Les pays émergents basculent à leur tour
dans la crise !
L’illusion que l’économie mondiale serait sauvée de la catastrophe par les
pays émergents commence à s’évanouir. À la mondialisation de l’économie
succède celle de la crise. « L’économie mondiale est dans une situation
très dangereuse », a dit Christine Lagarde, directrice du Fonds
monétaire international (FMI) dans une interview publiée par Le Journal
du Dimanche le 24 décembre dernier. Elle a évoqué le ralentissement des
pays émergents, comme la Chine, le Brésil, la Russie, « où les prévisions
de croissance sont revues à la baisse ». Comme celles de l’ensemble de
l’économie mondiale : fin janvier, le FMI les annoncera en diminution par
rapport aux 4% sur lesquels il tablait.
La Chine commence à faiblir
Trop souvent présentée comme invincible, la Chine, vaisseau amiral des pays
émergents, commence à faiblir. Le 1er décembre dernier, elle annonçait le
premier recul de sa production manufacturière depuis deux ans et demi.
L’indice PMI (Purchasing Managers’ Index) des directeurs d’achat, qui
est un baromètre de l’activité manufacturière, est passé de 50,4 en octobre
à 49 en novembre, selon la Fédération chinoise de la logistique et des
achats. Une dizaine de secteurs industriels (dont la chimie, les équipements
pour les télécommunications et les ordinateurs) se sont contractés.
La Chine subit le contrecoup de la diminution de la consommation
occidentale. Ses exportations vers les États-Unis sont passées de 30,11
milliards de dollars en septembre à 28,6 milliards en octobre. Celles vers
l’Union européenne ont chuté encore plus fortement, de 31,61 milliards de
dollars en septembre à 28,74 milliards en octobre.
Les émergents se tournent vers le protectionnisme
Il y a encore peu de temps, les pays émergents s’imaginaient en mesure de
remplacer l’Occident, « usé et dépassé », dans le rôle de locomotive
de l’économie mondiale. À ce triomphalisme naïf a succédé l’inquiétude. Et
son corollaire : la tentation douanière.
Exemple : l’Amérique latine. Réunis ce mois-ci à Montevideo, les dirigeants
des pays du Mercosur (union douanière réunissant le Brésil, l’Argentine,
l’Uruguay et le Paraguay) ont décidé de taxer jusqu’à 35% – qui est le
maximum autorisé par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) – une
centaine de produits, pendant un an. La présidente brésilienne, Dilma
Rousseff, a expliqué que cette mesure visait à compenser « les
déséquilibres commerciaux provoqués par la conjoncture économique
internationale ». Elle a stigmatisé « une avalanche de produits
prédateurs qui mettent en danger la croissance et l’emploi. » Le
ministre des Finances chilien, Guido Mantega, a critiqué la politique
monétaire des États-Unis… et de la Chine.
Au cours des mois précédents, l’Argentine avait pris les devants en
matière de protectionnisme douanier, en limitant les importations de
produits chinois. Le Brésil aussi qui, en septembre, avait annoncé une
hausse de 30% sur les taxes des véhicules importés ne provenant pas au moins
à 65% de lui-même ou du Mercosur.
À la tentation douanière des pays émergents fait écho celle de
l’Occident, que ce soit au Parlement des États-Unis ou dans la campagne
présidentielle française. La démondialisation s’accélère, au diapason de la
crise. Celle-ci entrera dans sa phase paroxystique en 2012 avec l’explosion
des taux d’intérêt.
Laurent Artur du Plessis
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