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Le naufrage de Chirac |
16/4/05 | Claude Reichman |
" Quand on devient vieux, on devient con. " Cette réplique de
Charles Vanel dans un de ses films me revenait sans cesse en mémoire tandis que je me
forçais à suivre jusqu'au bout l'interminable émission où Jacques Chirac tentait
pathétiquement de convaincre 83 jeunes gens et, au-delà d'eux les Français, de voter
oui au référendum sur le projet de Constitution européenne. Chirac est en train de
disputer le combat de trop. Il est apparu aux yeux de tous comme ce qu'il est en fait
depuis toujours : un politicard sans convictions. Mais cette fois tous ses bons vieux
trucs, qui le feraient appeler "Tricky Jack" aux Etats-Unis, ne marchaient plus.
Quelle drôle d'idée de l'avoir mis face à des jeunes. Ses géniaux communicants ne
savent pas plus que lui que le monde a changé. Les jeunes gens d'aujourd'hui sont bien
informés, même s'ils ne comprennent pas tout, et le pouvoir, pour eux, n'a plus rien de
sacral, tant la télévision l'a banalisé. D'autant que Chirac est le personnage vedette
des Guignols de l'info, à qui il doit d'ailleurs en bonne partie son élection de 1995. Finalement,
les jeunes gens qui participaient à l'émission ont été plutôt sympa avec le
président de la République. On s'étonne que quelques-uns d'entre eux ne soient pas
partis du plateau en s'écriant : " On s'emmerde trop, on s'en va ! " Car Chirac
n'a répondu à aucune de leurs interrogations. Sa parodie du " N'ayez pas peur !
" de Jean-Paul II était pitoyable. Chirac en appelant à l'Esprit Saint pour vaincre
le communisme qu'il déploie tant d'efforts pour maintenir en France ! Au-delà du
ridicule, c'est le creux absolu de ses propos qui frappe. Ce type ne sait même pas qu'il
est le responsable suprême du pays, sauf quand il jouit des avantages de sa fonction.
Comment peut-on s'aveugler à ce point sur l'inconsistance de sa politique et surtout sur
ses insurmontables contradictions ? Car enfin de quoi la France est-elle en train de
crever sinon du fait que ses politiciens la veulent à la fois européenne et
anti-européenne ? Qu'aurait-il pu dire, Chirac, à ces jeunes gens qui lui parlaient de délocalisation
et de chômage ? La réponse appropriée eût été celle qu'il a faite récemment à des
agriculteurs décidés à voter non, mais adressée cette fois à lui-même : " J'ai
fait une connerie, je nous ai tiré une balle dans le pied ". Inutile aveu : les
Français ont compris. Et le non qu'ils s'apprêtent à émettre est une condamnation non
seulement de la politique de Chirac, mais aussi de celle de tous les politiciens qui se
sont succédé au pouvoir depuis trente ans. Car ils le savaient bien, tous ces minables
énarques, qu'il fallait impérativement alléger les impôts et les charges, en diminuant
les dépenses de l'Etat et des collectivités locales et en ouvrant le système social à
la concurrence, comme ils l'avaient eux-mêmes décidé à Bruxelles. Mais voilà : il
aurait fallu pour cela mécontenter leur clientèle de fonctionnaires, d'apparatchiks
syndicaux et d'assistés, et cela ils ne voulaient en aucun cas le faire. Que meurent les
Français plutôt que notre pouvoir ! Il n'est pas difficile de prévoir ce qui va se passer. Le non l'ayant emporté, la classe politique va entrer dans une agitation aussi folle que stérile, les problèmes vont continuer à s'aggraver et à ne pas trouver de solution, et tout cela va finir dans la rue. Chirac pourra alors prononcer une de ces formules dont il a le secret, comme par exemple " cela fera du bien aux Français de prendre l'air " ! Claude Reichman
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