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6/9/08 | Claude Reichman |
Lettre ouverte à Madame Rachida Dati, ministre de la Justice Madame la Ministre, Dans Le Figaro du 6 septembre 2008, vous signez avec six autres
ministres européens de la Justice et le commissaire européen en charge de la
Justice, Jacques Barrot, une tribune détaillant « ce qu’il vous semble
essentiel de mettre en œuvre pour rapprocher l’Europe de ses citoyens ». Comment se fait-il alors, Madame la Ministre, que dans notre propre pays, et dans votre domaine de responsabilité, la loi européenne, pourtant dûment transposée dans le droit national, fasse l’objet d’un refus systématique d’application par les tribunaux français depuis plusieurs années ? Vous n’ignorez évidemment pas que le monopole de la sécurité sociale a été abrogé par les directives européennes 92/49/CEE et 92/96/CEE, entièrement transposées dans le droit national par les lois n° 94-5 du 4 janvier 1994, n° 94-678 du 8 août 1994 et par l’ordonnance n° 2001- 350 du 19 avril 2001 ratifiée par la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001. Pourtant, en dépit de ces textes parfaitement clairs, les tribunaux français continuent de nier l’abrogation de ce monopole. Ce faisant, ils se rendent coupables non seulement d’un déni de justice, mais aussi d’une violation caractérisée des lois de la République. Comment un tel scandale d'Etat est-il possible alors même que le ministère de la justice, votre ministère, rappelle sur son portail Internet officiel, que « le juge national se voit soumis à l’obligation de faire prévaloir la primauté du droit communautaire, quels que soient les obstacles de son propre droit interne », et que « la primauté du droit communautaire s’impose à l’ensemble des autorités nationales » ? L’arrêt Simmenthal du 9 mars 1978 de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), auquel se réfère également votre ministère, dispose : « Tout juge national, saisi dans le cadre de sa compétence, a l’obligation d’appliquer intégralement le droit communautaire et de protéger les droits que celui-ci confère aux particuliers, en laissant inappliquée toute disposition éventuellement contraire de la loi nationale, que celle-ci soit antérieure ou postérieure à la règle communautaire. » Et pour faire bonne mesure, le portail de votre ministère ajoute que "les particuliers peuvent se prévaloir directement des avantages qui leur sont conférés par certains traités". Où est alors la sécurité juridique que vous voulez à juste titre privilégier ? Où est l’état de droit en l’absence duquel il n’est pas de démocratie ? Nous vous faisons volontiers crédit, Madame la Ministre, des intentions exprimées dans votre article du Figaro. Mais vous savez fort bien que seuls les actes comptent. Nous attendons donc de vous que les lois abrogeant le monopole de la sécurité sociale soient enfin appliquées par les tribunaux. Veuillez agréer, Madame la Ministre, l’expression de mes sentiments attentifs et les meilleurs. Dr Claude Reichman
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