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5/3/10 | Bernard Martoïa |
Les requins nagent à présent vers
l’Espagne ! Deux poids, deux mesures… Empêtrés dans la crise grecque, les dirigeants européens viennent de recevoir un appui providentiel d’outre-Atlantique. La division antitrust de la justice américaine examine quatre hedge funds qui seraient coupables de collusion dans une vente à découvert de l’euro le mois dernier. Les hedge funds en question sont Greenlight Capital, SAC Capital Advisors, Paulson & Company et Soros Fund Management. Tout commence le 2 février 2010 lors d’un dîner dans un restaurant de Park Avenue, Townhouse, où se réunissent une vingtaine de managers des fonds en question. La présentation de l’euro par un manager de SAC Capitol Advisors n’aurait duré que cinq minutes lors de ce dîner. Quand des dirigeants politiques se réunissent, se concertent et prennent une décision commune, il s’agit d’une bonne action. Quand des investisseurs discutent pendant cinq minutes de l’avenir de l’euro, il s’agit d’une collusion… Michael Vachon, le porte-parole de Soros, a ironisé : «C’est devenu une habitude d’attirer l’attention sur Soros quand des problèmes de devises se posent.» James Chanos, qui n’a pas spéculé contre l’euro, défend la position des quatre fonds. Il a qualifié cette enquête de chasse aux sorcières. «Les hedge funds, et plus généralement ceux qui vendent à découvert, sont les boucs émissaires des erreurs commises par d’autres personnes.» L’euro est condamné Que le Département de la Justice américaine lance ou non une enquête à l’encontre des quatre hedge funds pour calmer la fureur des dirigeants européens, notamment celle de la marquise de Bercy, n’infléchira pas le sort de la monnaie unique. Rien que pour l’année 2010, les cigales européennes sont en quête de cinq cent milliards d’euros sur le marché obligataire pour refinancer leur dette et combler les brèches béantes de leur budget. Cet argent sera d’autant plus difficile à lever dès lors qu’on entretient un climat de défiance à l’encontre des spéculateurs qui sont dans leur droit en vendant l’euros à découvert. La crise grecque est le miroir du mal européen Personne ne peut vivre éternellement au-dessus de ses moyens ! Les cigales européennes doivent réduire drastiquement leur train de vie, ce qui passe par l’abandon inéluctable de leur cher État providence qui est la cause principale de leur ruine. Le laborieux plan de sauvetage de la Grèce ne rassurera que les Européens. Il ne convaincra personne en dehors d'eux. Paris et Berlin ont pris un grand risque en se portant garants d'Athènes à travers la Caisse des Dépôts et Consignations et Kreditanstalt für Wiederaufbau. Cette funeste décision intervient après que des banques privées allemandes ont fait savoir qu’elles n’achèteraient plus de dette grecque. Le marché n’est pas dupe. Les requins ne se trompent pas sur l’issue finale du combat Ils vont provisoirement délaisser la Mer Égée et se porter dans la partie occidentale de la Méditerranée où ils vont se gaver. L’Espagne accuse un taux de chômage de 20 %, une décroissance de 3,6 % et un déficit budgétaire de 11,4 %. Comme la Californie et la Floride, elle est victime de ses propres turpitudes. Au pic de la bulle immobilière, ce pays de quarante-cinq millions d’habitants construisait autant de logements que l’Allemagne, l’Italie et la France réunies ! Après l’éclatement de la bulle, elle se retrouve avec un stock de logements invendus de l’ordre d’1,3 million d’unités. C’est l’exemple type du mauvais investissement critiqué par l’école
autrichienne. Les tenants de cette école ne sont jamais invités sur les
plateaux de télévision. Et pour cause ! La propagande keynésienne persiste
dans l’erreur en prônant une aide à ce secteur sinistré, alors qu’il
faudrait laisser purger le marché. Les prix de l’immobilier n’ont baissé que
de 15 % en Espagne contre 50 % en Floride. «Les Espagnols se considèrent
à l’égal des Cubains alors qu’ils vivent comme des Yankees», a déclaré
Lorenzo Bernaldo de Quiros, le président de Freemarket International
Consulting à Madrid. (1) L’incohérence des néo-keynésiens déroute l’opinion publique Après le 15 septembre 2008, on a eu droit à un concert de louanges en faveur des plans de relance. Maintenant, on nous raconte qu’il faudrait réduire les déficits budgétaires pour prévenir un krach obligataire, tout en précisant qu’ils sont néanmoins indispensables pour soutenir une croissance moribonde. Comment voulez-vous que les peuples européens ne soient pas déboussolés par tant de sottises ? Le journal Le Monde est à l'avant-garde de cette escroquerie intellectuelle. «Quand les gens intelligents se piquent de ne pas comprendre, il est constant qu’ils y réussissent mieux que les sots», disait André Gide. N’ayant plus aucune marge de manœuvre, les cigales prient pour qu’un miracle se produise. Il n’y en aura pas ! Le marché est impitoyable avec les mauvaises politiques économiques. La croissance ne repartira pas en Europe. Plus grave, les cigales condamnées veulent entraîner dans leur chute les fourmis. La tournée du Premier ministre grec à Berlin, Paris et Washington s’apparente au chantage suivant : «Aidez-nous, sinon l’euro va sombrer avec nous !» Il tient aussi un double langage en menaçant de faire appel au F.M.I. Chiche ! Lisez à ce propos le papier éclairant de Philippe Herlin : «Le F.M.I, la bonne solution pour la Grèce.» (2) Les requins tournent leur attention vers l’Espagne Madrid n’a plus de marge de manœuvre. Elle doit trouver 85 milliards sur le marché obligataire en 2010. Ses dettes jumelles (publique et privée) ont augmenté de 14,5 % par an entre 2000 et 2008 selon une enquête publiée par McKinsey Global Institute. La dette globale représente 4,9 trillions de dollars ou 342 % de son PIB. A l’exception du Japon, c’est un pourcentage supérieur aux autres grandes économies. McKinsey est très pessimiste. Il prévoit que les ménages et les promoteurs immobiliers vont renier leur dette qui est supérieure à leurs actifs. Cela va entraîner la faillite de 45 Cajas (banques régionales), tenues par des politiciens qui ont spéculé à grande échelle sur le marché immobilier. Officiellement, les défauts de paiement des emprunts représentent 5 % du total, contre 3,2 % l’an dernier. «Ce total de pertes est minoré de 30 ou 40 %», a dit Santiago Lopez Diaz, un analyste de la banque Crédit Suisse. Comme la Fed qui a racheté des tonnes de produits toxiques, les Cajas ne veulent pas appliquer la règle comptable mark-to-market qui les obligerait à réaliser ces pertes. (3) Le gouvernement socialiste encourage les Cajas à lever davantage de capital. C’est une fuite en avant suicidaire. Comme les salaires sont inflexibles, les patrons n’ont d’autre choix que de licencier les salariés sous contrat à durée déterminée. Les autres bénéficient d’une impunité en raison d’un pacte diabolique signé avec les syndicats. Chaque licencié a droit à une indemnité de 45 jours par année de travail. Pour un salarié ayant vingt ans d’ancienneté dans une entreprise, cela équivaut à 900 indemnités journalières. On comprend pourquoi le taux de chômage dans ce pays demeure le plus élevé au sein de l’Union européenne. Pour un bon du trésor espagnol de 10 millions d’euros, le contrat d'assurance (credit default swap) est passé de 2350 €, il y a trois ans, à 171 750 € en février 2010, selon Markit Group Ltd qui gère l’index des CDS sur les dettes souveraines des seize pays européens de la zone euro. (4) Comme par hasard, la Commission européenne réclame un contrôle accru du marché des CDS qui lui échappe. Quand la température ne leur plaît pas, les néo-keynésiens veulent casser le thermomètre. C’est ce qu’ils savent faire de mieux. Pauvre Europe ! Bernard Martoïa (1) Wall Street Journal du 24 février 2010 : "The Euro's next battleground : Spain". (2) https://ladettedelafrance.blogspot.com (3) Archive du 18 février 2010 : «La fin de l’empire américain». (4) Archive du 25 février 2010 : «Les requins flairent un grand carnage en Europe». |