Notre programme ? La Déclaration des droits de l’homme !
La France est un pays rétrograde. Une telle affirmation est
de nature à choquer le lecteur français. Ne sommes-nous pas le pays des
droits de l’homme, des libertés, de l’égalité, des grands hommes et des
Gaulois sans peur ? Certes. Mais que reste-t-il de ces grandes idées, de ces
hauts faits. Un vague bredouillis, comme le son d’un moulin à prière enrayé,
de ridicules proclamations proférées par de petits hommes qui se croient
grands, des cérémonies aussi grandioses que ridicules quand on sait le
véritable état du pays.
La France a quelques beaux restes, mais il faut en jouir prestement, car ils
seront bientôt engloutis par l’histoire. Celle-ci ne pardonne pas. Le pays
qui rate la marche et tombe doit se relever seul, même s’il est arrivé que
l’Amérique vienne à notre secours. Ce qui est navrant dans la situation
actuelle, c’est la médiocrité des secours proprement français. L’Etat bâti à
coup de prélèvements monstrueux sur la richesse produite par les Français
n’est plus capable de rien. L’hôpital ne peut plus soigner, la police ne
peut plus protéger, la politique ne peut plus réfléchir. Nous sommes
gouvernés par de piètres individus dont aucun pays moderne ne voudrait pour
le diriger.
Rétrograde, avez-vous dit ? Oui, bien sûr. Nous ne sous en sortons pas parce
que nous avons cru pouvoir répudier nos principes. La ruse était pourtant
grossière. Sous prétexte de « solidarité » avec les moins bien lotis, on a
mis tout le monde dans un immense chaudron où tout s’est calciné. La nature
humaine n’offre pas une infinité de variables. Quand vous lui enlevez la
responsabilité, vous obtenez l’égoïsme. Quand vous lui retirez le goût de
progresser, vous obtenez le dégoût et l’amertume. Et quand le chaudron est à
ébullition, vous obtenez la violence, avant que les flammes ne réduisent
tout en cendres. Finalement, c’est une forme de cuisine. Seuls restent
debout nos grands chefs qui régalent surtout les étrangers venus en
pèlerinage sur nos dépouilles.
Ce qui est triste, c’est de vivre de tels moments en étant conscient du
désastre. J’ai passé ma vie à combattre les ravages du collectivisme. Je
suis effaré du petit nombre de soutiens que j’ai pu rencontrer. Partout je
n’ai vu que de sinistres péroreurs à la bouche pleine de grandes maximes et
au cœur sec face à l’effondrement de leur patrie. Que les combattants soient
remerciés. Du fond du cœur. Je préfère oublier les autres. D’ailleurs ils y
comptent bien, tant leurs méfaits ne les empêchent pas de parader sur la
scène nationale. Prenez tel juge, qui a tué la plus belle entreprise
français en interdisant à son chef d’y mettre les pieds pour les besoins
d’une enquête bidonnée. Il ne se morfond pas dans une thébaïde au fond d’une
forêt, mais rend « la justice » au plus haut niveau. Prenez tel président
d’association libérale. Il ne se mêle surtout pas au combat des adversaires
du monopole parce que ça le mettrait mal avec l’Etat et nuirait à son
plumage. Et ainsi de suite, comme le disait Tchekhov dans une Russie qui
voguait vers le pire.
Le côté évidemment déprimant de ce qui précède n’est en fait qu’un constat.
Le fond de l’affaire est différent. La vie existe encore dans l’âme
française. Pour la réveiller, il suffit d’un hasard. La rencontre d’un
personnage décidé et intrépide et d’une circonstance favorable à la révolte.
Cela ne s’est pas trouvé jusqu’à présent, mais rien ne dit que cela ne se
trouvera pas demain. En politique, la bonne règle est de savoir patienter.
Mais sans s’endormir. Donc ne dormons que d’un œil. J’ai d’ailleurs constaté
que celle attitude prévaut chez nombre de personnes que je connais. Le
moment va venir. On attend.
Quand on y réfléchit bien, le destin des sociétés humaines oscille entre la
dictature et la tentative de liberté. Pour que règne la liberté, il faut une
détermination sans faille de l’élite de la nation. Cela ne se rencontre pas
souvent. Et cela ne dure pas toujours. C’est arrivé en France quand a éclaté
la Révolution. Un texte admirable y est né : la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen. On ne fera jamais mieux que ces quelques lignes
d’anthologie. Elles nous suffisent comme programme et comme règle de
conduite. Leurs pires adversaires sont les magistrats de la cour de
cassation et les membres du Conseil constitutionnel. Qui s’y entendent
comme pas un pour en détourner le sens et les rendre inopérantes.
Quand viendra le moment de la deuxième Révolution, il faudra immédiatement
nommer une cour suprême qui se réfèrera aux principes de la Déclaration. La
France découvrira alors comme il est simple et bon de vivre selon ses
principes. La leçon fera date et marquera le début d’une nouvelle ère pour
notre pays. Il ne faudra y nommer que des hommes et des femmes qui ont
souffert du viol de nos grands principes. On sera ainsi assuré de la force
d’âme de nos sages.
Quand
dans un avion de chasse les choses deviennent difficiles, la règle dit qu’il
faut en revenir au manuel. C'est-à-dire aux principes de base. Je pense
qu’en matière constitutionnelle, cette règle est parfaitement valable. Et
qu'elle suffit !
Claude Reichman
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