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4/7/09 Bernard Martoïa
    Le docteur Folamour au chevet d’une économie                                     moribonde

En raison de la fête nationale (Independance Day) le marché américain est fermé ce vendredi 3 juillet. Comme je l’ai anticipé avec justesse la semaine dernière, la cassure à la baisse de la moyenne mobile à deux cents jours est un fort signal « bearish » envoyé par le marché. L’indice Dow Jones a clôturé jeudi 2 juillet à 8280 points. Malgré une semaine réduite à quatre sessions, il a perdu 1,8 %. La pandémie d’exubérance irrationnelle (E2I2) est définitivement conjurée. Depuis le pic du 12 juin à 8799 points, l’indice a reperdu 519 points ou 5,8 % en valeur relative.

Mon scénario d’île renversée est en train de se confirmer

L’île renversée (island reversal), une configuration graphique que j’ai évoquée, pour la première fois, dans un article du 2 mai 2009 (1), est en train de se confirmer. La propagande des néo-keynésiens a fait long feu. Comme nous sommes entrés en période estivale, leur foi mise à conjurer les forces du marché me fait penser au jeu de plage qui consiste à bâtir un château de sable dans le vain espoir qu’il résiste à la marée montante…

Depuis le 12 juin, la baisse du marché a été plutôt contenue. C’est normal. Les retranchés se battent de toutes leurs forces avec l’antienne d’une reprise imminente de la croissance. La pandémie E2I2 s’est trouvé une antienne écologiste qui est dans l’air du temps avec « green shoot ». Si les néo-keynésiens voient partout des pousses vertes dans leur jardin, des coups sourds ont ébranlé la muraille. C’est le travail de sape des assaillants qui reste largement ignoré des médias. Une brèche vient de s’ouvrir. C’est l’annonce, ce jeudi 2 juillet, des statistiques du marché de l’emploi aux Etats-Unis pour le mois de juin. Le Département du Travail a annoncé que l’économie américaine a perdu 467 000 emplois alors que les économistes en attendaient 100 000 de moins. Aucun secteur n’est épargné par la purge. Depuis que l’économie est entrée en récession en décembre 2007, 6,5 millions d’emplois ont été perdus. Le taux de chômage s’établit à 9,5 %. Dans le pire scénario envisagé par la Fed lors du test (stress testing) qu’elle a fait passer aux dix-neuf grandes banques du pays, le chômage devait atteindre 8,9 % en 2009 et 10,3 % en 2010. D’ores et déjà, le seuil de 2009 est enfoncé. Cela démontre l’obsolescence des simulations de la Fed moins de deux mois après leur publication du 8 mai.

La crainte se répand que les pousses vertes aient été carbonisées par le soleil.

La brèche dans la muraille va s’élargir immanquablement et les ours vont se répandre dans la cité en vendant à découvert. La descente aux enfers va s’accélérer quand les assiégés capituleront. Le marché va sans doute retester le plancher de 6594 points du 5 mars. Il s’est formé un gap (trou) de 126 points dans la courbe du Dow Jones qu’il faudra combler un jour ou l’autre. (2) Ainsi se conclura, dans le paroxysme des forces destructrices du marché, la configuration d’île renversée.

La France se considère toujours à part du reste du monde

Si l’été s’annonce calamiteux pour peu que l’on décrypte les tendances lourdes du marché, des millions de Français s’apprêtent à partir, comme chaque année, en vacances. De son côté, le gouvernement envisage benoîtement de lever un emprunt national. A défaut de dédouaner la folle insouciance de nos compatriotes, elle s’explique par des causes historiques. Contrairement aux autres grandes puissances, la France n’a pas subi la Grande Dépression de l’entre-deux-guerres. Son autarcie et l’importance des petites exploitations agricoles dans son économie jouèrent indéniablement en sa faveur alors que le commerce mondial recula de 80 % ! Si ce n’est plus le cas aujourd’hui, la France vit dans l’illusion que son modèle étatiste la protégera des forces déflationnistes qui sont à l’œuvre…

L’analogie avec la crise de 1929

L’analyse chartiste présente d’étranges analogies avec la crise de 1929. Après le zénith du 10 octobre 1929 lorsque l’indice Dow Jones culmina à 352 points, il entama sa dégringolade. Contrairement à ce que racontent les livres français d’histoire économique, le krach ne peut se résumer à la seule séance du jeudi noir du 24 octobre. Il tomba à 230 points le 29 octobre, puis rebondit à 273 points le 31 octobre avant de rechuter lourdement. Il dégringola à 198 points le 13 novembre 1929. De ce point bas, il entama une lente période de convalescence qui dura jusqu’en avril 1930. Cinq mois s’écoulèrent entre le point bas à 198 points du 13 novembre 1929 et le sommet à 294 points du 17 avril 1930. Puis le marché capitula et entama sa descente aux enfers. L’abysse ne fut atteint que, deux ans plus tard, lorsque le Dow Jones toucha les 41 points le 8 juillet 1932.

Ce rappel historique conforte l’analyse que je soutiens depuis l’explosion nucléaire du marché, le 15 septembre 2008, avec la faillite de Lehman Brothers : à savoir que nous avons vécu provisoirement un rebond technique au lieu d’une reprise en V de la croissance annoncée en fanfare par les néo-keynésiens.

Si la fin tragique du coureur cycliste Tom Simpson pouvait nous servir d’exemple…

A son corps défendant, Paul Krugman - le gourou des néo-keynésiens est littéralement assommé par la publication des statistiques du chômage - rejoint mon analyse. Il a titré son papier de ce jour comme suit : « That ‘30s Show ! » Il écrit ceci : “All of this is depressingly familiar to anyone who has studied economic policy in the 1930s.”(Tout cela est familièrement démoralisant pour quiconque a étudié la politique économique des années trente). Au moins sur ce point, nous sommes d’accord, mais pas pour le reste lorsqu’il prône, à court d’arguments, une énième stimulation de l’économie.

Alors que s’élance le Tour de France, il est bon de rappeler celui de 1967. Après deux semaines de course, Tom Simpson était sixième au classement général. Honnête grimpeur, il avait limité la casse dans l’ascension du col du Galibier. Puis il avait souffert, comme les autres coureurs du peloton, de la canicule en Provence. Grâce aux amphétamines qu’il prenait pour se surpasser, il visait toujours une place sur le podium à l’arrivée du Tour à Paris. Au départ de la treizième étape (13 juillet) reliant Marseille au sommet du Ventoux, le docteur du Tour, Pierre Dumas, fit une déclaration prémonitoire : « Si les coureurs prennent quelque chose aujourd’hui, nous aurons une mort sur les bras. » Pierre Chagny, le célèbre journaliste sportif, écrivit : « La course fut tranquille jusqu’au pied du mont Ventoux lorsque le grimpeur espagnol Julio Jimenez passa à l’attaque. » Il faisait 45°C ce jour là dans la cuvette de Bedoin au pied du Ventoux. La chaleur était suffocante. La course se décanta rapidement dès les premiers terribles lacets de l’ascension. Simpson faisait plutôt bonne figure. Il naviguait dans un petit groupe qui n’accusait que deux minutes de retard sur l’homme en tête de la course. Subitement, il commença à zigzaguer dangereusement à trois kilomètres du sommet. Il tomba lourdement. Avec l’aide du mécanicien, il fut remis en selle. « Mes cales, Harry, mes cales !» furent les derniers mots qu’il prononça. Il refit trois cent mètres avant de s’écrouler sur l’asphalte brûlant. Ni le bouche à bouche, ni le massage cardiaque pratiqué sur place, ni le masque à oxygène durant son évacuation en hélicoptère ne purent le ranimer. Il décéda avant même son admission à l’hôpital d’Avignon.

C’est la même thérapie de choc que veut infliger le gourou néo-keynésien à une économie convalescente. Comme le docteur Folamour a l’oreille du président Obama, il y a tout lieu d’être inquiet.

Bernard Martoïa

(1) Archive du 2 mai 2009 : « La Chine veut racheter tout le stock d’or du Fonds Monétaire International ».
(2)Archive du 22 mars 2009 : « A chacun sa vérité ».

 

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