à la veille d’une des plus grandes épreuves de son histoire. Nombre de ses enfants vont en devenir les héros. Certains sont déjà connus dans le pays réel que constitue l’Internet. D’autres se révèleront. En dépit du drame qui vient, il y a quelque chose de joyeux dans cette perspective. Quelque chose de joyeux comme la vie !

Claude Reichman
Porte-parole de la Révolution bleue.


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