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12/6/11 Claude Reichman
        Paris est une bien belle ville pour attendre
                             la fin d'un monde !

PSA Peugeot Citroën ne pourra que fermer ses usines d’Aulnay et de Sevelnord, et les protestations des pouvoirs publics et des syndicats n’y feront rien. Depuis 1980, en France, la part de l’industrie dans la valeur ajoutée a baissé de près de moitié, passant de 24 % à 14 %.

Cet effondrement est directement lié au coût de la protection sociale. « Les cotisations sociales employeur, tous secteurs confondus, représentent environ 43 % du salaire en France contre 29 % en Allemagne », indique Alain Chatillon, sénateur de Haute-Garonne et rapporteur de la Mission du Sénat sur la désindustrialisation des territoires.

Dans un article publié par Les Echos le 28 janvier 2011, le PDG de PSA, Philippe Varin écrivait : « Force est de constater que l’un des avantages compétitifs de l’industrie française, son coût salarial horaire complet, s’est dramatiquement érodé au cours de la dernière décennie. Le salaire net d’un Allemand reste supérieur de 20 % à celui d’un Français. En revanche, pour l’employeur, le coût global est identique des deux côtés alors qu’il était de 12 % inférieur pour le Français en 2000. L’avantage s’est perdu et ce n’est pas le salarié qui en a bénéficié. Pourquoi cela ? Parce que le poids des cotisations sociales s’est accru en France, représentant aujourd’hui 83 % du salaire net, contre 47 % en Allemagne. »

La France a cru pouvoir échapper à la réforme de sa protection sociale en laissant mourir son outil industriel et en pensant que les services, moins soumis à la concurrence internationale, compenseraient le dramatique recul de ce dernier. Il n’en a rien été. Un pays moderne ne peut pas vivre sans fabriquer. Un économiste espagnol me disait en 2008, au moment où la crise financière éclatait : « Nous allons vers un chômage de plus de 20 %. C’est inéluctable, dans notre pays nous ne fabriquons plus rien ! » Ses prévisions se sont réalisées, et l’on ne voit pas comment l’Espagne va pouvoir s’en sortir si le contexte ne change pas. De même la France est condamnée à un effondrement économique irréversible si elle ne change pas rapidement de modèle social.

Il y a plusieurs années, j’avais expliqué à un important actionnaire de l’industrie automobile française que son entreprise serait bien inspirée de prendre position pour la mise en œuvre rapide des dispositions abrogeant le monopole de la sécurité sociale. Il en résulterait une diminution du coût de la protection sociale, une amélioration de la compétitivité de l’entreprise, et une augmentation du pouvoir d’achat en France qui renforcerait la position du constructeur sur son marché national, élément essentiel de sa solidité globale. Peine perdue : l’actionnaire avait compris, mais tout avait l’air d’aller bien, le PDG de l’époque de l’entreprise se perdait en réunions et n’avait pas le temps de réfléchir à un avenir qu’il croyait lointain, et la galère a continué de voguer.

On me dira qu’un constructeur automobile n’est pas un homme politique. C’est vrai. Mais quand les hommes politiques sont, comme c’est le cas en France, inférieurs à leur mission, chacun doit prendre ses responsabilités, surtout quand son poids économique lui donne une chance d’être entendu. La France a sombré dans le silence de ses élites, à peine troublé par notre faible voix.

Alan Greenspan, l’ancien président de la banque centrale américaine, a sans doute commis des erreurs, mais il a au moins vu juste en disant qu’il n’y aucun moyen d’enrayer la croissance d’une bulle financière jusqu’à ce qu’elle éclate. On peut en déduire qu’il faut surtout l’empêcher de se former.

Il en va de même pour les spirales régressives. La France avait, depuis 1992, tous les moyens, grâce aux directives européennes sur l’assurance, de réformer sa protection sociale et de faire face tant à l’ouverture des frontières européennes qu’à la mondialisation, et elle y était tenue par ses engagements communautaires. Elle a préféré rester prisonnière de ce qu’elle croit être un élément majeur de son « pacte social », comme le répètent en boucle les perroquets politiques et médiatiques, et qui n’est qu’un carcan imposé au pays par un parti communiste pesant, à la Libération, plus du quart de l’électorat et dont le général de Gaulle craignait vraiment, comme il l’a confié à un témoin direct et digne de foi, qu’il ne déclenche une insurrection armée. Aujourd’hui le parti communiste en est réduit à confier sa représentation à l’élection présidentielle à un Mélenchon, mais il règne toujours sur le destin du pays par le moyen de sa créature, la Sécurité sociale.

Federico Fellini disait : « Rome est une bien belle ville pour attendre la fin du monde. » Vivant à Paris, qui n’est pas mal non plus, je n’ai pas trop à me plaindre. Mais l’évènement auquel je me prépare à assister n’est pas l’apocalypse universelle. Simplement la fin d’un monde. Celui au sein duquel un peuple décidément trop léger a cru pouvoir vivre à l’abri des réalités, tandis que ses élus politiques lui donnaient un concert de pipeau. On n’a jamais que la musique qu’on mérite !

Claude Reichman


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