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Mobilisation générale

27/9/03 Claude Reichman
Séisme, faillite, déroute....La presse n'a pas de mots assez forts pour caractériser la situation économique et financière de la France. Je serais assez tenté de saluer les éditorialistes d'un plutôt moqueur " Bienvenue au club ", car il y a des années que j'annonce ce qui est en train de se produire. J'ai même décrit l'implosion de la société française dans un ouvrage publié il y a treize ans : " La révolution des termites ". De plus, je n'ai cessé de dire que la Ve République tomberait sur le social, comme la IVe l'avait fait sur l'Algérie. Pour qu'un régime s'effondre, il faut que soit réunies au moins trois conditions : un problème difficile à résoudre, un pouvoir politique faible, un lobby puissant s'opposant à toute modification du statu quo. A la fin des années cinquante, ces conditions étaient réunies en France. Le problème à résoudre était celui de l'Algérie, le lobby celui des pieds noirs et de l'armée, quant au pouvoir politique, il était caractérisé par une instabilité gouvernementale qui ne laissait que rarement plus de six mois aux hommes en place pour avancer des solutions. Aujourd'hui, le problème est celui de la protection sociale, qui absorbe le quart de la production du pays, mais en réalité près du tiers si l'on considère le produit intérieur brut marchand, c'est-à-dire ce qui est réellement produit et non pas l'artifice comptable qui assimile à une production les dépenses de l'Etat. Le lobby est celui que constituent les syndicats qui vivent du système et sont capables à tout moment de bloquer le pays, appuyés sur l'immense cohorte des assistés qui ne manifestent guère mais pèsent d'un poids très lourd sur le climat social, psychologique et politique du pays. Quant à la faiblesse du pouvoir, elle est évidente. Se sachant illégitimes, sinon illégaux, les hauts fonctionnaires qui dirigent la France depuis trente ans avec le soutien de députés aux ordres parce que tremblant pour leur investiture et terrorisés à l'idée de devoir reprendre un travail en cas d'échec, se cachent dans les palais nationaux et n'osent même plus en sortir, sauf entourés d'imposantes forces de sécurité et accueillis par des brigades d'acclamation rémunérées, de peur que le peuple ne leur fasse subir un mauvais sort.

Chirac n'a plus que deux solutions

Or la France est en train de s'effondrer sous le poids de son système social. On est bien loin du problème conjoncturel auquel tente ridiculement de se raccrocher le gouvernement Raffarin, implorant jour et nuit la reprise américaine… tandis que Chirac prend des poses grandiloquentes pour s'opposer aux Etats-Unis ! Il s'agit bel et bien d'un problème structurel grave, qui ne pourra être résolu que par des réformes de grande ampleur, auxquelles l'actuel pouvoir ne veut même pas songer, tant il est vrai qu'à les faire, il rendrait sa liberté économique et donc politique à la classe moyenne, qui se hâterait de renvoyer à leur obscur état de fonctionnaires les énarques et leurs séides et exercerait le pouvoir par elle-même.
C'est pour cela qu'il est absurde de prendre au sérieux un seul instant l'agitation qui s'est emparée des cercles politiciens à l'idée d'un remaniement gouvernemental ou d'un changement de premier ministre. Que Fillon ou Sarkozy remplacent Raffarin ne changera en rien la donne politique. Ni l'un ni l'autre n'ont la moindre autre solution en poche que celle qui consiste à suivre le courant, comme un chien crevé au fil de l'eau, tout en assortissant cette dérive de mimiques plus ou moins expressives pour tenter de faire croire au bon peuple qu'ils sont en train de résoudre les problèmes du pays.
Puisqu'un nouveau gouvernement issu de l'actuelle majorité ne serait en rien capable d'améliorer la situation, il ne reste plus guère à Chirac que deux solutions : soit ne rien faire et attendre la chute du régime, soit tenter une sortie. Celle-ci pourrait prendre la forme d'un gouvernement d'union nationale, dont certains éditorialistes commencent à parler. Mais on voit mal ce que les deux blocs qui gouvernent alternativement le pays depuis trois décennies et font strictement la même politique pourraient apporter de plus en s'affichant ouvertement ensemble. La situation est donc bloquée politiquement. Enfin devenu lucide, et en désespoir de cause, Chirac pourrait aussi appeler au gouvernement un homme qui ne serait pas issu du sérail et lui confier le soin de constituer une équipe de techniciens qui entreprendrait enfin les indispensables réformes. L'hypothèse ne peut être rejetée d'emblée, mais elle apparaît peu probable et surtout très fragile. Car outre le fait que Chirac n'a jamais démontré dans le passé qu'il était capable de la moindre véritable audace politique, sinon pour prendre des redoutes mal défendues, le soutien politique dont bénéficierait un tel gouvernement serait forcément limité, puisqu'il n'aurait pas été porté au pouvoir par un élan populaire mais seulement par un président et une majorité aux abois.
Quoi qu'il en soit, la seule véritable solution démocratique durable pour redresser la France passe par la constitution d'une force politique libérale et conservatrice qui fera approuver électoralement par le pays les solutions qu'elle préconise et qui les mettra en œuvre sans états d'âme ni défaillance. Sinon, les Français règleront leurs comptes dans la rue et finiront par se donner un tyran. Entre ces deux hypothèses, personne de sensé ne doit balancer un seul instant. Le salut de notre pays dépend désormais de chacun de ses citoyens. En termes guerriers comme en termes politiques cela se résume en une formule claire et forte : mobilisation générale.

Claude Reichman

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