www.claudereichman.com  | 
  
A la une  | 
    17/7/12 | Jean-Jacques Netter | 
| 
	               
	Peugeot : c’est l’Etat le coupable ! Quand un grand groupe industriel est en difficulté, il est important d’éviter de jeter de l’huile sur le feu de façon inutile et de sombrer dans la caricature. C’est bien ce qu’a fait François Hollande, président de la République, au cours de son interview du 14 juillet : “ C’est trop facile de dire que c’est la faute du coût du travail, il y a eu des choix stratégiques qui n’ont pas été bons (…). Il y a aussi des comportements d’actionnaires qui se sont distribué des dividendes”, a-t-il déclaré. Les choix stratégiques de la famille Peugeot sont très bien documentés. 
	Elle a choisi de produire très majoritairement ses voitures en France et de 
	délocaliser très peu sa production. Ce n’est pas ce qu’a fait Renault (avec 
	Nissan, Dacia etc.) qui a pourtant l’Etat français pour actionnaire. 
	D’ailleurs Renault comme d’autres constructeurs européens (Fiat, Opel 
	notamment) perdent de l’argent sur les voitures fabriquées en Europe. Quant 
	aux dividendes, il suffit de consulter les rapports annuels de la société 
	pour constater que les rémunérations des dirigeants, par rapport à d’autres 
	groupes, ont toujours été raisonnables. Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif a, pour vérifier 
	l’analyse de la famille Peugeot, nommé un expert, Emmanuel Sartorius, haut 
	fonctionnaire spécialiste des problèmes de défense et de sécurité, mais pas 
	de l’automobile. Il doit examiner la situation financière du groupe et 
	déterminer si les mesures annoncées “sont nécessaires et proportionnées 
	aux difficultés alléguées”. Il aurait pu gagner beaucoup de temps en 
	lisant les études rédigées par les nombreux analystes financiers qui suivent 
	le secteur automobile depuis des années. C’est notamment le cas de celles de 
	Gaëtan Toulemonde, analyste à la Deutsche Bank.  Michel Sapin ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, s’est également exprimé : “ Nous allons agir très vite sur les licenciements boursiers, qui ont pour seul motif d’augmenter encore un peu plus les dividendes versés à l’actionnaire ”. C’est Ségolène Royal qui a inventé le concept de « licenciements boursiers ». Cela correspond à la volonté de revivre des temps révolus où les entreprises n’étaient libres ni de fixer les prix, ni de décider du montant des salaires, ni de régler les problèmes de sureffectifs lorsque les clients viennent à manquer. François Hollande a d’ailleurs déclaré que « les salariés devaient avoir un rôle au sein des conseils d’administration sur les questions touchant aux licenciements », ce qui ranime les souvenirs de la cogestion. Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, a de son côté expliqué que “Peugeot a perçu 4 milliards d’euros d’aides de l’Etat au cours des années passées. C’est de l’argent qui a été versé sans contrepartie, ce qui n’est pas acceptable ”. L’Etat avait accordé en 2009 un prêt bonifié à Renault et PSA. Les deux constructeurs avaient alors emprunté chacun 3 milliards d’euros, en contrepartie notamment d’engagements sur la non-fermeture d’usines en France. Des prêts que les deux groupes ont remboursés en 2011, par anticipation, ce que la ministre ne dit pas publiquement. Pourtant le président de la République, le Premier ministre et ses 
	ministres auraient pu constater sans se donner beaucoup de mal que les 
	véritables causes des difficultés du groupe Peugeot sont celles de 
	l’industrie française. Le coût du travail horaire a connu en Allemagne, entre 2001 et 2011, la 
	plus faible progression de toute l’Europe (+19,4%), alors que celui de la 
	France a bondi de 39,2% sur la même période. Un employeur qui souhaite 
	verser 1€ de salaire net à un employé doit payer 2,30 €. En France pour un 
	salaire complet de 48 500 € charges patronales comprises, qui donne droit à 
	un salaire brut mensuel de 2700 € par mois, l’Etat au sens large encaisse 
	plus de 27000 € alors que le salarié ne conserve pour vivre que 21 164 €. 
	Les charges patronales qui pèsent sur l’employeur ont évolué entre 2004 et 
	2008 pour la France de 37% à 46%, pour l’Allemagne de 20% à 16,5%, calcul 
	effectué par Vallourec et publié dans le Nouvel Observateur du 20/05/2010.
	 Dominique Strauss- Kahn avait inventé les 35 heures et Martine Aubry avait été chargée d’inoculer ce poison dans l’économie française. Cette loi dogmatique qui devait créer 700 000 emplois en a en fait détruit selon les calculs de l’OCDE. Les comptes publics révèlent que le coût des 35 heures a été de 66 milliards d’euros, entièrement payés avec de l’argent que l’Etat n’avait pas. François Fillon, prenant acte de cette aberration, a transformé la subvention à fonds perdus en allègements de charges à hauteur de 10 milliards d’euros par an. Ce qui a entraîné en euros constants une dépense de 102 milliards depuis 2004 ! Les marges des entreprises sont trop faibles Les entreprises françaises sont pénalisées par les charges. Le taux de prélèvement obligatoire sur les entreprises est le plus élevé d’Europe, supérieur de 5 points au taux moyen européen et de 8 points aux taux allemands si l’on prend en compte l’impôt sur les sociétés, les cotisations sociales ou les taxes diverses. Les syndicats français ne représentent pratiquement que les emplois 
	protégés Le droit du travail français est beaucoup trop rigide La France est à la fois le pays où la protection de l’emploi est la plus 
	forte, ce qui se traduit par une forte rigidité pour les entrepreneurs, mais 
	aussi celui où le sentiment d’insécurité des salariés est le plus élevé. 
	Tout cela est lié au fait que notre droit du travail a été centré sur la 
	protection des emplois et non sur celle des salariés. Les mesures Hartz, du 
	nom de l’ancien directeur des relations humaines de Volkswagen, ont été à 
	l’origine des réformes du marché du travail qui ont eu lieu en Allemagne 
	entre 2003 et 2005, sous le mandat du chancelier Gerhard Schröder (SPD). 
	Elles ont eu pour but de renforcer la lutte contre le chômage volontaire et 
	d’améliorer le retour en activité des bénéficiaires d’allocations. Ces 
	réformes, controversées officiellement, ont adapté le droit (du travail, 
	fiscal) allemand à la nouvelle donne économique dans le secteur des 
	services. Elles ont été mises en place progressivement, sous la forme de 
	quatre lois, mais la plus importante et la plus impopulaire est la loi Hartz 
	IV. Le gouvernement français aurait probablement mieux fait de consulter 
	Peter Hartz qu’Emmanuel Sartorius… Jean-Jacques Netter  |