Les requins nagent ŕ présent vers
l’Espagne !
"Ne dites jamais aux gens ce qu'ils doivent faire. Demandez-leur plutôt
ce qu'il faudrait faire. Leur ingénuité vous surprendra." Général George
Smith Patton
(1885-1945), qui stoppa la contre-attaque de la Wehrmacht dans les Ardennes
en décembre 1944.
Deux poids, deux mesures…
Empętrés dans la crise grecque, les dirigeants européens viennent de
recevoir un appui providentiel d’outre-Atlantique. La division antitrust de
la justice américaine examine quatre hedge funds qui seraient coupables de
collusion dans une vente ŕ découvert de l’euro le mois dernier. Les hedge
funds en question sont Greenlight Capital, SAC Capital Advisors, Paulson
& Company et Soros Fund Management.
Tout commence le 2 février 2010 lors d’un dîner dans un restaurant de
Park Avenue, Townhouse, oů se réunissent une vingtaine de managers
des fonds en question. La présentation de l’euro par un manager de SAC
Capitol Advisors n’aurait duré que cinq minutes lors de ce dîner.
Quand des dirigeants politiques se réunissent, se concertent et prennent
une décision commune, il s’agit d’une bonne action. Quand des investisseurs
discutent pendant cinq minutes de l’avenir de l’euro, il s’agit d’une
collusion… Michael Vachon, le porte-parole de Soros, a ironisé : «C’est
devenu une habitude d’attirer l’attention sur Soros quand des problčmes de
devises se posent.» James Chanos, qui n’a pas spéculé contre l’euro, défend
la position des quatre fonds. Il a qualifié cette enquęte de chasse aux
sorcičres. «Les hedge funds, et plus généralement ceux qui vendent ŕ
découvert, sont les boucs émissaires des erreurs commises par d’autres
personnes.»
L’euro est condamné
Que le Département de la Justice américaine lance ou non une enquęte ŕ
l’encontre des quatre hedge funds pour calmer la fureur des dirigeants
européens, notamment celle de la marquise de Bercy, n’infléchira pas le sort
de la monnaie unique. Rien que pour l’année 2010, les cigales européennes
sont en quęte de cinq cent milliards d’euros sur le marché obligataire pour
refinancer leur dette et combler les brčches béantes de leur budget. Cet
argent sera d’autant plus difficile ŕ lever dčs lors qu’on entretient un
climat de défiance ŕ l’encontre des spéculateurs qui sont dans leur droit en
vendant l’euros ŕ découvert.
La crise grecque est le miroir du mal européen
Personne ne peut vivre éternellement au-dessus de ses moyens ! Les
cigales européennes doivent réduire drastiquement leur train de vie, ce qui
passe par l’abandon inéluctable de leur cher État providence qui est la
cause principale de leur ruine. Le laborieux plan de sauvetage de la Grčce
ne rassurera que les Européens. Il ne convaincra personne en dehors d'eux.
Paris et Berlin ont pris un grand risque en se portant garants d'Athčnes
ŕ travers la Caisse des Dépôts et Consignations et Kreditanstalt für
Wiederaufbau. Cette funeste décision intervient aprčs que des banques
privées allemandes ont fait savoir qu’elles n’achčteraient plus de dette
grecque. Le marché n’est pas dupe.
Les requins ne se trompent pas sur l’issue finale du combat
Ils vont provisoirement délaisser la Mer Égée et se porter dans la partie
occidentale de la Méditerranée oů ils vont se gaver.
L’Espagne accuse un taux de chômage de 20 %, une décroissance de 3,6 % et
un déficit budgétaire de 11,4 %. Comme la Californie et la Floride, elle est
victime de ses propres turpitudes. Au pic de la bulle immobiličre, ce pays
de quarante-cinq millions d’habitants construisait autant de logements que
l’Allemagne, l’Italie et la France réunies ! Aprčs l’éclatement de la bulle,
elle se retrouve avec un stock de logements invendus de l’ordre d’1,3
million d’unités.
C’est l’exemple type du mauvais investissement critiqué par l’école
autrichienne. Les tenants de cette école ne sont jamais invités sur les
plateaux de télévision. Et pour cause ! La propagande keynésienne persiste
dans l’erreur en prônant une aide ŕ ce secteur sinistré, alors qu’il
faudrait laisser purger le marché. Les prix de l’immobilier n’ont baissé que
de 15 % en Espagne contre 50 % en Floride. «Les Espagnols se considčrent
ŕ l’égal des Cubains alors qu’ils vivent comme des Yankees», a déclaré
Lorenzo Bernaldo de Quiros, le président de Freemarket International
Consulting ŕ Madrid. (1)
On veut toujours soigner le mal par le mal. Cela ne fait que prolonger
inutilement la récession économique. Devra-t-on se sacrifier en achetant des
logements vides sur la côte espagnole ? Oů plus personne n’a envie de venir
passer ses vacances en raison de la cherté de la vie ? Oů celle-ci est
entretenue par les blocages des syndicats ?
L’incohérence des néo-keynésiens déroute l’opinion publique
Aprčs le 15 septembre 2008, on a eu droit ŕ un concert de louanges en
faveur des plans de relance. Maintenant, on nous raconte qu’il faudrait
réduire les déficits budgétaires pour prévenir un krach obligataire, tout en
précisant qu’ils sont néanmoins indispensables pour soutenir une croissance
moribonde. Comment voulez-vous que les peuples européens ne soient pas
déboussolés par tant de sottises ? Le journal Le Monde est ŕ
l'avant-garde de cette escroquerie intellectuelle. «Quand les gens
intelligents se piquent de ne pas comprendre, il est constant qu’ils y
réussissent mieux que les sots», disait André Gide.
N’ayant plus aucune marge de manśuvre, les cigales prient pour qu’un
miracle se produise. Il n’y en aura pas ! Le marché est impitoyable avec les
mauvaises politiques économiques. La croissance ne repartira pas en Europe.
Plus grave, les cigales condamnées veulent entraîner dans leur chute les
fourmis. La tournée du Premier ministre grec ŕ Berlin, Paris et Washington
s’apparente au chantage suivant : «Aidez-nous, sinon l’euro va sombrer avec
nous !» Il tient aussi un double langage en menaçant de faire appel au
F.M.I. Chiche ! Lisez ŕ ce propos le papier éclairant de Philippe Herlin :
«Le F.M.I, la bonne solution pour la Grčce.» (2)
Les requins tournent leur attention vers l’Espagne
Madrid n’a plus de marge de manśuvre. Elle doit trouver 85 milliards sur
le marché obligataire en 2010. Ses dettes jumelles (publique et privée) ont
augmenté de 14,5 % par an entre 2000 et 2008 selon une enquęte publiée par
McKinsey Global Institute. La dette globale représente 4,9 trillions
de dollars ou 342 % de son PIB. A l’exception du Japon, c’est un pourcentage
supérieur aux autres grandes économies.
McKinsey est trčs pessimiste. Il prévoit que les ménages et les
promoteurs immobiliers vont renier leur dette qui est supérieure ŕ leurs
actifs. Cela va entraîner la faillite de 45 Cajas (banques
régionales), tenues par des politiciens qui ont spéculé ŕ grande échelle sur
le marché immobilier. Officiellement, les défauts de paiement des emprunts
représentent 5 % du total, contre 3,2 % l’an dernier. «Ce total de pertes
est minoré de 30 ou 40 %», a dit Santiago Lopez Diaz, un analyste de la
banque Crédit Suisse. Comme la Fed qui a racheté des tonnes de produits
toxiques, les Cajas ne veulent pas appliquer la rčgle comptable
mark-to-market qui les obligerait ŕ réaliser ces pertes. (3) Le
gouvernement socialiste encourage les Cajas ŕ lever davantage de
capital. C’est une fuite en avant suicidaire.
Comme les salaires sont inflexibles, les patrons n’ont d’autre choix que
de licencier les salariés sous contrat ŕ durée déterminée. Les autres
bénéficient d’une impunité en raison d’un pacte diabolique signé avec les
syndicats. Chaque licencié a droit ŕ une indemnité de 45 jours par année de
travail. Pour un salarié ayant vingt ans d’ancienneté dans une entreprise,
cela équivaut ŕ 900 indemnités journaličres. On comprend pourquoi le taux de
chômage dans ce pays demeure le plus élevé au sein de l’Union européenne.
Pour un bon du trésor espagnol de 10 millions d’euros, le contrat
d'assurance (credit default swap) est passé de 2350 €, il y a trois
ans, ŕ 171 750 € en février 2010, selon Markit Group Ltd qui gčre
l’index des CDS sur les dettes souveraines des seize pays européens de la
zone euro. (4)
Comme par hasard, la Commission européenne réclame un contrôle accru du
marché des CDS qui lui échappe. Quand la température ne leur plaît pas, les
néo-keynésiens veulent casser le thermomčtre. C’est ce qu’ils savent faire
de mieux. Pauvre Europe !
Bernard Martoďa
(1) Wall Street Journal du 24 février 2010 : "The Euro's next
battleground : Spain".
(2) https://ladettedelafrance.blogspot.com
(3) Archive du 18 février 2010 : «La fin de l’empire américain».
(4) Archive du 25 février 2010 : «Les requins flairent un grand carnage
en Europe». |