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	Le maître à penser des États, c’est Madoff ! 
	 
	Jacques Attali dit tout et son contraire, le pire y côtoyant le meilleur. 
	Reconnaissons que, dans son entretien au Monde à la mi-août, il a 
	trouvé le mot juste. « Le maître à penser des États, c’est Madoff et sa 
	capacité à construire des pyramides de dettes ». Et encore « On ne 
	sauve pas l’économie en reportant le problème. C’est dire « Encore un 
	instant M. le bourreau ». » Bravo. Le seul problème, c’est que les États 
	ne sont pas devenus des disciples de Madoff par hasard. Ils n’ont fait 
	qu’appliquer le dogme keynésien de la relance… dont l’un des prophètes 
	n’était autre que ce même Jacques Attali, auprès de François Mitterrand en 
	1981. Oui, l’économie mondiale est malade, malade des États, de la dette 
	publique et du keynésianisme. 
	 
	La comédie du pouvoir 
	 
	Les hommes politiques nous ont joué cet été une comédie, de Paris à 
	Washington, en passant par Athènes et Bruxelles, qui n’avait rien de divine 
	et qui était même plutôt diabolique. Résumons : les marchés sont méchants, 
	myopes et irrationnels, les spéculateurs, « ces pelés, ces galeux d’où 
	venait tout le mal », sont sans entrailles ni morale. En revanche, les 
	hommes politiques, responsables du bien commun, voient loin, sont 
	omniscients et sauront nous sortir du mauvais pas dans lequel marchés et 
	spéculateurs nous ont mis. Dormez, braves gens, l’État veille sur vous. 
	 
	Cessons d’écouter ces fables, et voyons les choses simplement. Personne ne 
	peut nier que la crise actuelle, en Europe et aux États-Unis notamment, soit 
	une crise de l’endettement public. Certes, on accuse les agences de 
	notation, mais c’est aussi rationnel que d’accuser le thermomètre de 
	provoquer la fièvre. Il paraît que les agences, étant privées, ne sont pas 
	objectives ; on imagine que si on les nationalisait, elles le seraient bien 
	plus et critiqueraient sans hésiter les États dont elles dépendraient ! 
	Autant revenir au temps du monopole d’État sur la radio et la télévision : 
	l’objectivité de l’ORTF, média public, était légendaire ! 
	 
	Mais cet endettement public n’est pas tombé du ciel. Il n’a pas été créé par 
	le « capitalisme immoral » ou les patrons « avides de profit ». S’agissant 
	de dette publique, donc de déficit budgétaire, il n’y a qu’une 
	responsabilité et elle est politique : les États, les gouvernements et les 
	parlements. Certes, il y a toujours eu des déficits publics, entrainés par 
	des dépenses excessives, conduisant à des emprunts et parfois à la 
	banqueroute ou à une création monétaire et donc à de l’inflation. Mais 
	chacun savait que ce n’était ni un bien, ni une solution durable. C’est le 
	keynésianisme qui a donné une soi-disant justification théorique aux 
	déficits publics : augmenter les dépenses publiques, en créant des déficits, 
	c’était accroître la demande globale et, par le miracle du multiplicateur 
	keynésien, relancer toute l’économie. 
	 
	Tous keynésiens, toujours keynésiens 
	 
	Les hommes politiques sont presque tous devenus keynésiens, parce que c’est 
	une technique facile à comprendre et facile à vendre aux électeurs : 
	dépensez de l’argent que vous n’avez pas, demandez la manne publique; vous 
	ferez une bonne action, car cela relancera l’économie. Si l’on prend le cas 
	de la France, le dernier budget équilibré remonte à 1974. Dès 1975, la 
	relance du gouvernement Chirac faisait exploser déficit et dette. Même sous 
	Raymond Barre, pourtant plus rigoureux, les déficits n’ont pas été résorbés. 
	Depuis 1981 et la relance Mitterrand (sur les « bons conseils » de Jacques 
	Attali) les déficits ont explosé. Chaque année budgétaire étant en déficit, 
	la dette publique n’a cessé d’augmenter. 
	 
	Et la crise de 2008 ? Elle s’est produite alors que les déficits publics 
	étaient déjà élevés (plus de 3% en France et une dette à 60% du PIB), et 
	elle a été essentiellement causée par le laxisme monétaire, notamment de la 
	FED aux USA. Le « miracle keynésien » a en fait affaibli la croissance, et 
	la responsabilité exclusive en incombe aux États, à leur politique monétaire 
	laxiste, mais aussi à la politique budgétaire, qui a privé les 
	investissements productifs d’une épargne, détournée vers les finances 
	publiques (effet d’éviction). 
	 
	Mais il fallait sortir de la crise. Un esprit raisonnable aurait suggéré de 
	s’attaquer aux causes de la crise (laxismes monétaire et budgétaire), mais 
	le dogme keynésien est tellement présent qu’on n’a entendu qu’un cri (un peu 
	moins fort en Allemagne) : relançons. Relançons par la hausse des dépenses 
	publiques. Résultat : les déficits budgétaires ont cette fois explosé, 
	atteignant souvent des montants supérieurs à 10% du PIB, faisant passer la 
	dette publique à 87% du PIB en France, à 100% aux États-Unis, à 120% en 
	Italie, à 149% en Grèce. Relisons les discours d’il y a deux ou trois ans : 
	la relance budgétaire va nous faire sortir de la crise. 
	 
	L’Allemagne paiera… 
	 
	Résultat : la récession s’est aggravée. Toutes les études (en particulier 
	celles de l’IREF) montrent que plus la dette publique est forte, plus 
	l’économie ralentit. Les déficits sont « comblés » au fur et à mesure par de 
	nouveaux emprunts. Qui prête ? Les épargnants, les organismes financiers, 
	les pays créanciers (Chine ou OPEP). Que demandent-ils ? Une rémunération 
	qui dépend du risque. Qui serait assez fou pour prêter au même taux à la 
	Grèce, dont la faillite est déjà là, et à l’Allemagne, plus solide (tant que 
	Madame Merkel résiste aux « assauts » de Nicolas Sarkozy). En France, pour 
	l’instant, on emprunte en gros à un point de plus d’intérêt que l’Allemagne, 
	mais dès maintenant il y a à payer chaque année 50 milliards pour les seuls 
	intérêts. Et quelle situation pour ceux qui sont encore moins solvables : 
	Grecs, Portugais, Irlandais, et demain Espagnols, Italiens ou Chypriotes… 
	 
	A ce niveau d’endettement, plus personne ne veut prêter, du moins à des taux 
	supportables, et le remboursement devient de plus en plus incertain. 
	Qu’importe. On a trouvé deux solutions. La première, c’est la « solidarité 
	». Les fourmis (comme l’Allemagne) doivent prêter pour les cigales (comme la 
	Grèce). L’Allemagne est riche, « l’Allemagne paiera » disait-on déjà en 1920 
	! Pour l’instant on n’a dépensé ou garanti « que » 417 milliards à travers 
	le Fonds de Solidarité Financière Européen, une invention géniale qui 
	consiste à demander à des endettés de verser des fonds pour rembourser leurs 
	dettes. Cette « manne » financière peut suffire pour la Grèce, l’Irlande, le 
	Portugal. Mais la Grèce c’est 2% du PIB européen : comment fera-t-on quand 
	on en viendra à l’Espagne ou à l’Italie ? Combler les dettes des uns par les 
	dettes des autres, c’est ce qui a conduit Madoff en prison. 
	 
	L’inflation fera le reste ! 
	 
	Autre solution : monétiser la dette. La Fed a donné l’exemple, la BCE a fini 
	par suivre. Ces banques centrales rachètent la dette publique. En 
	contrepartie elles créent de la monnaie (donc de l’inflation demain) ou 
	elles essaient de « neutraliser » cette création monétaire par un tour de 
	passe-passe : la BCE rachète les titres publics détenus par les banques, 
	leur donne en contrepartie de la monnaie que ces banques replacent aussitôt 
	auprès de la banque centrale, moyennant intérêt. Ainsi les actifs pourris 
	passent des banques vers la BCE qui risque de devenir à son tour une « bad 
	bank ». On s’étonne qu’après ça les investisseurs privés s’inquiètent, que 
	la bourse soit volatile, que les gens cherchent des « valeurs sures » ! La 
	bourse n’est pas irrationnelle ; elle ne fait que réagir à l’irrationalité 
	des politiques. La « solidarité » européenne n’est qu’une fuite en avant où 
	l’on ajoute de la dette à la dette et de la monnaie de singe à la monnaie de 
	singe. Toujours Madoff. Les États-Unis font de même et la Fed est devenue le 
	premier détenteur de bons du trésor US ! 
	 
	Montrer que l'on peut faire sans l'Etat, mieux que l'Etat
	 
	 
	Les politiques semblent réaliser peu à peu qu’il faut réduire déficit et 
	dette, après les avoir provoqués et loués. Mais ils n’ont pas pris la mesure 
	du problème. Promettre, comme la France, de ramener le déficit à 5,7% cette 
	année, 4,8 l’an prochain, 3,5% en 2013 signifie que la dette publique va 
	continuer à croître. Pour réduire la dette publique, il faut des budgets en 
	excédent ou au moins à l’équilibre. C’est affaire de volonté politique et 
	non de « règle d’or ». Car il y avait déjà la règle, pourtant provenant d’un 
	traité, donc impérative, du déficit maximum de 3% : on sait comment chacun 
	s’est empressé de la violer. Pour supprimer les déficits, il faut diminuer 
	drastiquement les dépenses publiques. 
	 
	Mais les politiques n’ont pas compris l’ampleur de la tâche. Réduire les 
	dépenses publiques drastiquement, c’est faire maigrir l’État. Ce n’est pas 
	pour autant faire disparaître l’éducation, la santé, la protection sociale, 
	etc. La seule façon de résoudre ce paradoxe apparent, c’est de privatiser, 
	de déplacer la frontière public/privé ; c’est donc de rendre à la société 
	marchande et à la société civile ce qui aurait toujours dû leur appartenir. 
	Les politiciens rêvent de diminuer les dépenses sans réduire l’État. Les 
	démagogues auront alors beau jeu de dire : « Vous n’aurez plus d’écoles ou 
	d’assurance maladie ». La grande bataille qui s’annonce doit consister à 
	montrer que l’on peut faire sans l’État, mieux que l’État. 
	 
	Jean Yves Naudet 
	 
	Publié par « Liberté économique et progrès social » d’octobre 2011. 
	 
	 
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