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4/4/08

Jean-Michel Aphatie

Les candidats à l’élection présidentielle se                destinaient  à administrer la planète Mars
   

Eh bien non. On ne vous dit pas vrai, on ne vous dit pas tout. La première raison pour laquelle des économies s'imposent, c'est que jusqu'ici nous avons beaucoup dépensé et, sans aucun doute, beaucoup gaspillé. Trente ans durant, l'Etat, géré par des responsables issus du suffrage universel, a empilé, multiplié, offert structures et subventions, aides et commissions. Pour financer ce que des historiens des prochaines décennies caractériseront sans doute comme une étonnante fuite en avant, les impôts, taxes et prélèvements se sont multipliés. Aujourd'hui, nous nous trouvons dans cette situation absurde où le niveau de dépenses publiques est très élevé, celui des prélèvements aussi, et pourtant, personne n'est content, ni les infirmières en sous nombre, ni les universitaires oubliés dans leurs taudis, ni les chercheurs abandonnés dans leur misère, ni les policiers, ni les gendarmes, ni les diplomates, car tous crient misère, ni les fonctionnaires au sens large qui perdent chaque année du pouvoir d'achat car l'inflation va plus vite que leurs salaires. Et puis aussi les marins pêcheurs et les sidérurgistes de Gandrange qui attendent le respect des promesses, les petits retraités et les handicapés à qui l'on a également promis, j'en passe et j'en oublie qui alimentent tous une frustration intense et immense.

Quel paradoxe, tout de même. Des décennies de dépenses publiques considérables pour en arriver là, dans le mécontentement général. Voilà la situation à laquelle le discours public doit se confronter. Normalement, le temps de la campagne électorale doit servir à diagnostiquer, analyser, pour proposer au plus juste. Des deux grands candidats qui furent qualifiés pour le second tour de l'élection présidentielle au printemps dernier, l'un promettait de dynamiser le pouvoir d'achat, l'autre de généraliser les 35 heures. Ils devaient sans doute se destiner à administrer la planète Mars.

Ce temps perdu de la campagne électorale ne se rattrapera pas. Il aurait dû être un moment privilégié de pédagogie. Il fut un temps de démagogie. Qui donc maintenant a la légitimité pour expliquer à l'opinion publique l'intensité de l'effort à fournir? Personne. Et il est bien sot de continuer à écrire ceci ici car ces propos apparaissent ceux d'un nanti, écrivant depuis sa position supérieure, confortable et douillette, brevetée contre les intempéries de la rigueur.

Alors, oui, pourquoi écrire encore ? Pour deux raisons. D'abord parce que la tradition du mensonge n'est pas rompue, et tant qu'elle demeure, elle agit comme un inconfort sur l'esprit. Et puis parce qu'un problème est en train de se profiler, qui nous coûtera, à tous, beaucoup plus.

Nous nous sommes engagés, il y a plus de quinze ans, dans une oeuvre commune avec l'Allemagne. La fusion des monnaies que nous avons réalisée alors percutait notre esprit frivole et dépensier, financé par l'inflation qui nous menait à la dévaluation. En nous engageant avec nos puissants voisins qui furent si longtemps nos ennemis, nous perdions ces armes qui, même si elles nous affaiblissaient, nous permettaient d'être cigales, c'est-à-dire si délicieusement français. De cette association, nous n'avons tiré ni conséquences, ni conclusion. Nous marchons comme avant et, ce faisant, nous menons notre union à l'abîme.

Dans quelques mois, nous nous interrogerons sérieusement sur le rendez-vous de 2012. Des finances publiques à l'équilibre ? Nous n'en prenons pas le chemin. Or, persister encore dans les déficits reviendrait à s'enfoncer dans l'erreur. A un moment, le fardeau de la dette serait insupportable. Et puis aussi, un partenariat impossible dans ce domaine si sensible de la monnaie, qui n'est pas technique mais philosophique puisqu'il règle les échanges entre les hommes. Alors, chacun, et surtout l'autre, l'Allemand, pourrait être tenté de reprendre sa liberté. Et c'en serait fini de la grande et belle construction que nos aînés ont initiée sur les ruines fumantes de l'horrible conflit qui nous opposa il y a bien longtemps maintenant.
La leçon est d'ailleurs peut-être celle là. Nous n'avons plus la mémoire de nos projets. C'est pourquoi nous mettons si peu d'ardeur à les accomplir.

Jean-Michel Aphatie
(4/4/08).

 

 
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