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20/12/11 | David Marsh |
La France
s’est piégée elle-même dans l’euro ! La déclaration fracassante de Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France, qui est pourtant amène et policé, est rapidement devenue le sujet d’une vive polémique au Royaume-Uni. En effet, son entretien dans un journal régional de Bretagne, Le Télégramme, pourrait devenir l'équivalent monétaire de l'affaire du Daily Telegraph avant la Première Guerre mondiale, lorsque le Kaiser Guillaume II donna à ce journal de Londres, en 1908, une interview incendiaire qui ne contribua pas peu au conflit qui éclata six ans plus tard. La perte imminente de son triple A par la France est certainement la raison de cette crise de nerfs à Paris. Pour des raisons qui ne sont pas entièrement claires, Christian Noyer a déclaré au journal breton que ce n'est pas la France mais le Royaume-Uni qui devrait être déclassé par les agences de notation, car la Grande-Bretagne a de plus gros déficits budgétaires, plus de dette, plus d’inflation et moins de croissance. Tout cela est vrai mais à côté de la plaque. On se demande pourquoi Noyer a fait une telle déclaration, car cela ne peut que se retourner contre lui. Noyer est un homme agréable et érudit. Il donne l'impression de croire, comme moi, que les banquiers centraux doivent être vus mais pas entendus. Noyer a été assez souvent mêlé à des querelles pour savoir que créer une polémique sur la cote de crédit de quelqu'un d'autre ne peut jamais être une bonne chose. … Il est aujourd'hui l'un des deux seuls membres du Conseil de la Banque centrale européenne à avoir déjà siégé dans cette instance, où il est entré il y a 13 ans, l'autre étant Yves Mersch, le gouverneur de la Banque centrale du Luxembourg. Dans sa philippique critiquant la note financière britannique, Christian Noyer a davantage révélé la frustration et la fragilité de la France que celles de la Grande-Bretagne. A sa question poignante, «Pourquoi la Grande-Bretagne est-elle à l'abri d’un déclassement et non pas la France ? », la réponse courte est la suivante : « Parce que la Grande-Bretagne a toujours sa monnaie alors que la France ne l’a plus ! » Une réponse plus élaborée est que la France a cherché à briser le moule orthodoxe de la B.C.E. et qu’elle n’y est pas parvenue. Une série de déclarations angoissées faites par les décideurs politiques français montre la faiblesse de la position de la France au sein de l'union économique et monétaire. L'adhésion à l'euro n'a pas rendu la France plus forte et l’Allemagne plus faible. C’était le calcul initial sur lequel reposait l’initiative française de créer une monnaie unique, après la chute du Mur de Berlin en 1989. C’est le contraire qui s’est produit. Parce que la France a perdu le contrôle de sa monnaie, elle ne peut plus bluffer ou imposer son choix aux autres, comme ce fut souvent le cas durant les années 1980 et 1990. Parce que la France ne peut pas contrôler la Banque centrale européenne, comme elle espérait le faire au début, elle ne peut pas instaurer une sorte d'assouplissement quantitatif (Q.E. dans le jargon de la finance) pour protéger les marchés obligataires en Europe. Parce que la France est enchaînée avec l'Allemagne et quinze autres pays de la zone euro, sa cote de crédit et la performance de ses obligations sont liées à la prouesse non pas du plus fort mais du plus faible maillon au sein de la zone euro. Enfin, parce que les Allemands ont redécouvert l’art en apparence perdu du « Bundesbankism » par l’entremise de Jens Weidmann, leur jeune représentant à la B.C.E., la France se retrouve piégée dans l'orthodoxie et l'obstination allemande auxquelles elle voulait échapper par la création de l'euro en 1999. Certains, bien sûr, ont vu venir le coup. Le président François Mitterrand, qui s'était chargé de conduire les Allemands vers l'union monétaire après la chute du mur de Berlin, avoua, alors qu’il était proche de la mort en janvier 1996, qu'il avait fait une erreur en acceptant l'indépendance complète de la Banque centrale européenne, parce que les Allemands finiraient par obtenir ce qu'ils voulaient. (1) Cet aveu fait à son compagnon d'armes Jean-Pierre Chevènement est d'autant plus révélateur que Mitterrand avait la réputation de voir clair sur l'Allemagne. La déclaration de Christian Noyer prouve que le vieux renard Mitterrand ne s'était pas trompé. David Marsh Note du traducteur :
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