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18/9/11 | Claude Reichman |
Notre
avion va s’écraser, la rirette, la rirette ! C’est une histoire belge. Mais comme je ne comprends vraiment pas comment on peut se gausser d’un peuple capable de vivre depuis quinze mois sans gouvernement et sans que le ciel lui tombe plus qu’à d’autres sur la tête, comme de plus les Belges étaient, selon Jules César, « les plus braves des Gaulois », ce sera une histoire bien de chez nous, qui ne sommes pas belges. Dans un avion en perdition, qui transporte vers un congrès exotique un groupe nombreux de politiciens et de journalistes français, le pilote se voit contraint d’annoncer aux passagers l’imminence de la catastrophe, mais pour ne pas créer l’affolement, il le fait en chantant : « Notre avion va s’écraser … ». Et les passagers de chanter à leur tour en battant des mains : « La rirette, la rirette … ». En France, en ce moment, toute déclaration publique, tout commentaire commence invariablement par ces mots : « La situation est très grave. » Et se poursuit tout aussi invariablement par « La rirette, la rirette… ». C’est-à-dire par les habituelles banalités et les increvables stupidités dont nos concitoyens sont abreuvés depuis des décennies par la classe parlante. Non, décidément, nous ne sommes toujours pas prêts à affronter la réalité, même si le peuple sent bien que son univers habituel est sur le point de s’effondrer. La crise vient nous frapper « comme un voleur dans la nuit », pour reprendre la phrase de l’Evangile, ce qui prouve qu’il n’y a vraiment « rien de nouveau sous le soleil », comme le dit l’Ecclésiaste. A ces références bibliques ne manque que l’Apocalypse. Qu’on se rassure, elle arrive. La crise actuelle n’est que la continuation de celle qui a éclaté en 2008 avec celle des subprimes et l’effondrement du système bancaire. Dans l’extrême urgence les Etats ont renfloué les banques et injecté, en s’endettant, des sommes gigantesques dans l’économie, mais ils étaient déjà si endettés qu’ils ont atteint les limites au-delà desquelles les marchés, c’est-à-dire pour l’essentiel les épargnants du monde entier, refusent de prêter davantage aux Etats les plus menacés de faillite. C’est ainsi que la zone euro est au bord de l’éclatement, puisque la Grèce, le Portugal, l’Irlande, l’Italie, l’Espagne et la France suscitent ou vont bientôt susciter la défiance des prêteurs. Comme les Etats les plus sûrs sont en réalité fort endettés eux-mêmes, ils ne veulent pas garantir les emprunts des autres au risque de se voir à leur tour menacés de faillite. Face à une situation aussi dégradée, les recettes habituelles n’ont pas de sens. On peut bien nous expliquer qu’une austérité généralisée va briser tout espoir de croissance, il est facile de répondre qu’une faillite généralisée la cassera beaucoup plus sûrement. C’est pourquoi il n’y a plus d’autre choix qu’entre la plus extrême rigueur et la faillite. Les privations nous feront souffrir, mais elles ne nous tueront pas. Sauf politiquement, pour ceux qui, comme les gouvernants français, avaient voulu faire croire au peuple que faire semblant de réduire les dépenses était la même chose que les réduire vraiment. La seule question qui se pose est de savoir si la classe politique, toutes tendances confondues, est encore capable d’un sursaut qui la ferait engager les réformes que la situation exige. J’avoue ne pas y croire. La prochaine élection présidentielle se présente sous les plus mauvais auspices. Aucun des candidats n’est le Churchill dont nous avons besoin, capable à la fois d’exiger de nous « du sang et des larmes » mais aussi de nous promettre la victoire. C’est parce qu’ils n’ont pas confiance dans le personnel politique actuel, qu’ils savent incapables de les conduire à la victoire quelques sacrifices qu’ils consentent, que les Français balancent entre l’angoisse et l’accablement. Puissent-ils enfin se mettre enfin en colère, une colère maîtrisée et déterminée, qui fasse sauter les verrous politiques empêchant les vrais débats et l’arrivée au pouvoir de dirigeants dignes de ce nom. Depuis 222 ans, notre pays n’a jamais eu autant besoin d’une révolution. L’accumulation des charges qui pèsent sur l’activité n’a jamais été aussi grande. Le nombre de ceux que les actifs doivent faire vivre n’a jamais été aussi élevé. L’impuissance voulue des gouvernants, qui ont lié leur sort au système, n’a jamais été aussi accablante. Il n’y a vraiment plus d’autre issue qu’une révolution. Nous le savions déjà, en 2005, quand nous avons lancé la Révolution bleue. C’est encore plus vrai aujourd’hui. La crise financière, mère de toutes les révolutions, va maintenant pouvoir faire son œuvre ! Claude Reichman
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