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Paralysie

 


4/9/02 Claude Reichman
Moins de trois mois après sa nomination, le gouvernement de M. Raffarin s'est offert plusieurs semaines de vacances. Fatigue précoce ? Nullement. Nos ministres affichent encore la mine détendue et guillerette de ceux qui ont remporté une victoire électorale et croient que l'avenir leur appartient. Alors pourquoi cette soudaine interruption ? Parce que ce gouvernement a d'ores et déjà compris qu'il ne pourra rien faire. La France est un pays paralysé. Par ses lois fiscales et sociales, par sa réglementation, par sa fonction publique, par l'annihilation de tout débat public. Le traitement de tant de maux ne peut se faire que par la rupture. L'action à la marge n'a pas la moindre chance de succès. En ne proposant pas un programme de rupture, M. Chirac s'est condamné à l'échec. Nous en vivons les premiers moments. D'autres viendront très vite. La situation politique va connaître une dégradation aussi rapide que spectaculaire. L'absence de toute véritable réflexion politique au sein de la nouvelle majorité a non seulement conduit à l'inaction, mais aussi à l'aveuglement. Comment peut-on être assez sot pour offrir aux Français le spectacle de ministres à peine installés et qui s'octroient une substantielle augmentation de leur rémunération, tandis qu'ils préparent un changement de la loi électorale visant à éliminer toute concurrence ? Au bistrot du coin, on en a déduit que décidément la place est bonne et qu'on va s'y accrocher. C'était donc cela, sauver la République, comme on l'a fait croire aux Français entre les deux tours de l'élection présidentielle, pendant cette " Quinzaine de la haine " digne des prophéties d'Orwell ! Inguérissable ! La fausse droite est définitivement inguérissable. L'année 2002 aura vu sa dernière victoire électorale. La nécessité de son élimination va faire, de semaine en semaine, son chemin dans l'esprit des Français. Les plus lucides l'ont dit et écrit depuis longtemps. Mais les peuples sont ainsi faits qu'il leur faut mettre le nez sur l'évidence pour se résoudre à agir.

Le règne des médiocres

L'absence de tout débat rend évidemment plus difficile et donc plus lente la progression de la vérité. C'est même la raison pour laquelle les politiciens professionnels ont institué la censure médiatique qui sévit en France. Mais il faut être bien naïf pour croire qu'à une époque marquée pour l'essentiel par l'avancée fulgurante des technologies de l'information, on puisse durablement empêcher les idées de circuler et de s'échanger. Une équipe scientifique vient de parvenir, grâce à l'injection de cellules souches, à rétablir la circulation sanguine dans des membres gangrenés, et l'on ne serait pas capable de créer de nouveaux circuits d'information pour revitaliser une société paralysée par un infarctus médiatique artificiel ! Mais il serait vain de tout attendre du simple remplacement des politiciens de la fausse droite. La société civile doit faire elle aussi son aggiornamento. Par quelle aberration peut-elle continuer à faire confiance, pour la représenter, à ses structures professionnelles, dont l'étroite connivence avec la classe politique saute aux yeux de l'observateur le moins averti ? Rien ne pourra se faire tant que chacun, à son niveau, n'aura pas décidé de reprendre ses affaires en main. Entre l'émigration des meilleurs éléments de la jeunesse et le découragement de l'ensemble des entreprenants semble s'être établi un cercle vicieux qui fait la part belle aux médiocres, dont le règne sur la société française est aujourd'hui avéré. Dans toute structure fermée, hiérarchisée et étroitement contrôlée, l'élimination des plus capables, loin d'être une catastrophe, représente une excellente affaire pour l'oligarchie dominante. Moins elle a de concurrence interne à affronter, plus sa domination est assurée. Participant récemment à un débat où j'étais invité à développer mes critiques du système social français, je fus apostrophé en ces termes par le représentant d'un institut de conjoncture économique subventionné par les pouvoirs publics : " Si le système social français ne vous plaît pas, quittez la France et allez vivre à l'étranger ! " Dans un système totalitaire, tout opposant est assimilé à un dissident et tout dissident doit être éliminé. Le totalitarisme mou qui règne en France ne fait pas exception à la règle. Il ne cesse d'ailleurs de se durcir et, si on ne l'en empêche pas, il ne tardera pas à se transformer en une authentique dictature. Voilà des propos peu engageants pour une rentrée. Mais il ne sert à rien de se dissimuler la réalité. La société française vit une crise grave, même si tout, fort heureusement, n'est pas noir dans le tableau. On aurait tort cependant de croire que les choses iront mieux spontanément. Seule une action bien conçue et réalisée avec détermination peut nous faire sortir de l'ornière. Le moment approche où chacun devra se souvenir qu'il est responsable de son pays.

Claude Reichman

 

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