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3/11/11 Gerald P. O'Driscoll Jr
Les dettes européennes et américaines sont liées par
                           le système bancaire !

Quand un plan de sauvetage n'est-il pas un renflouement ? Lorsque le déposant lui-même est à court de fonds. Le plan annoncé récemment par l'Union européenne correspond à cette assertion à presque tous les égards.

La crise de la dette n'est pas seulement un problème européen mais une crise financière outre-Atlantique. Le problème de la dette écrasante de chaque côté de l'étang est interconnecté par le système bancaire.

Passons d'abord en revue l'UE. Le dilemme sous-jacent est que les gouvernements ont promis à leurs citoyens des programmes sociaux qui ne peuvent être financées par les recettes fiscales générées par le secteur privé. Les taux d'imposition élevés étouffent la croissance économique nécessaire pour financer les promesses. L'activité économique n’a d’autre choix que de se réfugier dans l'économie souterraine pour échapper à une fiscalité écrasante.

Cela n'est nulle part plus vrai qu’en Grèce, qui a une longue histoire de défauts souverains au cours des 19e et 20e siècles. (1) Ce pays a un secteur public pléthorique et le secteur privé est entravé par la réglementation et les barrières d'entrée posées par le gouvernement. Les gouvernements grecs successifs ont généré des déficits budgétaires chroniques, et les banques grecques ont prêté au gouvernement. Des banques dans d'autres pays européens, comme celles de la France en particulier, ont prêté aux banques grecques.

En Grèce et ailleurs dans l'UE, les banques soutiennent le gouvernement par l'achat de ses obligations, et le gouvernement garantit ces banques. C'est une chaîne de Ponzi que même Bernie Madoff ne pourrait avoir concoctée. Les banques ne peuvent plus se permettre de financer les déficits budgétaires, mais elles ne peuvent pas non plus se permettre de voir les gouvernements faire défaut. Les gouvernements ne peuvent pas tenir leur garantie à l’égard des banques.

Les détails diffèrent selon les pays. En Irlande, les problèmes ont commencé avec un secteur immobilier en surchauffe qui a fait tomber les banques. L'économie est entrée en récession et le budget du gouvernement est devenu incontrôlable. Le déficit a encore été aggravé par la décision du gouvernement de garantir les dépôts bancaires et de convertir la dette du secteur bancaire en dette publique. Les détails diffèrent de la Grèce mais le lien entre le gouvernement et les banques est le facteur commun.

La croissance de la France est faible, voire inexistante. L'économie allemande s’en est mieux sortie mais les préoccupations sont grandissantes concernant l'exposition de ses banques au risque de l'UE. Et les banques américaines sont exposées à celles de l'UE à travers des opérations de financement, d'émission de credit default swaps et une exposition inconnue dans les marchés dérivés.

La Réserve fédérale s'est engagée dans des swaps de devises avec la Banque centrale européenne pour soutenir les besoins en dollars des banques de l'UE. La BCE dépose des actifs libellés en euros à la Fed qui lui donne en retour des dollars. Elle promet de rembourser ces dollars assortis d’intérêts.

La Fed maintient qu'elle ne peut pas perdre de l'argent parce que la BCE promet de rembourser les swaps en dollars. Et pourtant, le monde croulant sous les billets verts, il est difficile de comprendre pourquoi il serait nécessaire que la Fed et la BCE s'engagent dans ces transactions, sauf que cela suggère de gros problèmes de liquidité de certaines banques de l'UE. Et si ni les banques de l'UE, ni la BCE ne peuvent se procurer assez de dollars sur les marchés mondiaux, il y a un risque de contrepartie très sérieux pour la Fed. La BCE peut imprimer des euros mais pas des dollars. Le sénateur Richard Shelby (Rep. Al.), président de la commission bancaire du Sénat, a eu raison de soulever ces préoccupations concernant la politique de la Fed la semaine dernière. Les pertes sur le bilan de la Fed toucheront le contribuable américain, mais pas celui de l'UE.

La triste réalité est qu'il n'y a pas assez d'argent dans l'UE pour rembourser les dettes publiques contractées par les gouvernements. La plupart de ces pays ont depuis longtemps tondu les moutons aussi ras que possible. C'est pourquoi ils jouent avec une taxe sur les transactions financières, la seule activité qui n’est pas encore taxée dans toute l'Europe.

La Grèce est le premier pays à faire défaut sur sa dette. Avec le renflouement de la semaine dernière, les dirigeants de l'UE pensaient avoir gagné du temps, peut-être un an. Mais à un certain point, la BCE sera à court de dollars et forcée de monétiser la dette, entraînant ainsi la zone euro dans une forte inflation.

Le problème de la dette a dramatiquement changé avec l'annonce par la Grèce d'un référendum sur l'accord en janvier prochain. Si les électeurs grecs rejettent cet accord, le résultat final est imprévisible.

Les Américains ne doivent pas se réjouir des souffrances des Européens car notre système financier est complètement intégré aux leurs. Par ailleurs, le Fonds monétaire international sera probablement impliqué dans de futurs renflouements et devra probablement faire appel à ses membres, ce qui signifie en ultime ressort le contribuable américain.

Et, bien sûr, les États-Unis ont leur propre fardeau, avec une dette publique multipliée par deux entre 2008 et 2012. Nous n'avons pas été aussi loin que les Européens sur la route de l’État-providence, mais nous sommes en train de les rattraper. Si vous voulez savoir comment la crise de la dette va se jouer ici, il suffit de regarder la spirale à la baisse au sein de l'UE.
 

En attendant, il faut s’attendre à plus de volatilité sur les marchés financiers. Les traders américains, en particulier, n'ont tout simplement pas encore saisi l'ampleur de la crise de la dette de l'UE. (2)

Gerald P. O'Driscoll Jr

(1) À lire absolument le livre des deux universitaires américains Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff « Cette fois c’est différent : huit siècles de folie financière ». La Grèce détient le record du monde en matière de durée de défaut de paiement, avec 51 ans en moyenne pour les trois crises qu’elle a connues. C’est tout à fait remarquable pour un pays qui a obtenu son indépendance il y a deux siècles seulement. (NDT)

(2) Je conseille d’acheter des put sur l’euro avec l’objectif d’une parité avec le dollar d’ici janvier 2012. (NDT)



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