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28/5/12 Claude Reichman
         Qu’est-ce que vous faites dans ma cabine ?

C’est un dessin de Sempé. Un paquebot est en train de couler. On voit quelques chaloupes bondées de naufragés. Au premier plan, un homme est accroché à la porte de sa cabine qui flotte au milieu des débris. Tourné vers l’autre côté de la porte, l’air hargneux, il lance à une femme coiffée d’un ridicule bibi et qui s’accroche aussi au chambranle : « Qu’est-ce que vous faites dans ma cabine ? ».

Cette scène de naufrage, c’est la France. Le pays coule et les Français s’accrochent à ce qu’ils peuvent tout en ne songeant qu’à maintenir leurs privilèges, alors qu’ils sont tout simplement en train de se noyer.

Puisqu’on en est à l’humour, voici une histoire qui n’est pas mal non plus. Le premier vol transatlantique sans pilote vient de décoller de Roissy. Une voix suave enregistrée se fait entendre dans le haut parleur : « Nous somme heureux de vous accueillir sur notre compagnie. Nous atteindrons notre destination après 8 heures de vol. Soyez entièrement rassuré, rien ne peut vous arriver …river …river …river. »

Voilà, nous avons le choix de la métaphore : navire en perdition, avion sans pilote. Pour le reste, nous n’avons évidemment plus le moindre choix, sauf celui d’examiner les moyens de se sauver de la catastrophe et d’adopter d’urgence ceux qui nous semblent les meilleurs.

Deux thèses s’affrontent. Pour les uns, il faut absolument continuer à emprunter pour maintenir le système économique et social (et politique aussi, bien entendu). Pour les autres, on ne s’en tirera qu’en sortant des déficits et de la dette en faisant les sacrifices nécessaires.

La première méthode est celle à laquelle s’est désespérément accroché Sarkozy et il a réussi à se faire battre à l’élection présidentielle avant que la défiance des investisseurs n’emporte les redoutes financières du pays. D’une certaine manière, il a assuré son avenir politique, puisque l’oubli du peuple le créditera de n’avoir pas présidé à la catastrophe.

Hollande a mis ses pieds dans les pas de son prédécesseur et saute sur son fauteuil comme un cabri en répétant sans cesse « eurobonds, eurobonds ». Bien entendu, il n’y aura pas d’eurobonds puisque l’Allemagne, qui est la seule à pouvoir les garantir, n’en veut pas.

Alors que faire, puisque l’austérité ne suffit manifestement pas ? D’abord cesser de se bercer d’illusions : l’euro ne survivra pas sous sa forme actuelle. Les Etats vertueux du nord de l’Europe pourront certainement, s’ils le veulent, garder une monnaie unique, qu’elle s’appelle euro ou d’un autre nom. Quant à ceux du Sud, ils vont devoir revenir chacun à sa monnaie. Après tout, il y a actuellement 11 monnaies dans l’Union européenne à 27 : l’euro et dix autres. Demain, il y en aura sans doute une vingtaine : le nouvel euro et toutes les autres.

La seule attitude sérieuse consiste à préparer la scission de la zone euro et à la mettre en œuvre avec méthode, notamment en prenant les précautions nécessaires pour que ne se produisent pas des faillites bancaires en série. Il faudra à cet égard restructurer les dettes en les allégeant et en leur fixant de nouvelles échéances plus lointaines.

Il faudra dans le même temps revenir rapidement à l’équilibre budgétaire par la réduction des dépenses publiques et en proscrivant les hausses d’impôt qui sont le moyen le plus sûr d’anéantir tout espoir de croissance.

Mais le préalable à toutes ces mesures de salut public, c’est l’information. La balle est à la fois dans le camp des hommes politiques et dans celui des médias. Ces derniers ont d’ailleurs la mission essentielle puisqu’ils ne sont pas soumis à l’élection mais seulement au choix de leurs acheteurs et spectateurs. Quand on voit le succès médiatique d’un François Lenglet, qui s’efforce de faire passer certaines vérités dans le grand public (et à qui nous avions servi de relais avant tout le monde), on se dit que les médias ne se porteraient pas plus mal mais beaucoup mieux s’ils se décidaient enfin à ouvrir le grand débat national dont notre pays a besoin et qu’il attend.

Les Français ne doivent plus consacrer leurs efforts à préserver leur droit d’usage exclusif sur ce qui reste de leur cabine naufragée, mais à nager énergiquement jusqu’à ce qu’apparaisse la terre ferme. Personne d’autre qu’eux-mêmes ne les sauvera. Qu’on se le dise !

Claude Reichman
Porte-parole de la Révolution bleue.


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