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14/6/08 | Claude Reichman |
Le non irlandais est une bonne nouvelle ! Le non irlandais a été trop net pour qu’il soit considéré comme une manifestation de mauvaise humeur. Ce que les Irlandais ont rejeté, c’est une Europe qui ne sait pas où elle va, mais qui, au lieu de faire une halte et de réfléchir, s’enfonce chaque jour plus avant dans une direction que lui fixent des élites irresponsables et des dirigeants politiques coupés du peuple. L’Europe a deux problèmes majeurs : comment faire face à la mondialisation en supportant le poids des Etats providence ? Faut-il accepter l’entrée de la Turquie ? Sur le second point, l’opinion des peuples est claire et nette : c’est non ! Sur le premier, la réponse irlandaise est particulièrement éclairante. Ce petit pays de 4 millions d’habitants, situé à l’écart des grands axes, doit son actuelle prospérité moins aux aides communautaires qu’à sa politique fiscale favorable aux entreprises. Au moment où la crise financière et économique s’installe dans le monde entier, les Irlandais ont compris que si se mettait en place en Europe une politique franco-allemande fondée sur la volonté de sauvegarder les systèmes sociaux existants, c’en serait fini de leurs avantages concurrentiels et donc de leur dynamisme économique. Et ils ont fort raisonnablement dit non. Une fois de plus, l’agitation et la vantardise de M. Sarkozy ont provoqué l’échec de sa politique. Il s’était flatté d’avoir remis l’Europe sur les rails au point de faire voir le traité de Lisbonne comme une victoire des thèses françaises, qui sont perçues par les 27 pays membres de l’Union comme la quintessence de l’arrogance étatique et des pesanteurs sociales. Alors faire gober cela à des partenaires dont beaucoup viennent à peine de sortir de l’horreur communiste et dont la plupart des autres ont compris depuis longtemps que mondialisation ne pouvait plus rimer avec socialisation, il fallait vraiment être inconscient pour le tenter. Le résultat est là : Sarkozy s’est ramassé et l’on n'entend plus que le bruit des dents qui s’échappent de sa mâchoire et cliquètent sur le sol. A tous égards, le non irlandais est une bonne nouvelle. Non parce qu’il encourage en quoi que ce soit les thèses souverainistes. Celles-ci n’auraient de sens que si leurs tenants proposaient une véritable alternative à la construction européenne. Or il n’en est rien, puisqu’ils ne sont même pas capables de dire s’ils abandonneraient l’euro et s’ils fermeraient les frontières pour préserver les systèmes de sécurité sociale, et quelles en seraient les conséquences. Au contraire, le référendum irlandais est un acte de salubrité qui va obliger l’Union européenne à redéfinir ses fondements et ses priorités et lui permettre de mettre un terme à sa course folle vers une extension indéfinie. Les bons connaisseurs de l’histoire communautaire savent qu’elle ne s’est faite qu’à coup de crises surmontées. Celle-ci en est une de plus, et fort bien venue à un moment où plus aucun gouvernant du Vieux Continent ne sait vraiment où il habite. Quand on s’entretient avec de grands économistes internationaux, ils disent tous la même chose : l’Europe est condamnée à la régression et au déclin si elle prétend conserver ses systèmes sociaux ultra-protecteurs dans un univers balayé par les grands vents de la concurrence mondiale. La crise provoquée par le refus irlandais oblige l’Union et chacun de ses Etats à se poser la question. Et tout particulièrement la France. Où un Nicolas Sarkozy a pu parvenir au pouvoir sans jamais indiquer aux citoyens ce qu’il ferait face au principal défi que le pays doit affronter. Il ne peut désormais plus éluder ce choix. Pendant sa campagne présidentielle, il promettait la rupture. Voilà qu’elle lui revient en pleine figure. Claude Reichman
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