A Nouméa, c’est encore le mal français !
Entre les banlieues de métropole et celle de Nouméa, il y a une grande
différence. Les jeunes qui cassent tout en métropole sont des enfants
d’immigrés. Ceux de Nouméa ont des ancêtres qui sont là depuis mille ans. Et
pourtant les uns et les autres sont en révolte pour la même raison : ils ne
se voient pas d’avenir. Dans un cas comme dans l’autre, les responsables
politiques français ont commis la même erreur. Ils ont distribué de
l’argent, pris à ceux qui travaillent, et ont de ce fait cassé l’économie du
pays. Jusqu’à la moitié du vingtième siècle, en France, on faisait fortune
dans l’industrie. Depuis, c’est dans la grande distribution. La consommation
a remplacé la production. Mais elle ne donne pas un avenir à notre pays.
Les amateurs de formule frappante disent qu’il faut changer de logiciel.
Ils ont évidemment raison, mais il ne s’agit que d’une phrase toute faite
tant qu’on ne lui a pas donné un contenu. Or là, c’est le silence qui règne.
Qu’il s’agisse des politiciens ou des éditorialistes, ils n’ont pas la
moindre idée de ce qu’il faut faire. Cela me fait penser au prix Nobel de
médecine, Barry Marshall. Microbiologiste clinique, il avait été amené à se
pencher, avec son confrère Robin Warren, sur les gastrites et les ulcères
gastroduodénaux et avait mis en cause la bactérie Helicobacter pylori,
présente dans tous les cas de cette pathologie. Or dans un bel ensemble
toute la médecine l’envoya sur les roses au motif que cette bactérie ne
pouvait subsister dans l’acidité du milieu gastrique. Il fallut que Barry
Marshall se prépare un cocktail à base d’Helicobacter pylori, l’ingère,
présente les symptômes inflammatoires d’ulcération, se traite par un
antibiotique et guérisse pour qu’enfin on reconnaisse qu’il avait raison. Le
prix Nobel vint récompenser Marshall et Warren, alors que des millions de
malades voyaient leur vie transformée par leur guérison.
Or le scénario du mal français est strictement comparable à celui que
Barry Marshall avait mis en évidence. Nous souffrons d’une langueur et d’un
effondrement économique et nous ne voulons pas voir que ces maux sont
provoqués par la Sécurité sociale. Un seul chiffre suffit à le démontrer.
Les prestations sociales en France représentent 850 milliards, soit plus de
la moitié des dépenses publiques. Nous nous ruinons en dépenses sociales et
personne ne bouge, à part nous évidemment. Au contraire, le chœur des
penseurs officiels n’a de cesse de vanter notre générosité publique et le
bonheur d’être si bien remboursé, si bien entretenu, si bien choyé jusqu’à
la mort. Le problème, c’est qu’à ce compte on a oublié de vivre, comme le
chantait notre Johnny national.
Quand tout un pays en arrive à se suicider par incapacité de réfléchir,
on peut se dire qu’il l’a bien mérité. Mais un patriote ne peut raisonner
ainsi. Il doit se battre jusqu’au bout de ses forces pour sauver ce qui peut
l’être. Il y a une fatalité dans le destin du vivant. Elle est inscrite dans
nos gènes et dans les mécanismes qu’ils induisent. Tout l’effort des hommes
conscients et informés doit porter non pas sur les manipulations génétiques
dans le but d’obtenir une amélioration de nos conduites, mais dans
l’organisation de notre civilisation afin de lui permettre d’éviter les
catastrophes auxquelles nos instincts la condamnent trop souvent.
Le plus vexant pour les hommes d’action, c’est que la sauvegarde publique
n’est pas une mission impossible. A contraire, elle est même généralement
très simple. Elle n’est rendue difficile, et parfois impossible, que par la
suffisance, pour ne pas dire la bouffissure, des hommes de pouvoir. L’idée
que quelqu’un d’autre qu’eux puisse avoir raison contre eux leur est
insupportable. A cet égard l’actuel président de notre République est le
modèle même de ce qu’il ne faut pas faire. Ce garçon intelligent en arrive à
être très bête. Pourquoi s’entêter comme il le fait dans des projets mal
fagotés, alors que la sagesse des nations lui dit qu’il faut parfois reculer
pour mieux sauter. Mais un tel raisonnement n’a en fait aucun sens. Il ne
veut pas reculer parce qu’à l’issue de son recul, il aurait l’impression de
n’être plus lui-même et qu’il tient à l’image qu’il se fait de sa personne
comme à son bien le plus précieux. En cela il se trompe, mais rien ne le
fera changer de conduite. Sauf les faits, et c’est à ces derniers qu’il faut
s’attacher.
Le point faible des amoureux du statu quo, c’est le doute qui parfois
s’empare de certains d’entre eux. Quand cela survient, leur camp est perdu.
Et les choses vont en général très vite. La contagion de la vertu est
finalement assez semblable à la contagion du mal. L’être humain est
impressionnable. Et les impressions balaient souvent toutes les certitudes.
On le constate quand se développent les grands mouvements populaires. En peu
de temps, tout est changé. Même s’il a fallu très longtemps pour en arriver
là.
Alors disons-le clairement : les jours de la Sécurité sociale sont
comptés. Non qu’elle doive forcément disparaître. Elle demeurera pour ceux
qui voudront d’elle. Pour les autres, la liberté sera la règle, avec son
corollaire qui est la responsabilité. Et la France, tout à coup, ira mieux.
Et même de mieux en mieux. Et ceux qui ne se voient pas de destin s’en
découvriront un et même plusieurs. Comme dans toute vie heureuse !
Claude Reichman
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