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Lettre ouverte d'un modeste retraité à Monsieur le Premier ministre : Rien que sur mon dos, vous aurez prélevé la somme de 7 millions de francs !

2/1/04
Monsieur le Premier Ministre,

J'ai bien reçu en son temps votre note expliquant le nouveau régime des retraites et vous en remercie.
Mais vous ne m'avez pas convaincu, et pour cause…

Né en 1919, j'ai suivi des études qui m'ont amené en très bon rang (8e sur 400) aux portes des " Arts et Métiers ", puis j'ai été mobilisé en 1939 pour participer à la " drôle de guerre ", pour être ensuite, dès 1941, enrôlé dans les " Chantiers de Jeunesse ". (J'ai eu à cette occasion mon premier bulletin de salaire).
Démobilisé en 1944, je suis entré dans une entreprise comme monteur électricien, et, dans les années 50, j'ai eu l'opportunité de créer mon entreprise.
Au fil du temps, elle s'est développée sagement (son effectif est arrivé jusqu'à 16 monteurs répartis en quatre équipes, ce qui avec le personnel d'encadrement et administratif, faisait plus de 20 salariés), puis a acquis une solide réputation de compétence et de sérieux, qui s'étendait largement au-delà du département d'origine.
Fin 1992, mon fils m'ayant succédé, j'ai pu arrêter mon activité professionnelle.

Il résulte de ce préambule :
- que j'ai pris ma retraite à 72 ans,
- que j'ai cotisé aux différentes caisses ouvrières et artisanales pendant 52 ans.

Dernièrement, j'ai eu la curiosité de calculer la valeur capitalisée de mes 52 versements.

Pour simplifier le calcul, j'ai utilisé les bases suivantes :
1°) le calcul est effectué en francs constants,
2°) le revenu de base est le SMIG, soit 6.500 F. mensuels,
3°) le taux des cotisations était de 11 % en début de carrière et 19 % en fin. J'ai donc retenu un taux moyen de 14 %, soit une cotisation annuelle de 6.500 x 0,14 x 12 = 10.920 F.
4°) le taux de rémunération des produits financiers stables est de l'ordre de 6 %.

Les chiffres ainsi retenus sont évidemment beaucoup plus faibles que le montant réel de mes cotisations, mais ils seront suffisamment " parlants " pour étayer ma démonstration.

Ainsi le capital constitué devient :
- en fin de 1ère année : 10.920
- en fin de 2e année : 10.920 x 1,06 + 10.920 = 22.495, 20
…………………………………………………………….
…………………………………………………………….
- en fin de la 52e année mon capital retraite était égal à :
3.371.616, 15 F.

En supposant que vous me versiez ma retraite pendant 20 ans, soit jusqu'à 93 ans (chiffre dépassant de très loin la longévité moyenne masculine), mon indemnité retraite annuelle devrait être de :
3.371.616, 15 / 20 = 168.580,81 F.

De plus, et selon l'hypothèse retenue ci-dessus, vous allez conserver mon capital retraite pendant 20 ans (et peut-être éternellement si, entre temps, j'ai la bonne idée de mourir, avec la canicule par exemple).
Pendant ces 20 ans, mon capital retraite, bien que dégressif, va produire des intérêts, que vous encaisserez comme les premiers et dont le total capitalisé sera le suivant :
- en fin de 1ère année de retraite :
3.371.616, 15 - 168.580, 81 = 3.203.035, 34.
- en fin de 2e année :
3.203.035, 34 x 1,06 - 168.580, 81 = 3.226.636, 65.
……………………………………………………….
……………………………………………………….
- en fin de 20e année : 4.509.900, 74 F.

Ainsi le capital généré par mes 52 versements est de :
4.509.900, 74 + 20 x 168.580, 81 = 7.881.516, 94 F.
Et mon indemnité retraite annuelle devrait être de :
7.881.516, 94 / 20 = 394.075, 85 F.
En réalité vous m'octroyez généreusement : 44.082, 67 F.

En fait, pendant 52 ans, j'ai préparé minutieusement mon gâteau de retraite, vous êtes arrivé, vous l'avez pris et partagé en deux morceaux, jusque là rien d'anormal puisque mes parents et mon vieil instituteur de l'école primaire m'avaient appris à partager. Puis, généreusement, vous m'en rendez 1/10e pour en garder 9/10e. Cela s'apparente plutôt à du racket qu'à un partage et ne correspond nullement au principe d'égalité et de fraternité que vous martelez avec force dans presque tous vos discours !

Pour une telle indélicatesse, moi j'aurais été conduit immédiatement en prison. Et vive la Fraternité et l'Egalité Républicaine. Coluche avait une formule pour tourner en dérision cet état de fait. Il assurait : " Nous sommes tous égaux, mais certains sont plus égaux que d'autres. "

Coluche qui, bien que pantin vulgaire et grossier, a su, avec ses " restos du cœur ", vous donner à vous, gouvernants, qui trop souvent n'êtes accrochés qu'à vos postes, vos réélections, vos privilèges, une belle leçon d'humanité, de générosité, de courage. Chapeau, Monsieur Coluche.

Ainsi, rien que sur mon dos, vous aurez prélevé la somme de :
7.881.516, 00 - 20 x 44.082, 00 = 6.999.876, 00 F.

Aviez-vous besoin de cette ponction pour augmenter les indemnités parlementaires, le traitement des ministres, la retraite des ministres, ou les frais de bouche du président de la République qui, selon la Mairie de Paris, a un féroce appétit ?

Je ne crois pas que défiler en braillant et en agitant des pancartes soit le meilleur remède pour guérir nos maux. Je pense que s'adresser au Bon Dieu où à ses saints devrait être une méthode plus efficace. Actuellement, vous en êtes le premier, c'est dans cet esprit que j'écris cette lettre, espérant qu'elle vous parviendra avant que mon calcul, étonnant, ne tombe sous les yeux d'un syndicaliste pur et dur ou d'un journaliste en mal d'information. Ils en profiteraient pour tirer à boulets rouges sur nos gouvernants actuels et précédents, et pourquoi pas futurs.

Au fait, M. Paul Ramadier, avec l'accord de ses collègues députés et ministres, avait créé la " vignette " pour améliorer le sort des retraités. Peut-on savoir ce qu'a rapporté l'impôt vignette et le pourcentage affecté réellement aux retraités ? Cela nous éclairerait sur le degré de crédibilité que l'on peut accorder à nos dirigeants…

Agé de 84 ans et maintenant aveugle et veuf après 60 ans d'un vrai mariage réussi, je n'attends plus rien de la vie, à part la mort.
Mais pour notre descendance, je souhaite que vous vous penchiez sur ce problème et en trouviez la solution humaine, digne, vraiment fraternelle pour la France d'en bas, alors que vous, ceux d'en haut, vous la regardez parfois avec un peu de mépris et la traitez souvent légèrement et avec désinvolture.

Dans cet espoir, je vous prie d'agréer, Monsieur le Premier Ministre, l'assurance de ma considération distinguée.

J.- L. G. (34)




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