Retour de l’Etat ? Disons plutôt
maintien du socialisme !
« L'art de l'économie ne consiste pas simplement à regarder les effets
immédiats mais les effets à long terme de toute politique. Il consiste à
tracer les conséquences d'une politique non seulement à l'égard d'un groupe
mais de tous les groupes de la société. » Henry Hazlitt
Ainsi commence le livre culte d'Henry Hazlitt. Cet ouvrage, publié en
1946 en Amérique, est devenue un best-seller en Chine. Ce n'est pas un
hasard que les Chinois se soient tournés vers cet auteur de l'école
autrichienne qui offre une vision radicalement opposée à celle des
Keynésiens. Ils s'en portent nettement mieux que les Européens qui
s'accrochent aux vieilles lunes socialistes.
Hazlitt était un journaliste prolifique. Il était un contributeur du New
York Times pendant la grande dépression. Il était également un critique
apprécié de la revue littéraire New York Times Book Review. A
l'époque, ce journal était au centre. A la fin de la Seconde Guerre
mondiale, il bascula à gauche à l'occasion de la conférence de Bretton Woods
qui donna naissance au système financier international avec la Banque
Mondiale et le Fonds Monétaire International.
- Quand quarante-trois gouvernements signent un accord, je ne vois pas
comment je peux le combattre plus longtemps, dit Arthur Sulzberger, le
patron du Times, à Hazlitt.
- Très bien, répondit Hazlitt, je n'écrirai plus rien sur Bretton Woods.
C'est un projet inflationniste qui se terminera mal, et je ne veux pas le
cautionner.
L'histoire donna raison à Hazlitt dans les années soixante-dix quand le
monde occidental croula sous l'inflation. Hazlitt ne fut pas viré mais la
rédaction menaça de publier un démenti à ses éditoriaux. Il fut donc mis au
placard. Hazlitt donna sa démission et trouva immédiatement un autre
employeur : Newsweek Magazine. C'est en collaborant à ce dernier
qu'il publia son ouvrage. « Economics in One Lesson » (1), qui fut un grand
succès avec neuf millions d'exemplaires vendus et dix traductions.
Ce livre, dont le succès ne se dément pas (les Chinois qui l'ont découvert
récemment en raffolent), nous ramène invariablement à la question du jour.
Le gouvernement français s'évertue à présenter son plan de relance comme un
plan d'investissement. La leçon de la relance calamiteuse par la demande, en
1982, a été retenue par la fausse droite. C'est à peu près tout ce qu'elle a
retenu...
Dans le chapitre 6 intitulé « Le crédit détourne la production », Hazlitt
prend l'exemple du crédit alloué par l'État à des fermiers. Je l'ai modifié
pour l'adapter à la réalité française. Le fermier C qui a une entreprise
prospère, n'éprouve pas de difficulté à se financer auprès d'investisseurs
privés. C'est seulement les fermiers A et B, dont la productivité est très
faible, qui se tournent vers l'État pour obtenir un crédit. Le gouvernement
keynésien va leur accorder un prêt préférentiel pour corriger cette
inégalité !
Le fermier C est triplement pénalisé par cette mesure discriminatoire. D'une
part, le prêt accordé aux fermiers A et B a un taux d'intérêt nominal qui
est inférieur à celui du marché. Il faut noter que l'État keynésien n'a pas
l'argent pour accorder cette faveur. L'État keynésien est impécunieux, une
constante chez ces gens-là. Pour accorder ce prêt avec un taux bonifié, il
va devoir se financer lui-même sur le marché. Le fermier C va devoir
emprunter à un taux plus élevé en raison de la raréfaction du crédit
détourné par l'État pour financer ses entreprises chimériques. Quand,
autrefois, il pouvait emprunter 10 000 € à un taux de 5 %, il ne peut plus
emprunter aujourd'hui que 8000 € à un taux de 7 % en raison de l'assèchement
du marché. S'il persiste à vouloir lever 10 000 € comme auparavant, le taux
consenti sera non pas de 7 % mais peut être de 10 %. C'est le taux marginal
compte tenu de la raréfaction du crédit. Le marché du crédit est rationné.
Enfin, pour rembourser sa dette, l'État va devoir augmenter les taxes. Le
fermier C est ainsi triplement pénalisé avec la progressivité de l'impôt sur
le revenu qui le frappe plus durement que les fermiers A et B qui sont dans
une tranche inférieure.
A travers cet exemple, on voit qu'une ressource rare (l'épargne) est dévoyée
pour satisfaire une lubie socialiste. Les fermiers A et B perçoivent un
avantage conséquent : un prêt bonifié à 2 %. Avec une inflation de 2 %, le
taux réel du prêt est de zéro. Les fermiers A et B ne soucient pas de la
rentabilité de leur entreprise. Ils feront un mauvais investissement. En
revanche, le fermier C qui a obtenu un prêt nominal de 7 %, sera très
sélectif dans ses choix d'investissement.
La conséquence est toujours la même. Parce que les fermiers A et B, dont la
productivité est moindre que celle du fermier C, ont acquis une ressource
rare (l'épargne) au détriment du troisième, la production globale sera
moindre et la société en pâtira. Le keynésianisme n'est qu'un habillage
intellectuel du socialisme. Comme les fermiers A et B sont majoritaires dans
notre pays, tous les gouvernements se rangent de leur côté. Ils continueront
à voler le fermier C pour faire plaisir aux deux premiers.
Bernard Martoïa
(1) « Economics in One Lesson », (L'économie en une leçon) par Henry
Hazlitt, n'est pas disponible en français. Rien d'étonnant au pays du
socialisme. En revanche, il fait un tabac en Chine !
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