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Les Français ne veulent plus de leurs élus |
15/10/05 | Claude Reichman |
" Le sondage choc ", titre Le Parisien. En effet, il y
a de quoi s'émouvoir. Car l'enquête d'opinion réalisée par CSA et publiée le 10
octobre dernier par le quotidien nous apprend que 78 % des Français pensent que les élus
ignorent leurs problèmes, que 76 % n'ont pas confiance dans leurs élus et que 71 % ont
une mauvaise image d'eux. Les médias ont fait un peu de mousse le jour même sur ce
thème et sont passés à autre chose le lendemain. Quant aux hommes politiques, ils ont
affiché pendant quelques heures une mine contrite et repris presque aussitôt l'air
heureux qu'ils arborent en permanence. Nul moins que nos lecteurs n'aura été surpris
par les résultats de ce sondage. Depuis des années, nous annonçons l'inévitable raz de
marée politique qui se profile à l'horizon. Les causes en sont évidentes. Les
politiciens français ont ruiné notre pays à force de prélèvements sur les créateurs
de richesses et d'emplois, et ce afin de satisfaire l'immense cohorte des paresseux qui a
besoin de subventions publiques pour vivre confortablement. Et nos dévoués élus ne se
sont pas oubliés au passage, devenant riches à mesure que les laborieux
s'appauvrissaient. Telle est la formule du " modèle social français ". Saluons l'arrivée au club des éditorialistes lucides de Nicolas Sarkozy. Selon Le Canard enchaîné, le président de l'UMP a fait le 5 octobre dernier, devant le groupe parlementaire sénatorial de ce parti, la déclaration suivante : " Je continue de considérer que s'il n'y a pas de rupture nous serons tous balayés. Les Français ne veulent pas de cette alternance gauche-droite qu'ils connaissent depuis trente ans. Ils ont dit en 2002 à la présidentielle, puis en 2004 aux régionales et en 2005 au référendum, qu'ils voulaient que les choses changent en profondeur. " Malheureusement pour la crédibilité de M. Sarkozy, à mesure qu'il avance ses propositions de " rupture ", on s'aperçoit qu'elles ne sont que mesurettes et poudre aux yeux, exactement comme les décisions que prend son rival M. de Villepin. M. Sarkozy est un homme de rupture à la manière de ce personnage de Shakespeare qui promettait de " rugir comme un rossignol " ! La conclusion logique de toutes ces palinodies est qu'avec les politiciens du système il n'y aura pas la moindre rupture et qu'ils seront " tous balayés ", comme le prévoit justement M. Sarkozy. Un cocktail explosif Le sondage du Parisien nous apprend également que 76 % des Français souhaitent "qu'il y ait plus de grands débats politiques sur l'avenir de la société française, la place de la France dans le monde, la place de l'économie ". Comme nul ne pense que les discussions à l'Assemblée nationale ou au Sénat soient dignes du moindre intérêt, c'est du côté des médias qu'il faut se tourner. Et là, c'est la désolation, la morne plaine, le Waterloo de la démocratie, le degré zéro de la dialectique. Ne parlons pas de la télévision et de la radio, qui ne donnent la parole qu'aux suppôts du système et qui organisent des débats aussi drolatiques, pour qui a un peu d'humour et de souvenirs, que celui qui opposait Poiret et Serrault dans un de leurs meilleurs sketches et qui voyait les deux protagonistes d'une empoignade politique prendre, une fois le micro coupé, des nouvelles de leur famille respective et s'embrasser affectueusement. Mais ce qui n'était à l'époque qu'une charge de chansonniers est devenu aujourd'hui le fondement d'un système politique. Même la presse écrite est totalement verrouillée. Au point que quand un journaliste
a l'idée saugrenue de donner la parole à un opposant au système, ses collègues et sa
direction lui demandent s'il n'est pas devenu fou ! Le blocage est si complet que les
dernières fenêtres de la liberté d'expression se ferment les unes après les autres.
C'est ainsi que Le Figaro, dont les pages " Opinions " s'ouvraient de
temps à autre aux idées de liberté, vient de décider de réserver leurs colonnes, dans
sa nouvelle formule, aux éditorialistes maison, qui pourraient parfaitement s'exprimer
dans le corps du journal, ou à des articles émanant uniquement de personnalités
institutionnelles. Evidemment, ils se trompent. Les cimetières de l'histoire sont emplis de classes dirigeantes déchues à la suite de défaites militaires ou de crises économiques et sociales. Celle qui gouverne aujourd'hui la France y a sa place réservée. C'est pratiquement la dernière garantie qu'il lui reste. Claude Reichman
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