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12/11/11 Richard Orge
    Le triple A de la France n’est plus que virtuel !

Le noyau de la zone euro n'est plus ce qu'il était, du moins c’est ce que pensent les marchés obligataires. La crise de la dette a fait son petit chemin à travers la périphérie via la Grèce, l'Irlande, le Portugal, l'Espagne et l'Italie. Maintenant l'écart entre le rendement des emprunts publics français et allemands se creuse. Cela sous-tend de gros ennuis pour la France et pour la zone euro dans son ensemble.

Les spreads (écart de rendement) franco-allemands sont à des niveaux jamais atteints depuis le début des années 1990. Les obligations françaises à 10 ans étaient de 1,71 point de pourcentage plus élevé que les obligations allemandes, ce jeudi, avant que l'écart se rétrécisse légèrement vendredi. Les rendements des obligations françaises ont évolué dans la direction opposée à celles de l'Allemagne sur trois jours de cette semaine. Jeudi, ils ont augmenté de 0,25 point de pourcentage lorsque les rendements des allemandes ont augmenté de seulement 0,05 point. La France n'est plus traitée comme une valeur refuge. Dans les journées d’accalmie, les rendements des obligations françaises baissent un peu mais cela ne suffit pas à inverser une tendance qui s'accentue.

Deux facteurs jouent en sa défaveur.

La France semble vulnérable, même si elle s'est empressée d'appliquer une politique visant à protéger sa cote de crédit. Son économie est au ralenti. Elle a la plus grande dette (87% par rapport à son P.I.B.) parmi les des nations de la zone euro qui ont encore le triple A. La France a davantage de travail à faire que l’Italie pour équilibrer ses comptes. Pour ramener la dette à 60% du PIB en 2030, cela nécessitera un resserrement budgétaire de 6,3% par rapport au P.I.B. d’ici 2020 en France contre 3,1% seulement pour l'Italie (1), selon une étude du F.M.I. En outre, l'exposition des banques françaises à la dette européenne des pays du sud de l’Europe est énorme.

Le deuxième facteur est l'euro qui facilite les investissements transfrontaliers mais aussi les flux de capitaux. Les placements sûrs pour les investisseurs sont en constante diminution. En 2007, sept des émetteurs d’obligations de la zone euro avaient le triple A, ce qui représentait 73,7% du PIB de la zone euro. Quatre ans plus tard, il n’y en a plus que cinq, mais aux yeux des investisseurs, seuls l'Allemagne, la Finlande et les Pays-Bas font désormais figure de valeur refuge, soit 35,6% du PIB de la zone euro. La France n’a qu’un triple A virtuel, comme l'Autriche où les préoccupations au sujet de l'exposition de ses banques à l’Est de l’Europe ont conduit à un écart de rendement des obligations.

Le risque est que l'élargissement de l'écart de rendement commence à influencer l'approche de la France à la crise. (2) Cela constitue une menace pour l'alliance politique entre la France et l'Allemagne qui a été au cœur du projet européen. Économiquement, cela pose la menace d'un recul plus marqué des prêts transfrontaliers, condamnant une croissance déjà en berne. Le marché obligataire, en effet, est en train de désagréger l'euro. La France n’est plus assurée d'appartenir demain au noyau dur de l’Europe. (3)

Richard Orge

Notes du traducteur :

(1) Lors du dernier G20, le Premier ministre italien Silvio Berlusconi a été tancé par le tandem franco-allemand pour remettre en ordre les finances de son pays. Il a pourtant rétabli l’équilibre budgétaire avant la charge de la dette alors que les deux donneurs de leçon n’y sont pas parvenus.
(2) Dans un sondage du Figaro paru le 12 novembre, 60% des participants considèrent que les agences de notation sont inutiles. Dans une nation affichant un grand mépris pour l’économie et qui ne s’intéresse qu’à la politique, il est urgent de créer une agence publique française (composée d’énarques bien évidemment) et qui décernera ad vitam aeternam un triple A à notre pays. Sauf qu’il n’y aura plus personne à l’étranger pour acheter nos obligations pourries.
(3) Le scénario le plus crédible après l’implosion de la zone euro est une recomposition de la zone mark avec des pays vraiment sérieux qui se comptent sur une main en Europe. Le fier coq gaulois se consolera en prenant la présidence d’une zone monétaire beaucoup plus vaste que celle de l’Allemagne. Mais la nouvelle monnaie des cigales sera dévaluée de 20% chaque année pour restaurer leur compétitivité…

NB : Une dévaluation de la monnaie ne sert à rien sans un plan de rigueur visant à rétablir l’équilibre de la balance commerciale, de la balance des paiements et du budget de l’État. La dévaluation est comme une drogue. L’effet bénéfique (augmentation très provisoire des exportations) est contrecarré par une aggravation de la balance des paiements. C’est une fuite en avant jusqu’à la mort du patient. Au pays des aveugles, les borgnes sont rois et peuvent raconter n’importe quoi sur les plateaux de télévision.


 

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