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26/6/09 | Christian Makarian |
Iran : la défaite du clergé chiite En une semaine, les foules indignées de Téhéran ou d'Ispahan seront passées du slogan "A bas Ahmadinejad!" au cri "A bas Khamenei!". Le principal effet de l'intervention du Guide suprême, successeur de l'imam Khomeini, aura donc été d'accentuer la fracture avec les partisans de Mir Hossein Moussavi et de faire basculer sans pitié le régime du côté de la dictature sanguinaire. Depuis trente ans, malgré sa dureté, les immenses sacrifices demandés face à l'Irak, les privations de toutes sortes, la République islamique avait pour elle de s'être imposée à l'intérieur de ses frontières en procédant à des élections qui ménageaient parfois des surprises. C'en est fini. En prenant fait et cause, de manière cinglante, pour un président élu au terme d'un scrutin truqué, Ali Khamenei a rangé le sommet de l'Etat, la plus haute autorité morale, du côté de la fraude et l'a dressé contre une large partie de l'opinion, éprise de vérité. C'est tout l'édifice du velayat-e faqih (la "tutelle du juriste-théologien"), principe fondateur inventé par Khomeini, qui se trouve atteint. L'idée même que les religieux puissent confisquer le politique, tels de vulgaires satrapes, est désormais le principal ferment de la contestation. Même réprimé, le mouvement continuera d'agir dans la conscience collective. Pour la première fois depuis le XIXe siècle, ce n'est pas le clergé chiite qui a conduit ni encadré le peuple iranien dans sa lutte. Il revient à une jeunesse instruite, mais interdite d'avenir, de s'être emparée de la couleur verte de l'islam, d'avoir scandé "Allah akbar" comme au temps de la chute du chah et de s'être donné des martyrs, telle Neda, cette jeune femme dont l'agonie filmée a fait le tour du monde. Par un paradoxe en forme de justice, l'éducation des masses, la seule réussite de la République islamique, a donné des exigences profondes à tout un peuple nouveau, qui veut voir cohabiter islam et démocratie. Est-ce un hasard si les milices bassiji à la solde d'Ahmadinejad ont saccagé en priorité l'université ? Dès 1906, l'Iran fut le premier pays du Moyen-Orient à faire sa révolution et à se doter d'une Constitution. Dans les années 1950, il se leva contre la morgue des Occidentaux en nationalisant le pétrole. En 1979, il abattit la monarchie au nom d'une idéologie religieuse qui, depuis, a essaimé dans tout le monde arabo-musulman. Que nous réserve encore l'Iran ? Christian Makarian
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