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3/1/12 Gerald P. O'Driscoll

          La Banque centrale américaine renfloue
                      les banques européennes !

La Banque centrale américaine, la Réserve fédérale, est engagée dans un plan de sauvetage des banques européennes. Le plus étonnant est que cette opération de sauvetage soit passée inaperçue.

La Fed utilise ce qu'on appelle dans le jargon financier un «accord de swap de liquidité temporaire en dollars américains» avec la Banque centrale européenne (B.C.E). Il y a des ententes similaires avec les banques centrales du Canada, d’Angleterre, de Suisse et du Japon. Dit plus simplement, la Fed échange des dollars contre des euros. La Fed est compensée par le versement d'un taux d'intérêt de 50 points de base, soit 0,5%. La B.C.E., qui garantit de retourner les dollars à un taux de change fixe correspondant à la date du swap, prête ensuite cet argent aux banques européennes de son choix.

Pourquoi la Fed et la B.C.E. font-elles cela ? La Fed pourrait prêter directement aux succursales américaines des banques étrangères. Elle a fait beaucoup de prêts à des banques étrangères en vertu de diverses facilités de crédit spéciales dans le sillage de l'effondrement de Lehman Brothers à l'automne 2008. Ou encore, la B.C.E. pourrait prêter des euros aux banques qui, à leur tour, pourraient acheter des dollars sur les marchés des changes. Le monde n’est-il pas inondé de dollars ?

Les deux banques centrales se sont engagées dans cette procédure parce que chacune a besoin d'une feuille de vigne pour cacher son sexe. La Fed a été gênée par les révélations de ses largesses envers les banques étrangères. Elle ne veut pas que les dettes des banques étrangères apparaissent sur ses comptes. Un swap de devises avec la B.C.E. n'est pas techniquement un prêt.

La B.C.E. est empêtrée dans un désordre encore plus grand que celui de la Fed. Les chefs de nombreux gouvernements européens veulent que la B.C.E. les renfloue. La banque centrale et certains gouvernements européens disent qu'elle ne peut pas constitutionnellement le faire. La B.C.E. préfère ne pas créer des euros pour garder intacte sa réputation de lutter contre l'inflation. Pour atténuer ses prêts en euros, elle emprunte des dollars qu’elle prête ensuite aux banques. Ce crédit remplace les dollars que les banques américaines et les marchés des changes ne veulent plus accorder aux banques européennes qui ont besoin des dollars pour financer le commerce de la zone euro avec le reste du monde. Pendant ce temps, les gouvernements européens mettent la pression sur leurs banques pour acheter encore plus de dettes souveraines.

Le soutien de la Fed vient en supplément des 489 milliards d’euros prêtés par la B.C.E. aux 523 banques de la zone euro avant Noël. Et si 2008 peut servir de guide, les swaps en dollars vont turbo-compresser les prêts en euros de la B.C.E.

Cet arrangement byzantin ne pouvait être conçu que pour confondre les observateurs, et il a largement réussi de ce côté-ci de l'Atlantique où la couverture de la presse a été marginale. En revanche, il n’est pas passé inaperçu en Europe. Le 21 décembre, le Frankfurter Allgemeine Zeitung a noté sur son site internet que les banques européennes ont pris trois mois de crédits valant 33 milliards de dollars, financés par un swap entre la B.C.E. et la Fed. Lorsque le gouvernement grec apparut beaucoup plus endetté qu'on ne le savait jusque là au printemps 2009, des swaps de devises furent mise en place par Goldman Sachs pour dissimuler ses dettes abyssales.

La Fed avait plus de 600 milliards de dollars de swaps de devises sur ses livres à l'automne 2008. Ces swaps furent en grande partie remboursés en janvier 2010. Le montant de l’été dernier, en vertu de la convention de renouvellement de swaps, était de 2,4 milliards de dollars par semaine. Pour la semaine se terminant le 14 décembre, toutefois, ce montant a bondi à 54 milliards de dollars. Pour la semaine se terminant le 21 décembre, le total a augmenté d'un peu plus de 8 milliards de dollars. Les 33 milliards de dollars susmentionnés par le journal allemand ne sont pas comptabilisés parce que la B.C.E. les a empruntés le 22 décembre, juste après le communiqué de la Fed.

Peu importe l'interprétation légaliste, la Fed travaille par le biais de la B.C.E. à renflouer les banques européennes et, indirectement, les gouvernements européens dépensiers. Il est difficile de compter le nombre de mauvaises choses que comporte cet arrangement.

Premièrement, la Fed n'a pas l'autorité de renflouer l'Europe. Ma source pour ce jugement ? Le président de la Fed, Ben Bernanke, a rencontré les sénateurs républicains, le 14 décembre, pour les informer de la situation européenne. Après la réunion, le sénateur Lindsey Graham a déclaré aux journalistes que M. Bernanke lui-même a dit que la Fed n'a pas «l'intention ou l'autorité» pour renflouer l'Europe. Dans la semaine où M. Bernanke a promis qu’il n’y aurait aucun sauvetage de l’Europe, la taille des lignes de swap pour la B.C.E. a gonflé d’environ 52 milliards de dollars.

Deuxièmement, ces accords de swap de la Réserve fédérale rejettent la sanction de l'aléa moral et entraînent des distorsions dans l'allocation des crédits en faveur des gouvernements dépensiers. Permettre à la B.C.E. de faire la répartition initiale du crédit aux banques, et pour certains d’espérer que cet argent servira encore à financer les gouvernements dépensiers de l’Union européenne, n’arrangera certainement pas le problème.

Troisièmement, la non-transparence des arrangements de swaps est gênante dans une démocratie. À son crédit, M. Bernanke a promis une plus grande ouverture et une meilleure communication des objectifs de la politique monétaire de la Fed. Les accords de swap sont en contradiction avec sa promesse. Il est temps pour le président de la Fed de fournir au Congrès une comptabilité honnête de ce qui se trame dans les coulisses du pouvoir. (*)

Gerald P. O'Driscoll

(*) Commentaire du traducteur :

Alors que le crédit bancaire intra-européen était au point mort et que les cigales italiennes et espagnoles ne pouvaient plus se refinancer sur les marchés à la veille de Noël, une divine intervention conjuguée des deux banques centrales de part et d’autre de l’Atlantique (une ouverte, par Mario, et une, masquée, par Ben) est venue apporter providentiellement un peu d’oxygène à l’Etat-providence qui se meurt un peu partout en Europe et aux Etats-Unis. Les dirigeants politiques ne reculeront devant rien pour le maintenir artificiellement en vie le plus longtemps possible. Qui aura le courage de débrancher la pompe ? C’est la question - qui intéresse les gens lucides - de la facture qui ne cesse de gonfler pour les générations futures.

Il y a eu un tribunal à Nuremberg pour juger les coupables de la Seconde guerre mondiale. Y en aura-t-il un autre pour juger les non moins responsables élites qui condamnent des générations de citoyens à rembourser une dette qu’elles n’ont point contractée ? Le national-socialisme a été condamné en 1945. Pourquoi le socialisme tout court ne le serait-il pas alors qu’il est la cause directe de la misère qui s’étend sous nos yeux ? Seuls les restaurants du cœur sont promis à un bel avenir dans notre pays ravagé par cette idéologie utopiste qui prétend aider les individus alors qu’elle les étouffe dans un carcan de réglementations et de taxes.


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