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8/3/09 | Christian Makarian |
Les Caraïbes, des Balkans en plein soleil ! C'est une frontière d'îles qui, des Bahamas à Trinidad, sépare la mer des Caraïbes de l'océan Atlantique. Elle délimite une véritable Méditerranée tropicale, bordée par 25 Etats, qui parle différents types de créole et au moins quatre langues européennes. Des Balkans en plein soleil, qu'on aurait définitivement tort de voir comme une curiosité. C'est à Haïti que l'esclavage a été aboli et que l'on a proclamé la première indépendance de l'ère coloniale (1804). C'est à Porto Rico que les Etats-Unis ont procédé à leur dernier élargissement territorial. C'est à Cuba que le bloc soviétique a choisi de défier l'hyperpuissance américaine et que la Russie de Medvedev-Poutine veut maintenant se réinvestir. C'est à la Martinique et à la Guadeloupe (mais aussi en Guyane, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy) que la France a décidé de rester, de même que le Royaume-Uni aux Bermudes, aux Caïmans, aux îles Vierges ou aux Turques-et-Caïques, et les Pays-Bas à Aruba, Bonaire, Curaçao, Saba, Saint-Eustache et Saint-Martin. D'une terre à l'autre, dépendance comme indépendance sont bercées par les mêmes flots. C'est dire combien cet univers est profondément marqué par la dialectique de la proximité et de la distance. Partout, la créolité sert d'élément identitaire, de passerelle à travers les cultures anglophone, francophone, hispanophone, néerlandophone, mais aussi de vecteur vers la négritude. Or cette spécificité culturelle, très forte, se heurte à des facteurs de dépendance économique tout aussi frappants. Les multiples tentatives d'intégration régionale, qu'il s'agisse de la Communauté et marché commun des Caraïbes, de l'Association des Etats de la Caraïbe ou de la Zone de libre-échange des Amériques, ne sont pas parvenues à vaincre l'émiettement postcolonial ni à remplacer de manière durable et profitable les liens historiques particuliers. Résultat, on navigue entre l'extrême pauvreté de l'indépendance (Haïti), la misère socialiste (Cuba), la prospérité ultralibérale transformée en pavillon de complaisance (Barbade) et le rattachement pur et simple à la métropole (Guadeloupe et Martinique). Le facteur économique, loin de contribuer à forger une identité autonome, la dilue dans une écume de chimères. Sur les 30 pays à revenu intermédiaire les plus endettés du monde, 14 sont caribéens. Par sa présence outre-mer, la France est ni plus ni moins qu'impliquée dans cette réalité. Christian Makarian
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