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11/11/11 | Valentin Petkanchin |
Il n’y a qu’1,6
milliard d’euros pour garantir les
207 milliards du livret A !
Nous avons déjà souligné que le livret A est un produit financier qui ne protège pas le pouvoir d’achat, mais le détruit à cause du taux de rémunération trop faible pour couvrir ne serait-ce que l’augmentation des prix à la consommation. Mais n’est-il pas vrai que le livret A permet au moins – grâce à la garantie des dépôts, inscrite dans la loi – de dormir tranquille sur ses deux oreilles en ces temps de crise majeure et de risque de faillite des États ? En apparence, et selon les textes juridiques, les déposants sont en effet censés bénéficier d’une garantie qui a été remontée de 70 000 euros à 100 000 euros en octobre 2010. Le plafond du livret A étant de 15 300 euros, cela signifie que chaque euro déposé sur le compte est en principe garanti. Les Français ont cependant tort de se fier à cette garantie supposée protéger leur patrimoine et leur pouvoir d’achat. Car en y regardant de plus près, on constate qu’elle ne pourra en aucun cas être tenue. En pratique, c’est le Fonds de garantie des dépôts (FGD) – un organisme de droit privé ! – qui est censé garantir les dépôts de l’ensemble de la population. Or, le FDG est loin d’avoir les fonds nécessaires pour remplir les promesses offertes généreusement par les hommes politiques aux déposants. En effet, selon les dernières données – qui remontent cependant à l’exercice 2008, le FGD n’ayant curieusement même pas l’obligation de publier officiellement ses comptes –, sa « capacité financière d’intervention » réelle paraît sans commune mesure avec les montants qu’il est censé garantir. Jugez par vous-même. Fin 2008, par exemple, les seuls encours du livret A – sans compter les encours sur les autres types de livrets, sur les dépôts à vue et les dépôts à terme qui bénéficient eux aussi de la garantie du FDG – se montaient à ce moment-là, selon la Banque de France, à plus de 139 milliards d’euros (les encours sont montés, rappelons-le, à 207,5 milliards d’euros en 2011). Or, selon les comptes du FGD les « disponibilités préexistantes » prévues pour couvrir ces dépôts n’étaient que de… 1,6 milliards d’euros. Et ce n’est pas tout, car la quasi-totalité de ce montant n’est pas en fait constitué d’argent liquide (trésorerie prête pour indemniser les épargnants français) utilisable pour rembourser les déposants, mais de valeurs mobilières, à savoir des actions et des obligations. Il s’agit du même type d’actifs financiers qui verront leur valeur fondre en situation de crise majeure. Dans un tel cas, le FGD se verrait contraint de vendre ces actifs au pire moment afin d’obtenir des liquidités. Bien que comptabilisées à une valeur de 1,6 milliards d’euros, les sommes reçues en contrepartie lors d’une telle revente risquent donc d’être largement inférieures à ce qui figure dans les livres comptables. En réalité, la trésorerie du FGD ne représentait que 0,11 % [1] des disponibilités comptabilisées dans son bilan. Cela signifie que, toutes proportions gardées, il n’y aurait eu qu’environ… 1,8 million d’euros en argent liquide en tout et pour tout pour couvrir sur-le-champ des encours de plusieurs centaines de milliards d’euros en 2008. Autant dire que c’est une goutte dans l’océan. En cas de crise majeure, il n’y aura pas assez de fonds pour rembourser tout le monde et empêcher le Fonds de garantie d’être sans doute lui-même en faillite. Certes, à l’automne 2010, l’État a obligé les banques à verser en trois tranches une cotisation exceptionnelle de 270 millions d’euros, soit 90 millions d’euros en 2010, 2011 et 2012, afin sans doute de ne pas pénaliser davantage les banques déjà en difficulté. Cependant, l’objectif de cette cotisation est de faire face au relèvement du plafond de la garantie des dépôts (de 70 000 à 100 000 euros par déposant), mais pas de faire face à un déficit structurel du fond. On voit d’ailleurs mal comment le FDG pourrait solliciter davantage les banques qui sont au cœur même de la tourmente financière depuis 2008… La situation du FDG n’a donc pas dû fondamentalement changer depuis ce temps-là, ce qui explique aussi sa réticence à dévoiler ses comptes annuels. Le fonds ne peut donc pas permettre de garantir les économies des Français déposés sur livret A en cas de crise majeure. Il aura – à coup sûr – besoin d’être sauvé lui-même par l’État. Mais comment ce dernier pourra-t-il apporter une quelconque aide s’il est lui-même à l’origine de la déconfiture des banques, à l’image de ce que nous réserve la crise actuelle des dettes souveraines ? La garantie des dépôts que l’État fait miroiter aux déposants n’est en définitive qu’une énorme illusion. Il est temps que les épargnants français se réveillent et qu’ils arrêtent d’attendre de l’État qu’il leur délivre une garantie, alors qu’aujourd’hui il est le principal facteur de risque sur les marchés financiers. Valentin Petkantchin |