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13/6/22 | Claude Reichman |
Un peuple en dissidence !
Le 14 juin fut jour d’élections en France. Quelle liesse populaire. Quelle joie dans les chaumières. Quelle attente du peuple. Ah ! que c’est beau la démocratie ! Rien de tout cela en vérité. Et pourtant il n’y a pas si longtemps, le peuple ne votait pas. Les seigneurs décidaient pour lui. Et ce qu’ils décidaient ne plaisait pas au peuple. Il fallut attendre des siècles pour qu’enfin on admît qu’un homme en valait un autre et que tous pouvaient décider pour eux-mêmes de leur vie. Résumée ainsi, la révolution se retrouve parée des plus beaux atours. Et elle le mérite, n’en déplaise aux nostalgiques de l’ancien régime. Certes un seigneur enrubanné ne manquait pas d’une certaine classe. Mais si l’on veut bien faire un petit effort d’imagination, on en a à revendre de ces petits marquis. Il suffit d’arpenter les couloirs d’un ministère pour en croiser à chaque pas. D’accord, ils ne portent pas de rubans, mais ils n’ont rien perdu de leur arrogance. Notre pays produit des seigneurs à cadence industrielle. Et voilà que ce qu’on aperçoit, en ce printemps qui devrait être joyeux, c’est un peuple en dissidence. Ce droit si chèrement conquis, celui de glisser dans une urne un petit bout de papier synonyme de libre choix, le peuple le boude. Plus de la moitié des Français se sont abstenus dimanche dernier. Ils l’ont fait intentionnellement, pour marquer que cette république n’est plus la leur. On ne peut se dissimuler l’importance de l’évènement. Un régime politique est chose fragile. Il faut des siècles pour l’affermir. Et seule la durée lui confère la légitimité. C’est ainsi. Le caprice et les foucades n’ont pas cours dans le pas lent des démocraties en marche. Il ne ressort de ces soubresauts qu’injustice, haine et violence. La reine d’Angleterre règne depuis soixante-dix ans. Et qu’ont fait ses sujets. Ils ont défilé en masse dans les grandes avenues de Londres pour lui manifester leur contentement et leur fidélité. En fait le régime parlementaire britannique a partie liée avec la couronne. Ce n’est pas elle qui commande. Elle fait durer. Ce n’est pas si mal ! Et nous ? Qu’avons-nous fait pour que notre démocratie tourne au
cauchemar ? Nous nous sommes laissé aller aux penchants de notre espèce.
Les chimpanzés, nos tout proches parents, sont curieux, querelleurs et
souvent féroces. Les hommes ne sont pas obligés de se comporter ainsi.
Ils savent, comme le disait Camus, qu’« un homme, ça se retient ». Eh
bien, dès qu’une mauvaise querelle se profile, nous y cédons avec
passion, oubliant toutes les leçons apprises et toute la sagesse des
siècles. Ce que nous recherchons avec une rage folle, c’est à l’emporter
sur tous ceux qui nous contestent. « L’un des problèmes de notre société
aujourd’hui, disait Winston Churchill, c’est que les gens ne veulent pas
être utiles, mais importants. » L’esprit d’une société n’évolue qu’à force d’épreuves et de réflexion. Que cela nous plaise ou non, nous sommes jugés collectivement, à la lumière de nos actes, de nos manquements, de nos trahisons. C’est d’une correction permanente de nos fautes que peut naître la confiance, la société de confiance. Il y aura toujours des déviants, c’est certain. Mais l’essentiel est qu’il y ait un solide noyau de personnes fiables et que celui-ci serve d’exemple. Mieux, il suffit parfois, dans l’histoire, qu’un homme, un seul, captive l’esprit de ses contemporains et leur serve de boussole. Alors s’il se peut qu’un seul suffise, tout n’est pas perdu. Toute société humaine affronte des problèmes. La France est à un stade de son parcours dans le temps où elle a besoin d’une forme de miracle. Oh ! pas un miracle surnaturel. Non. Tout juste un petit miracle. Qu’un homme ou une femme se lève et chante d’une voix forte et harmonieuse notre hymne national et nous entraîne tous à se suite. Allons enfants de la patrie… Claude Reichman
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