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18/5/13 Bernard Martoïa
La fracture irrémédiable du couple franco-allemand

Il aurait mieux valu pour l'intérêt du continent européen que l'Allemagne et la France restent amies comme au bon vieux temps du général de Gaulle et du chancelier Konrad Adenauer. Leur mariage, célébré en grande pompe à Maastricht en 1992, s'avère un échec. Les divergences sont trop grandes au sein du couple pour que leur union perdure. Avant de faire hâtivement sa proposition de mariage à l'Allemagne, la France primesautière aurait dû comprendre qu'elle ne changerait jamais la mentalité teutonne empreinte de la rigueur et de la constance qu'elle n'a pas.

Sommé par le président de la Commission européenne d’engager des réformes structurelles, en compensation du moratoire de deux ans accordé à notre pays pour revenir sous la barre des 3% de déficit budgétaire, le gouvernement français se défausse en demandant l’organisation d’un gouvernement européen qui remettrait en cause cette règle budgétaire qui est le fondement de la monnaie unique lancée par François Mitterrand et sans laquelle l’Allemagne n’aurait jamais accepté d’abandonner le deutschemark.

La monnaie unique, et plus généralement l’avenir de l’Europe, sont remis en cause, une fois de plus, par la France qui ne veut pas se serrer la ceinture comme l’ont fait d’autres cigales européennes qui ont vécu trop longtemps au-dessus de leurs moyens. Le malentendu dans le couple franco-allemand ne cesse de se creuser. Pourquoi ? Parce que la France ne respecte pas ses engagements. Qui a eu l’idée d’une monnaie unique ? Notre feu président pour phagocyter une Mitteleuropa (hégémonie allemande en Europe) dont la France aurait été écartée au lendemain de la réunification des deux Allemagnes en 1990. Débonnaire mais pas dupe, la vache allemande a accepté la proposition de mariage du matois coq français en mettant deux clauses au contrat : le déficit budgétaire des Etats membres ne devrait pas dépasser 3% du PIB et la dette 60% de celui-ci. Ces deux conditions furent actées dans le traité de Maastricht que le peuple français a approuvé lors du référendum organisé en 1992. C’est bien la France qui a eu l’idée saugrenue de s’arrimer à l’Allemagne et non pas l’inverse. Voilà pour le rappel des faits que Paris feint d’ignorer.

La proposition du président de la République n’est pas une nouveauté. Elle a été exprimée par Michel Rocard dans son livre « La gauche n’a plus droit à l’erreur », que j’ai déjà eu l’occasion de critiquer. L’harmonisation fiscale dont il rêve ne sera jamais acceptée par les pays sérieux. Au risque de me répéter, c’est la concurrence fiscale, et non pas l’harmonisation fiscale par le haut, qu’il convient d’encourager pour sortir l’Europe de sa sclérose. Il est cocasse, sinon pathétique, que notre pays au tempérament primesautier, qui a accepté de gaité de cœur d’enfiler une camisole de force en 1992, voudrait davantage de contrainte à travers la nébuleuse d’un gouvernement économique européen.

C’est tout le contraire qui ressort des derniers sondages. Le peuple français est las de la pseudo-rigueur que voudrait lui imposer la Commission européenne. 22 % des Français seulement sont favorables à une plus grande intégration économique. Le peuple français est le plus déprimé de la planète mais il n’en connaît pas les causes. Guy Millière, dans sa dernière chronique (1), explique pourquoi : « Les Français sont imprégnés de désarroi, d’angoisse, de dépression collective. Ils peuvent être en colère. Ils peuvent chercher des réponses en songeant qu’elles sont à gauche, à droite, ailleurs. Mais ils ne voient pas, dans leur majorité, que l’hégémonie marxiste ressemble à une nasse qui se referme. Ils ressentent une mort qui vient. Ils ne discernent pas de quoi meurt la France. »

A persister dans l’erreur, le gouvernement socialiste conduit à une fracture irrémédiable avec son partenaire principal en Europe. Il cherche à se désolidariser de lui en cherchant des alliances de revers avec les cigales européennes qui ne veulent pas de la rigueur imposée par Berlin qui est le maître de l’Europe. La cohérence fait défaut à notre nation primesautière. Personne ne nous a obligés à vivre avec les règles scrupuleuses de notre voisin d’Outre-Rhin.

Quelle solution pour sortir de l’impasse ?

Il n’y en a que deux. Soit le gouvernement français reconnaît ses erreurs passées et accepte la rigueur budgétaire imposée par le contrat de mariage, soit il demande une annulation de celui-ci et retourne au franc français. Si nous ne voulons plus de la rigueur germanique, il faut organiser au plus vite un nouveau référendum dans notre pays pour officialiser le divorce.

Mais le gouvernement socialiste ne pourra pas louvoyer indéfiniment en demandant une abrogation des deux clauses du contrat de mariage auxquelles ne renoncera jamais Berlin. Comme je l’ai écrit, tout se résume à la fable de Jean de la Fontaine du pot de terre contre le pot de fer. C’est le pot de terre qui finira par se briser, un jour, sous le poids des réalités économiques que le peuple français et ses représentants ne veulent pas admettre. Il lui reste deux ans à peine pour sortir de cette impasse.

Un sondage de CSA commandé par la chaîne BFMTV montre le long chemin qui lui reste à faire. 43% des Français considèrent que les difficultés économiques s’expliquent par le contexte international, 34% par la politique du gouvernement et 18% par la politique menée par l’ex-majorité de droite. François Mitterrand n’avait jamais admis ses erreurs lorsqu’il changea radicalement de politique économique en 1984. Il n’est donc pas surprenant que deux tiers des Français soient incapables de répondre correctement au sondage de CSA. La chape de plomb marxiste doit sauter. Ce n’est ni à Berlin ni à Bruxelles de nous prodiguer des conseils. Personne ne peut nous sauver du naufrage si nous ne voulons pas de la potion libérale à forte dose. Tant que les histrions de l’extrême-gauche tiendront le haut du pavé, il n’y a pas d’espoir que la mue s’opère dans les esprits décervelés qui, poussés au désespoir, vont voter en masse pour le Front national aux prochaines élections européennes.

Pauvre France que les gens talentueux abandonnent pour des cieux plus cléments, alors que s’organise une véritable chasse aux sorcières dans notre enfer fiscal qui n’arrive plus à boucler ses fins de mois. Ce ne sont pas les amadouements de notre ministre du « redressement industriel », après le bâton qu’il a brandi, avec bravache, devant le nez des patrons, qui feront revenir un jour les investisseurs étrangers, mais une véritable mue du peuple français qui tarde à se réaliser. La communauté financière internationale n’est pas dupe du double langage que tient Paris : le premier, marxiste et haineux à l’encontre du capitalisme pour assurer à la base que rien ne changera, et le second, ouvert et coopératif envers l’extérieur.

La qualité première que les médias français prêtent au président de la République serait sa capacité de faire la synthèse des différents courants animant le parti socialiste. Malheureusement pour lui alors qu’il est dépassé par les événements, ce n’est pas de synthèse dont le pays a besoin mais de rupture avec un encombrant passé marxiste. Il a été élu sur une imposture avec sa proposition devenue loi de taxer outrageusement les riches avec le succès que l’on connaît. C’est à lui d’admettre sa responsabilité entière dans l’entrée de la France dans la récession en 2013 en reconnaissant qu’il a trompé sciemment les Français pour être élu. Mais c’est une chose impensable dans la mentalité de notre nation arrogante. N’attendez pas de lui qu’il se suicide politiquement en entraînant de facto la mort du parti socialiste.

Pour finir, je reprendrai la conclusion de Guy Millière : « Les Français ne discernent pas que la présidence Hollande est l’un des effets de la mort qui vient, pas la cause de cette mort. » Comme le disait le fondateur de l’économie autrichienne, Carl Menger (1840-1921), il ne faut pas confondre la cause et l’effet. Demander le départ du président de la République ne réglera pas le problème de fond qu’ont les Français, en général, avec l’économie. D’où l’urgence d’un chèque-éducation pour arrêter la fabrique de crétins produite par l’Education nationale. CQFD.

Bernard Martoïa

(1) « La France meurt de l’hégémonie marxiste » de Guy Millière (publié par Les Quatre Vérités).



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