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21/11/09 Bernard Martoïa

  La Fed sera bientôt sous la tutelle du                 Congrès américain !

Dans un article du 16 mai 2009, intitulé David contre Goliath, (1) je vous avais entretenu de la proposition de loi H.R 1207, introduite par le républicain Ron Paul à la Chambre des Représentants, relative à la transparence de la Federal Reserve Bank. Introduite le 26 février, la proposition de loi vient d’être approuvée, jeudi 19 novembre, à la commission des services financiers. Le vote est prévu le 1er décembre à la Chambre où Ron Paul dispose du soutien assuré de 309 voix sur un total de 435.

Quand les élus américains sont confrontés des électeurs en colère…

C’est une grande victoire pour celui qui réclame depuis vingt-six ans une transparence des décisions de la Fed. Ron Paul est un franc-tireur obstiné. En mai, au moment où je me suis intéressé à sa démarche singulière, il ne disposait que du soutien de 149 Représentants répartis entre 129 Républicains et 20 Démocrates. Il a réussi la prouesse de rallier à son projet la majorité des Démocrates. La rage des Américains à l’encontre des banquiers de Wall Street explique, sans doute, ce miraculeux revirement. Les Représentants, qui vont solliciter un renouvellement de leur mandat, savent très bien ce qui les attend l’an prochain.

L’enjeu est de taille !

Depuis sa création en 1913, la Fed n’a de comptes à ne rendre à personne. Seul le contrôleur général des États-Unis peut lancer un audit. C’est contraire à un principe général du droit selon lequel nul ne peut être juge et partie. En France, on baigne toujours dans la confusion des pouvoirs. C’est la Cour des comptes qui vérifie le budget de l’État concocté par des inspecteurs des finances. Des énarques contrôlent d’autres énarques…Une situation ubuesque propre à notre pays.

La Fed dispose à sa guise d’une masse d’argent considérable. Si la loi est votée par le Sénat où une proposition identique (S604) a été introduite par Bernard Sanders, le même qui envisage de démanteler les méga banques (2), alors la Fed se verra imposer un plafond d’actifs de quatre trillions de dollars. Cela représente tout de même 50 % du PNB des États-Unis !

« C’est bien de dire au peuple américain que le prêteur en dernier ressort ne pourra plus mettre en danger la nation », a dit Brad Sherman. Ce Démocrate de Californie a introduit un amendement exigeant que tout l’argent que la Fed a prêté aux banques lui soit remboursé un jour.

Cette disposition raisonnable fait écho à mon article du 6 février 2009, « La Fed bientôt insolvable ! », où je tirais la sonnette d’alarme en raison du rachat inconsidéré de produits toxiques par Ben Bernanke, le gouverneur de la Fed. Si nul n’est prophète en son pays, ce n’est pas pour me déplaire que quelques-unes de mes idées soient reprises de l’autre côté de l’Atlantique.

La fin des opérations tordues de la Fed

Une autre pilule amère à avaler pour Bernanke prévoit un audit de la Fed, dans un délai d’un an à compter du vote de la loi, sur l’usage de ses hélicoptères (helicopter drop) qui ont arrosé les banques américaines jugées « too big too fail».

Ce monsieur s’indigne. Est-il raisonnable qu’un homme croyant tout savoir et disposant d’un pouvoir exorbitant ne soit pas contrôlé un jour ? Interrogé en mai 2006, Bernanke déclara qu’il y avait bien quelques signes de spéculation sur le prix des maisons américaines mais qu’il ne voyait pas la formation d’un bulle immobilière nationale et que l’économie ne présentait aucun danger.

Dans son livre « La face cachée des banques » (3), Eric Laurent évoque, à la page 130, l’intervention secrète d’un groupe dénommé « Plunge Protection Team » pour garantir la stabilité des marchés financiers. A plusieurs reprises, je vous ai fait part de ce que l’indice vedette Dow Jones avait une dangereuse configuration en île renversée. Par miracle (en était-ce vraiment un ?), l’indice a rebondi sur le plancher à 6500 points qu’il s’apprêtait à enfoncer. J’avais évoqué, dans "La théorie de la conspiration est revisitée "(4), la très probable intervention secrète de la Fed à travers le témoignage troublant d’un trader patenté, Colin Negrych, qui avait noté le rachat massif d’actions en fin de séance.

John Crudele (5), un journaliste du New York Post, a demandé les minutes de ce groupe. A l’appui de sa requête, il a invoqué le Freedom Information Act qui garantit l’accès de chaque citoyen à des documents administratifs. Cela lui a été refusé. Ron Paul a fait, en vain, la même démarche. Il a confié à Crudele : «Une enquête informelle menée auprès du ministère des Finances par notre bureau n’a rien donné. Ils prétendent que les minutes de ces réunions n’ont jamais été consignées et donc qu’elles n’existent pas.»

Il n’est jamais bon pour une démocratie digne de ce nom de se retrancher derrière un mauvais alibi comme celui de la stabilité des marchés financiers... Derrière ce paravent, les gens de la Fed et du gouvernement américain peuvent se prêter, en toute impunité, à toutes les magouilles pour venir en aide à leurs amis banquiers de Wall Street avec qui ils sont cul et chemise. Avant de devenir secrétaire du Trésor, Henry Paulson était le patron de la banque d’investissement Goldman Sachs qui est l’un des piliers de Wall Street. La confusion des pouvoirs ne concerne malheureusement pas que la France.

Bernard Martoïa

(1) Archive du 6 février 2009 : David contre Goliath
(2) Archive du 14 novembre 2009 : Démanteler des méga banques : l’idée progresse
(3) La Face cachée des banques, par Eric Laurent aux éditions Plon
(4) Archive du 18 juillet 2009 : La théorie de la conspiration est revisitée
(5) John Crudele « No freedom of Information on the Plunge Protection Team » paru dans l’édition du 15 mai 2007 du New York Post.


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