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22/3/12 Philippe Nemo
                      Impôt : halte aux voleurs !

Croire que la société se porte mieux, globalement, si l'on admet la liberté économique et si l'on ne dérègle pas la logique auto-organisatrice du marché par une fiscalité confiscatoire, ne signifie pas qu'on ait une philosophie sociale aveuglément «individualiste», inconsciente de l'existence d'importants intérêts sociaux qu'il faut défendre en toute hypothèse. Mais nombre de ces services collectifs peuvent être assurés selon la seconde conception de l'intérêt général et de la fiscalité que nous avons définie plus haut, et non selon la logique injuste de la «justice sociale». Ils peuvent être assurés conformément à la justice commutative.

Par exemple, il peut être justifié de payer des impôts pour fournir gratuitement à certains citoyens des ressources (en matière de santé, de chômage, de retraite, de logement, d'éducation...), dès lors que ce type de politique comporte réellement pour le contribuable une contrepartie : soit qu'il pense qu'il pourra avoir lui-même besoin un jour de ces services étant donné les incertitudes de la vie (son impôt est alors l'équivalent d'une prime d'assurance), soit qu'il pense qu'une aide unilatérale, au moins momentanée, peut éviter à certains de ses concitoyens de tomber dans une marginalité qui risquerait d'être nuisible à la prospérité ou à l'harmonie de la société (donc à lui-même et à ses proches), soit qu'il accorde quelque crédit à des théories économiques de type keynésien selon lesquelles il faut favoriser, même artificiellement, la consommation des ménages les plus modestes pour relancer ou entretenir la machine économique, etc. Il est vrai qu'on commet souvent des abus, et l'on vend bien des illusions, en prétendant que l'État lui-même doit fournir ces services. Mais admettons-en le principe, sous réserve d'inventaire. L'important est que, quelle que soit la raison invoquée, il faut qu'il entre dans la politique projetée un élément de justice, c'est-à-dire que la contribution que l'on demande au citoyen soit censée lui procurer une contrepartie quelconque (y compris, le cas échéant, des satisfactions immatérielles difficilement évaluables telles que le prestige du pays, la beauté, ou la propreté d'une ville, l'animation ou la notoriété d'une région, etc.).

En revanche, si le transfert est absolument sans contrepartie pour le citoyen à qui le fisc a pris son argent, par exemple s'il s'agit de payer des retraites anormalement élevées, acquises en un nombre d'années anormalement court, aux employés de la Banque de France ou de la RATP, s'il s'agit de réparer, aux frais du contribuable, les pertes subies par les entreprises nationalisées à la suite de grèves à répétition (SNCF, Air France...), s'il s'agit de payer l'heure de travail des employés des services publics à un taux supérieur à celui du marché (qui est le seul taux juste, puisqu'il correspond à un équilibre de l'offre et de la demande, donc à un avantage réciproque et égal assuré aux partenaires de l'échange économique), ou encore, dans un genre un peu différent, s'il s'agit de payer les emplois fictifs de dizaines de milliers de fonctionnaires de l'Éducation nationale rémunérés pour accomplir des tâches syndicales ou associatives que non seulement les contribuables n'ont pas souhaitées, mais qui sont souvent des machines de guerre contre la moitié desdits contribuables, ou, grâce aux fonds secrets de Matignon (de l'aveu même d'un bénéficiaire qui s'est exprimé benoîtement à ce sujet dans un article du Monde), de financer la faction des «refondateurs» du Parti communiste (ou n'importe quel autre groupuscule ou réseau d'influence qui intéresse le pouvoir), ou encore (car on n'a que l'embarras du choix, et l'actualité fait resurgir chaque semaine de nouvelles turpitudes) s'il s'agit de financer les travaux dans les domiciles privés de certains membres dirigeants des caisses de retraite, ou les yachts mis à la disposition des gestionnaires de la MGEN, etc. ; il s'agit là, en termes moraux, et pour appeler un chat un chat, de vols.

Étant donné que ces prédations utilisent tous les moyens de force et même de terreur dont peut disposer un État - police, justice, fichiers, perquisitions, etc. -, le seul mot qui la désigne adéquatement, et qui a en outre le mérite d'évoquer des précédents historiques, est celui d’oppression. Nous subissons désormais en France une oppression, celle d'une nouvelle classe dominante, la fonction publique, le secteur nationalisé, le secteur social, tous les bénéficiaires des prélèvements obligatoires, sur une nouvelle classe dominée, la société civile productive. Quand un contribuable reçoit un redressement fiscal pour une peccadille qu'il ne pouvait éviter vu l'obscurité et l'incohérence des textes, et qu'il comprend que l'argent supplémentaire qu'on va lui prendre servira finalement à subventionner telle ou telle association qui l'injurie et travaille à sa perte, il ne peut qu'avoir le sentiment d'être un opprimé, un vaincu politique, comme il y en a tant eu dans l'Histoire. Les souvenirs historiques se bousculent dans mon esprit : les razzias des Tartares, les privilèges de l'Ancien Régime, l'impôt révolutionnaire des terroristes basques ou corses, les rackets de la Mafia... Ces violences ont pour point commun leur banale, leur plate malhonnêteté. Car il a toujours été difficile de gagner sa vie honnêtement : il faut travailler, faire preuve d'énergie et d'intelligence, convaincre autrui, faire un pas vers ses besoins et ses désirs, en un mot être altruiste. Pour ceux qui sont en position de décider l'impôt, en revanche, il suffit de décréter. En ce court-circuit réside l'immoralité de l'impôt sans contrepartie.

Philippe Nemo
(Extrait de « La France aveuglée par le socialisme »)


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