Présidentielle : un spectacle de
marionnettes
Les quatre principaux candidats à l’élection présidentielle sont
partisans de la rupture. Aucun ne se réclame de la continuité. Aucun n’ose
afficher un bilan. Et pourtant ! Des quatre, seul Jean-Marie Le Pen a au
moins la cohérence pour lui. La rupture, il la prône depuis la création du
Front national, il y a trente-cinq ans. Quant au bilan, il n’en a pas,
puisqu’il n’a jamais été au pouvoir. Mais les autres !
M. Sarkozy est l’héritier du RPR dont le fleuron glorieux, Jacques
Chirac, a vigoureusement massacré les chances de la France tout au long de
ses quarante années de vie politique. Mme Royal est l’héritière du parti
socialiste, dont le fleuron glorieux, François Mitterrand, a plongé la
France dans le chaos des déficits, de la dette, de l’effondrement
économique, de l’immigration sans contrôle et de la perversion morale depuis
que ce parti a été créé il y a trente-six ans et que son premier secrétaire
est devenu président de la République il y a vingt-six ans. Quant à M.
Bayrou, il est l’héritier de l’Union pour la démocratie française, créée il
y a trente-trois ans pour soutenir l’action de son fleuron glorieux, Valéry
Giscard d’Estaing, qui pour préserver notre pays du socialisme a jugé
prudent de l’y précipiter, tel Gribouille qui se jetait à l’eau pour ne pas
se mouiller.
Ainsi donc, héritiers chacun, qu’ils le veuillent ou non, d’un bilan
désastreux, M. Sarkozy, Mme Royal et M. Bayrou nous demandent de les croire
capables d’une rupture que rien dans leur passé n’a le moins du monde laissé
entrevoir. Si encore ils avaient un programme ! Mais non, rien. Des mots
ronflants mais vides de sens, des promesses irréalisables sans véritable
rupture avec le système économique, fiscal et social qui étrangle la France
depuis plus d’un tiers de siècle, bref du vent. Et il paraît que la campagne
présidentielle passionne les Français. Sommes-nous donc devenus ce peuple
sans mémoire qu’apercevait déjà Tocqueville quand il affirmait qu’ « en
démocratie, chaque génération est un peuple nouveau » ? Il semble bien que
oui.
Oui, mais voilà. Il y a la mémoire consciente, et celle qui,
recroquevillée au plus profond du cortex, abrite les souvenirs douloureux et
grandioses, les espoirs les plus fous et les peurs ancestrales, les désirs
inassouvis et les pulsions les plus violentes. Et c’est cette mémoire-là qui
s’apprête à délivrer ses terribles exhalaisons, comme elle l’a toujours fait
au cours des siècles quand la patrie était en danger.
Allons, nos candidats à l’élection présidentielle ne sont que les
marionnettes d’un scénario qui les dépasse. Quand le grand souffle de
l’histoire se lèvera sur notre pays, il faudra bien que du tréfonds du
peuple se lève un homme ou une femme en qui la France se reconnaîtra et à
qui elle confiera ses destinées. Pour un temps limité bien sûr, car la règle
veut et voudra cette fois encore que le sauveur soit renvoyé sitôt sa
mission remplie, afin que le peuple puisse à nouveau danser la gigue du
bonheur retrouvé et de la joyeuse insouciance. Mais que voulez-vous, les
peuples heureux n’ont pas d’histoire. C’est vrai partout, même dans un pays
comme le nôtre qui lui en a une, glorieuse et tragique à la fois, et qui
s’apprête à s’enrichir des nouveaux drames que l’inconscience de ses
dirigeants lui aura si bien préparés.
Gloire donc au prochain élu de la nation. S’il savait ce qui l’attend, il
s’enfuirait à toutes jambes. Mais il y a longtemps que notre classe
politique, parce qu’elle s’est approprié le monopole de la représentation
populaire et qu’elle s’est ainsi mise à l’abri de toute véritable sanction,
ne sait même plus que les actes ont des conséquences. Il y a quelques
décennies, une pièce de théâtre connaissait, au boulevard, un beau succès.
Elle s’intitulait « La facture ». Il semble bien que, tous ensemble, nous
nous préparions à l’interpréter. Et cette fois elle ne fera rire personne.
Claude Reichman
Porte-parole de la Révolution bleue.
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