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1/5/09 Christian Makarian

Turquie-Arménie : un tournant décisif

Aux portes de l'Europe, un des conflits les plus anciennement installés dans les consciences comme sur le terrain est en train de vivre un tournant décisif. La Turquie et l'Arménie viennent en effet de signer une "feuille de route", en vue d'une normalisation bilatérale, alors que ces deux pays n'ont jamais entretenu de relations diplomatiques.

Ce document, immédiatement salué par les Etats-Unis, la France et l'Union européenne comme un grand espoir, a été paraphé le 23 avril, à la veille même de la commémoration du génocide des Arméniens, perpétré par le gouvernement turc en 1915.

Résultat, soucieux de ménager le principal allié de l'Amérique au Moyen-Orient, Obama, pourtant acquis à la cause arménienne, n'a pas prononcé le mot qui qualifie parfaitement les événements de 1915. Mais il a effectué une subtile percée en réaffirmant qu'il n'avait pas changé d'"opinion personnelle" quant au qualificatif de "génocide", en invoquant le chiffre de 1,5 million de victimes, alors que la Turquie en admet moins de la moitié, et en employant officiellement l'expression arménienne de "Meds Yeghern" (grande calamité).

La "feuille de route" recèle des clauses essentielles. En premier lieu, l'échange d'ambassadeurs - accrédités d'abord à Tbilissi, avant l'inauguration de chancelleries à Ankara et à Erevan - accompagné de l'ouverture de la frontière entre la Turquie et l'Arménie - fût-ce à titre symbolique ou temporaire dans un premier temps. Suivra la préparation d'accords destinés à rétablir les relations commerciales.

Mais des obstacles de taille demeurent. Du côté turc, admettre la réalité du génocide de 1915 est un tabou national ; or c'est un point non négociable pour la diaspora arménienne. Du côté d'Erevan, accepter la résolution du conflit du Haut-Karabagh, enclave arménienne dans le territoire azerbaïdjanais, occupée militairement par l'Arménie depuis 1993, ne peut se faire par le renoncement à cette terre ancestrale qu'exigent les Azéris, soutenus par les Turcs.

Une chose est sûre : pour en arriver à cette fragile avancée, il a suffi que deux géants le souhaitent. La Russie fait pression sur Erevan dans un élan de reconquête du Caucase, avec le dessein de redevenir la voie d'exportation privilégiée du pétrole de la Caspienne. Et l'Amérique pèse sur Ankara afin d'obtenir une victoire diplomatique significative et de reprendre pied sur ce même Caucase, en bordure de l'Iran, plus habilement qu'elle ne l'a fait en Géorgie.

Christian Makarian


 

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