Comment une banque centrale passe son
temps à vous voler !
Un bon point de départ pour comprendre la véritable nature des banques
centrales est le slogan qui dit « Ne volez pas, le gouvernement déteste
la compétition ! ». La principale raison d’être de cette structure
bureaucratique est en effet de nous voler. Comment fait-elle cela ? En
imprimant toujours plus d’argent (ou, de nos jours, en le créant sur des
ordinateurs à partir de bits électroniques) et en gonflant la masse
monétaire, ce qui a pour effet de diminuer la valeur de la monnaie en
circulation et de faire grimper les prix.
Lorsque vous allez sur le site de la Banque du Canada, il est écrit : «
Nous sommes la Banque centrale du Canada. Nous nous employons à préserver la
valeur de la monnaie en maintenant l’inflation à un niveau bas et stable.
» Faites toutefois quelques recherches sur ce site et vous découvrirez que
depuis le début des opérations de la Banque il y a 75 ans, le dollar
canadien a perdu environ 94% de sa valeur. Un panier de biens et services
qui coûtait 100 $ en 1935 coûterait aujourd’hui 1600 $. Comme travail de
préservation, on a déjà vu mieux !
La contrefaçon est, à juste titre, une activité illégale et réprimée par la
justice. Les banquiers centraux la pratiquent pourtant constamment, à la
différence près qu’eux ont la loi de leur côté pour forcer tout le monde à
accepter leur papier-monnaie – ce qu’on appelle le cours légal – en plus
d’avoir les moyens de déployer une propagande considérable pour le rendre
légitime.
Les intérêts en jeu sont énormes. L’inflation est une façon détournée pour
les gouvernements de dépenser davantage sans avoir à imposer directement les
citoyens. Une banque centrale est un élément essentiel d’un gros
gouvernement dépensier et interventionniste.
Les opérations des banques centrales servent également à renflouer en
permanence les personnes ou organisations endettées. En effet, les banques
centrales maintiennent généralement les taux d’intérêt plus bas que ce qui
serait le cas dans un marché financier complètement libre. Par ailleurs, en
réduisant constamment la valeur de l’argent qui doit être remboursé, la
banque centrale rend la vie plus facile aux débiteurs. C’est ainsi qu’on
constate que dans l’économie contemporaine dominée par l’argent facile, les
dettes, publiques et privées, ne cessent de croître, au point où l’édifice
monétaire au complet risque de s’écrouler.
Enfin, les banques centrales protègent les pratiques imprudentes des
institutions financières, qui prêtent de l’argent qu’elles n’ont pas sur la
base du système frauduleux des réserves
fractionnaires. Parce qu’elles ont toujours la possibilité de se tourner
vers un prêteur en dernier ressort qui peut créer de la monnaie sans limite,
les institutions financières sont plus enclines à prendre des risques indus.
Comme on l’a vu récemment, elles peuvent toujours compter sur des injections
gigantesques de fonds en provenance des banques centrales pour se maintenir
à flot et continuer de faire des profits.
Il est intéressant de lire dans Le dollar canadien : une perspective
historique, un court volume publié par la Banque du Canada, que la
raison qui a motivé la suspension de l’étalon-or au Canada en 1914 était la
volonté du gouvernement de venir à la rescousse de banques commerciales en
détresse. « Le 3 août 1914, le gouvernement et l’Association des
banquiers canadiens tinrent une réunion d’urgence à Ottawa pour discuter de
la crise. Le jour même, la promulgation d’un décret venait protéger les
banques menacées d’insolvabilité, en donnant cours légal aux billets des
banques. Cela permit à ces établissements de répondre aux demandes des
déposants en leur remettant leurs propres billets plutôt que des billets du
Dominion [1] ou de l’or. » Prenez mon argent, sinon…
Cette décision a constitué l’une des étapes importantes vers la création de
la Banque du Canada en 1935 et la nationalisation complète de la monnaie au
Canada. Tout le baratin qu’on désigne aujourd’hui sous le nom d’« économie
monétaire » vise essentiellement à dissimuler le fait que les opérations des
banques centrales ont pour effet de nous appauvrir. Les archives Web de la
Banque du Canada contiennent une pléthore d’études sur les façons de
calculer la masse monétaire, sur des règles sophistiquées permettant de
manipuler les taux d’intérêt, etc. Toutes ces études ont prétendument pour
but d’aider les bureaucrates de la Banque à mieux « préserver la valeur de
la monnaie » alors qu’en réalité, c’est son existence même qui est la cause
de sa dévaluation constante.
Depuis plusieurs décennies, la domination de la propagande en faveur du
contrôle étatique de la monnaie est devenue telle au sein de la profession
des économistes que quiconque soulève une objection se fait rapidement
traiter d’excentrique. Les débats sur la politique monétaire sont
monopolisés ici comme ailleurs par une poignée d’économistes utilisant un
jargon incompréhensible. La presque totalité d’entre eux travaillent dans
une banque centrale ou une institution financière ou sont reliés d’une façon
ou d’une autre au réseau de bénéficiaires de fonds de recherche, stages et
autres récompenses distribués par les banques centrales, comme des
recherches l’ont montré aux États-Unis.
Ce qui surprend le plus, c’est qu’à part une minorité de ceux qui adhèrent à
l’École autrichienne, même la plupart des économistes qui prétendent
défendre le marché libre approuvent l’existence et les interventions des
banques centrales, en particulier en période de crise. Pourtant, même s’il
était vrai qu’on pouvait relancer une économie en « inondant les marchés de
liquidités », une telle action implique nécessairement une violation
fondamentale des droits de propriété et devrait suffire à la rendre
inacceptable.
Les époques qui nous ont précédés comprenaient cette réalité beaucoup mieux
que la nôtre, comme l’attestent par exemple les débats houleux qui ont
marqué la création et l’abolition des deux premières banques centrales des
États-Unis [2]. Dans un monde rationnel, les activités des banques centrales
seraient vues comme une expropriation et on y mettrait fin sans délai.
Espérons qu’un jour viendra où les étudiants de science économique
apprendront de nouveau à pousser un raisonnement jusqu’à sa conclusion
logique.
Martin Masse
[1] Le Canada était à l’époque décrit comme un « dominion » de l’empire
britannique, plus autonome qu’une colonie mais pas tout à fait indépendant.
[2] La première Banque des États-Unis a duré de 1791 à 1811 et la seconde de
1816 à 1841. L’actuelle banque centrale américaine, la Réserve fédérale, a
été créée en 1913.
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