En Afrique, Obama corrige Sarkozy !
Barack Obama avait rendez-vous avec lui-même. Il a donc méthodiquement
préparé la rencontre. Pour imprimer sa marque en Afrique, là où il était
tant attendu, il a choisi le Ghana, où George W. Bush s'était rendu, en
2008, après Bill Clinton, en 1998, et Martin Luther King, en 1957. Etonnante
constance envers un pays qui fut le premier de l'Afrique subsaharienne à
s'affranchir du joug colonial et qui a connu deux alternances pacifiques
durant les huit dernières années.
Mais il ne fait aucun doute que le passage de Barack Obama aura balayé
par son intensité tout ce qui l'a précédé. A maints égards, le moment fut
saisissant. D'abord par l'émotion liée au témoignage et à l'exemple: "Mon
père a grandi dans un tout petit village où il gardait des chèvres", a
déclaré, chavirant la foule, l'homme le plus puissant du monde. Ensuite, par
la force structurante du discours.
Comme il l'avait fait au Caire, face au monde arabo-musulman, le
président américain a voulu s'impliquer dans le sentiment d'abandon des
peuples démunis tout en dénonçant sans ambages les maux spécifiques du
continent noir. Malgré son allure aristocratique et son profil harvardien,
il est, une nouvelle fois, parvenu à se situer "à l'intérieur" de la misère.
C'est ainsi que la corruption, le népotisme, le fatalisme, la dévotion aux
hommes providentiels, les crimes de guerre, le faux prétexte du
colonialisme..., tout y est passé. Et l'orateur s'en est allé en héros.
Une telle franchise n'a été rendue possible qu'au nom d'un principe
essentiel: "Je ne vois pas dans les pays et les populations d'Afrique un
monde à part", a proclamé Barack Obama. C'est la phrase clef, celle qui
définit la différence fondamentale avec le discours de Dakar, prononcé par
Nicolas Sarkozy en juillet 2007. Obama a dépassé le constat, refusé la
simple exhortation, rejeté le paternalisme, pour proposer une perspective
concrète, un pacte de confiance. "Je veux vous voir gagner de l'argent",
a-t-il lancé prosaïquement, avant de promettre: "L'Amérique sera à vos
côtés, à chaque étape, en tant que partenaire, en tant qu'amie."
En juillet 2007, le président français avait soulevé une tempête en
déclarant : "L'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire." Obama
est reparti en paix après avoir affirmé aux Africains : "En ce moment
précis, l'Histoire est en marche."
Christian Makarian
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