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18/4/10 | Bernard Martoïa |
« Nous sommes contre ce gouvernement de
gangsters ! » Le 15 avril est une date importante en Amérique. C’est la date limite de la déclaration des revenus des ménages. Elle a fourni un bon prétexte au Tea Party pour montrer sa raison d'être. Une manifestation a eu lieu sur la place de la liberté (Freedom Plaza) et dans l’ombre de la fondation Ronald Reagan. Washington était le point d’orgue d’une multitude de manifestations organisées à travers le pays. Michelle Bachmann, une républicaine du Minnesota à la Chambre des Représentants, a recueilli le plus d’applaudissements en déclarant : «Nous sommes contre ce gouvernement de gangsters. Je dis qu’il est temps à ces petits cochons de rentrer chez eux.» Le qualificatif de cochon est une allusion à Animal Farm (1) de George Orwell, où cette espèce prospère sur le dos des autres animaux de la ferme. Des tensions persistantes entre le parti républicain et le Tea party Une autre manifestation, qui devait avoir lieu à Madison dans le Wisconsin, a été boycottée parce que le gouverneur républicain Tommy Thompson devait y prendre la parole. «Tommy est représentatif du réseau de l’élite à l’origine de la faillite du pays.» Une pancarte, brandie à Washington, traduit la grande méfiance des partisans du Tea party : «Ne réélisez personne !» Comme je l’ai écrit récemment (2), la mouvance du Tea party craint d’être récupérée par les caciques du parti républicain. L’impasse de la troisième voie dans un mode de scrutin à un tour S’il y a tant de partis politiques en France, c’est en raison d’une loi électorale, votée en 1852 sous le Second Empire, qui a instauré l’élection à deux tours. Rien de tel au Royaume Uni ou aux États-Unis où prévaut le vote couperet à un tour. C’est une toute autre conception de la démocratie qui se réalise à travers la maxime : «First past the post or winner-takes-all» (Le premier qui franchit la ligne d’arrivée est le vainqueur qui emporte tout). Cette loi électorale établit une dichotomie qui sied au tempérament carré des Anglo-Saxons. Cependant, l’histoire politique des États-Unis a été émaillée de triangulaires vouées à l’échec. En 1912, le rebelle Théodore Roosevelt se représenta sous l’étiquette du parti progressiste ou Bull Moose party en référence à son tempérament fougueux. (3) Sa candidature divisa le parti républicain et favorisa la victoire du candidat démocrate Woodrow Wilson. Quatre-vingt ans plus tard, le milliardaire texan Ross Perot se présenta comme un Don Quichotte à l’assaut de l’Establishment de Washington. Sa candidature contribua à la défaite du président sortant, George Bush père, en quête d’un second mandat. Y aurait-il une place pour le Tea Party au Capitole ? Rien n’est moins sûr. C’est encore le candidat républicain qui ferait les frais d’une triangulaire au profit du candidat démocrate. En revanche, le parti démocrate n’a rien à craindre des groupuscules gauchistes qui restent marginaux dans ce pays. C’est tout le problème de la France où les gauchistes sont nombreux et actifs depuis l’effondrement du parti communiste français (PCF) en 1981. Chassez le naturel et il revient au galop ! Cette expression est tirée de la pièce «Le Glorieux» de Philippe Néricault dit Destouches. Cet auteur du XVIIIe siècle s’est inspiré de la devise du poète Horace : «Naturam expelles furca, tamen usque recurret.» Le parti républicain s’est éloigné de ses fondamentaux La mouvance du Tea Party est née d’une exaspération des électeurs à l’issue du plan de sauvetage des grandes banques de Wall Street. Elle prône une limitation constitutionnelle de la taille de l’État fédéral, la préférence du marché à toute intervention étatique et un abaissement des taxes. L’antienne du Tea party fait écho à d’autres à travers le monde. Dans une France qui croule sous les charges, un mouvement semblable fut lancé en 2005 par Claude Reichman. La Révolution bleue prône un triple refus de l’État-providence : «Non aux hausses d’impôts, non aux politiciens incapables, non à la chienlit !» Nicolas Sarkozy a joué habilement sur l’ambiguïté des mots (pas de hausse d’impôts) et un slogan (la rupture) pour se faire élire. Mais il s’est vite rattrapé en créant une nouvelle taxe par mois depuis son élection. Dans la lexicologie américaine, il n’existe qu'un seul gros mot TAX, alors que dans une France sous la tutelle des énarques il y a une pléthore de qualificatifs pour contourner l’obstacle, comme l’impôt indirect, la fiscalité locale, la redevance audiovisuelle, la taxe parafiscale ou la contribution européenne pour n’en citer que quelques unes. Les élus de la fausse droite se sont joints à ceux de la vraie gauche pour réclamer la suppression du bouclier fiscal, qui serait selon eux un avantage accordé aux riches, alors qu’il permet simplement à tout contribuable de ne pas payer en impôts plus de la moitié de son revenu ! La neutralité est toujours préférable à l’immixtion de l’État Pour donner une idée de l’abîme qui sépare les deux rives de l’Atlantique en matière d’assistanat, voici ce qui s’est passé à Waco. Cette ville du Texas est tristement célèbre. Le 19 avril 1993, elle fut le théâtre d’un assaut sanglant mené par les forces spéciales du F.B.I contre les retranchés de la secte des Davidiens. Dans un tout autre registre, la ville s’est à nouveau distinguée. Le conseil municipal avait approuvé un prêt de 700 000 $ en faveur d’une entreprise de haute technologie en difficulté, lorsque des membres du Tea Party en eurent vent. Toby Marie Walker, le chef de l’antenne locale du Tea Party, se présenta avec six autres membres à la réunion, organisée par le commissaire du comté de Waco, où devait être voté le prêt en question. Walker dit que sa seule présence suffit à empêcher le vote du crédit. Toute proportion gardée, cela équivaudrait en France à ce qu’un président de conseil régional renonce, en présence de représentants de la Révolution bleue ou de Contribuables associés, à venir en aide à une entreprise ! Cet exemple en surprendra plus d’un en France. La générosité des socialistes a un gros défaut. D’une part, elle s’exerce toujours avec l’argent des autres (contribuables fortunés), qui n’ont jamais leur mot à dire. D’autre part, c’est une forme de discrimination détestable. L’argent donné à une entreprise en difficulté est une prime accordée à un mauvais élève. Le bon élève est puni par une augmentation inéluctable de ses impôts. C’est ce qu’ont bien compris les sympathisants du Tea Party avec la massue gouvernementale du TARP (Trouble Asset Relief Program) en faveur des grandes banques responsables du krach financier du 15 septembre 2008. L’auteur de ce plan de sauvetage n’est autre qu’Henry Paulson. L’ancien Secrétaire du Trésor vient d’en subir l’effet boomerang avec la plainte lancée hier par la S.E.C (Security Exchange Commission), le gendarme de la bourse de New York, à l’encontre de la banque Goldman Sachs dont il a été le patron avant Lloyd Blankfein. La suite au prochain épisode... Bernard Martoïa (1) « Animal Farm », de George Orwell (1945). (2) Archives du 4 avril 2010 : «Si Versailles m’était conté». (3) «La présidence impériale», de Bernard Martoïa, Editions Le Manuscrit (2007).
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