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21/6/09 | Bernard Martoïa |
De F. D. Roosevelt à Obama, le mythe de l'homme providentiel L'indice Dow Jones a clôturé le vendredi 19 juin à 8539 points. Il a perdu 241 points ou 2,7 % par rapport à la semaine dernière. La correction a débuté dès lundi avec la publication de l'indice de la production industrielle pour le mois de mai aux États-Unis. Il est en baisse de 1,1 %. Que croyez-vous qu'il arriva ? Ce n'est pas le serpent qui creva mais la bulle d'Obama ! Dans la récente pandémie d'exubérance irrationnelle (E2I2), que nous avons connue entre le 9 mars et le 12 juin, une telle nouvelle aurait immanquablement été saluée par une hausse du marché. On nous aurait expliqué qu’il est tout à fait normal que les cours montent lorsque les indices sont moins mauvais qu'escomptés. Mais à force de nous répéter que la reprise de la croissance est pour demain, les investisseurs ont fini par se lasser. La formation des bulles est inhérente à la nature humaine Dans l'enquête menée par John Cassidy, " Anatomie d'une débâcle : Ben Bernanke et la crise financière" (1), on lit que l'actuel président de la Fed n'a pas vu venir la bulle immobilière jusqu'à ce qu'elle éclate. Dans cette passionnante enquête de 22 pages (j'avais pris la peine de la traduire intégralement le jour de Noël et le suivant) j'ai été stupéfié par la position de Bernanke lors d'une conférence estivale de la Fed. Cette conférence se tient, chaque année, à Jackson Hole au pied de la chaîne des Grands Tétons dans le Wyoming. Après le rendez-vous hivernal dans la villégiature de Davos en Suisse, nos élites économiques aiment se retrouver dans un cadre exceptionnellement beau et revigorant pour leurs neurones fatigués. Ce n'est pas le fruit du hasard que le somptueux hôtel victorien de Bretton Woods, au pied de la chaîne présidentielle dans le New Hampshire, ait été choisi, en été 1944, pour l'élaboration de l'ordre financier de l'Après-guerre. Le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale ont été accouchés au pied du mont Washington, lequel est réputé pour la violence des tempêtes qui s'y abattent. Le 12 avril 1934 fut enregistrée, à la station météorologique implantée au sommet de la montagne, une rafale de vent de 372 km/h ! (2) C'est le record absolu à ce jour. Les économistes de l'époque savaient-ils cela ? On peut en douter en raison du chaos qui règne de nos jours. Voici l'extrait qui est au cœur du problème. « Le thème de la conférence de 1999 était : ″Les nouveaux défis pour la politique monétaire". Comme maintenant, il y avait à cette époque un vigoureux débat parmi les économistes à propos des banques centrales : Devaient-elles hausser les taux d'intérêt pour contrer les bulles spéculatives ? En accroissant le coût du crédit, la Fed, du moins en théorie, peut restreindre la spéculation et prévenir une hausse excessive des actifs, comme les actions ou l'immobilier. Bernanke et Gertler arguèrent que la Fed devait ignorer les bulles et s'en tenir à sa politique traditionnelle de contrôle de l'inflation. Si une bulle éclate, dirent-ils, la Fed pourrait toujours abaisser les taux d'intérêt pour minimiser les dommages sur le reste de l'économie. Pour supporter leur thèse, ils présentèrent une série de simulations faites sur un ordinateur, qui, en apparence, montraient qu'une politique destinée à lutter contre l'inflation, stabiliserait mieux l'économie qu'une politique axée sur les bulles." C'est ce qu'entreprit, avec retard, le maestro Alan Greenspan en 2004 alors que s'était créée une bulle immobilière dont il était coresponsable avec George Walker Bush en maintenant le taux directeur de la Fed à 1% pendant deux années après l'éclatement de la bulle internet en avril 2000. C'est très exactement ce qui est en train de se reproduire aujourd'hui avec le maintien artificiel du taux directeur à 0 % de la Fed pour doper la croissance. A-t-on besoin de banques centrales ? Sans le rôle souvent néfaste joué par les banques centrales pour doper la croissance, y aurait-il encore des bulles ? Oui car le marché obéit à une psychologie des foules amplement démontrée par Gustave Le Bon. (3) Mais il existe aussi des cycles économiques qu'il ne faut pas négliger dans la formation des bulles. C'est un Français, Clément Juglar, qui identifia, pour la première fois, en 1860, des cycles économiques de huit à onze ans de période. Plus tard, l'économiste autrichien Joseph Schumpeter argua qu'un cycle de Juglar a quatre phases : une expansion (accroissement de la production et des prix, taux d'intérêt bas), une crise (krach du marché et faillite en série de firmes), une récession (baisse des prix et de la production, taux d'intérêt élevés) et une reprise (augmentation de la productivité, regain de confiance des ménages) A-t-on encore besoin de banques centrales puisqu'elle sont incapables de prévoir la formation de bulles dont elles sont coresponsables avec les politiques en maintenant artificiellement bas les taux directeurs pour doper la croissance alors que l'histoire nous a appris qu'il ne faut rien faire ? Le mythe des néo-keynésiens Les néo-keynésiens sont convaincus du bien fondé des initiatives de Franklin Delano Roosevelt pour sortir son pays de la Grande Dépression. Contrairement à ces gens qui puisent leur légitimité dans l'action du grand maître, Franklin ne connaissait ni l'économie, ni a fortiori les travaux de Keynes. C'est très embarrassant pour eux. Mais, une chose que l'on sait moins de lui, c'est qu'il était, avant tout, pragmatique avec tout ce que cette assertion contient de troublant. Il essaya donc tout et son contraire jusqu'à ce que l'économie américaine redémarre finalement d'elle-même, en 1940, lorsque les carnets de commande affluèrent de l'Union soviétique du cher oncle Joseph qu'il aimait et du Royaume-Uni de Winston qu'il n'aimait pas. Pour les liens affectifs unissant Franklin à Joseph, l'historien anglais Paul Johnson en donne des preuves.(4) De mémoire, je vous cite un extrait d'une lettre de Franklin à Winston, l'éternel rabat-joie : "Je sais que si je demande une chose à Joseph, il ne me la refusera pas." (Sous-entendu : avec vous, il est toujours déplaisant de dialoguer). L'angélisme de Franklin en matière de relations internationales me fait penser à Obama. L'enfer est pavé de bonnes intentions. Plus que par la science économique qu'il abhorrait autant que son cousin Théodore (5), Franklin était servi par un don oratoire exceptionnel. En 1936, il battit facilement le gouverneur du Kansas,Alf London, qui avait commis l'imprudence d'accepter le "New Deal" proposé par son adversaire. Comme il n'y avait pas d'alternative économique pour sortir le pays de la Grande Dépression, les électeurs choisirent le barde à la voix réconfortante. En 1940, nouveau coup de pouce du destin, Franklin choisit de se représenter une troisième fois alors que la coutume présidentielle l'interdisait. Ulysse Grant et son cousin Théodore furent, tour à tour, attaqués pour essayer de briguer un troisième mandat. Mais Franklin sut habilement surmonter cet obstacle juridique dans une mise en scène inédite. Il savonna d'abord la planche de deux membres de son cabinet qui étaient les étoiles montantes du parti démocrate : Cordell Hull et James Farley. Les prétendants évincés du trône, il choisit la ville de Chicago où il avait un très fort soutien de la machine démocrate (encore Chicago où il se passe des choses étranges de nos jours !) pour accueillir la convention du parti. Elle eut lieu entre le 15 et le 18 juillet 1940, alors que les Allemands paradaient sur les Champs-Élysées. Aux délégués, Franklin envoya un message habile annonçant qu'il ne se représentait pas, à moins que le parti ne l'inscrive sur la liste des candidats et que, de toute façon, les délégués seraient libres de voter pour qui ils voudraient in fine. Les délégués furent abasourdis par la teneur du message. C'est alors que le speaker, qui était à la botte de Franklin, cria : "Nous voulons Roosevelt, le monde veut Roosevelt!" Comme son cousin Théodore qui fut son mentor en politique, Franklin avait sans doute lu l'ouvrage de Gustave Le Bon à propos de la psychologie des foules. La réaction ne se fit pas attendre. Les délégués furent transcendés par l'appel du speaker. Roosevelt fut désigné triomphalement par la convention démocrate, dès le premier tour de scrutin, avec 946 voix contre 147 seulement à son malheureux adversaire John Nance Garner. Dans sa campagne contre le républicain Wendell Willkie, Franklin se vanta de son expérience au pouvoir et aussi de son intention de faire tout son possible pour garder le pays à l'écart de la guerre. Comme Woodrow Wilson en 1916, il sut capter les voix des pacifistes qui étaient majoritaires dans le pays. On connaît la suite en 1917 et en 1941. Les paroles des politiques n'engagent que ceux qui y croient. Pour sa quatrième campagne en 1944, Franklin n'eut pratiquement rien à faire. Il n'avait plus à se justifier. Il avait déjà franchi le Rubicon en 1940 en se présentant une troisième fois. Sur un plan économique, l'appareil industriel tournait à plein. Il n'était donc plus question d'expérimenter comme lors de ses deux premiers mandats calamiteux. La victoire des Alliés n'étant pas acquise, surtout contre l'empire du Soleil Levant, on ne change pas de cheval au milieu du gué. Les électeurs le plébiscitèrent contre le candidat républicain (il en fallait un pour donner l'illusion d'une élection), Thomas Dewey. L'ingratitude des électeurs Quant à son Cassandre qu'il ne voulait pas écouter, il subit une grande déconvenue en 1945. Par décence, Winston avait attendu la fin des hostilités pour convoquer le corps électoral anglais qui le remercia comme on le sait. L'ingratitude des électeurs n'est plus à relever. George Walker Bush qui a mené une bataille sans concession contre l'islamo-fascisme en sait quelque chose. A l'inverse de Winston Churchill et de Théodore Roosevelt qui avaient des scrupules à l'égard des électeurs, Franklin en était dépourvu. Par paresse intellectuelle (s'informer correctement requiert beaucoup d'énergie) les électeurs préfèrent les bardes (Obama : "Yes we can !") aux hommes d'État qui leur tiennent un langage de vérité. Se sachant condamné, Franklin n'aurait pas dû se représenter une quatrième fois. Pourtant, les électeurs ne lui en ont pas tenu rigueur. Plus grave, Franklin passe pour l'homme providentiel qui aurait réussi à sortir son pays de la Grande Dépression à travers le "New Deal", qui est un galimatias de mesures incohérentes. Dans son essai "America's Great Depression" paru en 1966 (6), Murray Rothbard les avait toutes relevées. Tombé aux oubliettes, son livre vient d'être opportunément réédité en anglais. J'ai eu le grand plaisir de le lire après avoir renoncé, pour des raisons financières, à une ancienne version vendue à un prix astronomique sur la toile. A quand une version française pour instruire ceux qui veulent connaître les faits et non pas se contenter d'écouter les mêmes idioties répétées à l'envi par nos journalistes gauchistes ? Mais les mythes ont la vie dure, surtout dans une France profondément ancrée à gauche, même si elle se donne encore l'illusion d'avoir un président de droite qui, lui, sait jouer des contradictions du corps électoral en utilisant la plume de son conseiller spécial. Bernard Martoïa (1) Archive du 26 décembre 2008 : "Le capitaine à la barre de l'économie
mondiale"
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