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21/11/08 | Bernard Martoïa |
Les politiciens vont être balayés par la grande dépression Les pays de l'OCDE sont entrés officiellement dans la récession économique au troisième trimestre. Est-ce le moment d'accroître le déficit budgétaire ? C'est le débat qui fait rage en France où nos élites sont majoritairement keynésiennes. Durant la grande dépression, l'économiste anglais John Maynard Keynes (1883-1946) fut l'architecte de la relance par l'accroissement du déficit budgétaire. Keynes fait figure de messie pour les libéraux, mais dans le sens moral qui leur est prêté en Amérique. Il ne méprisait pas d'être universellement reconnu. Il contribua à sa légende. Il fit le commentaire suivant, lorsqu'il reçut à Cambridge Ludwig Wittgenstein, le protégé de Bertrand Russel, en déclarant : "Dieu est arrivé. Je l'ai rencontré au train de 17h15." Keynes était un homosexuel notoire dans une Angleterre victorienne. Un de ses amours de jeunesse fut l'artiste Duncan Grant qu'il rencontra en 1908, avant de fréquenter l'écrivain Lytton Strachey. Cela ne l'empêcha pas plus tard de se marier avec une femme. En 1925, il épousa la ballerine russe Lydia Lopokova. Keynes était en avance sur son temps. La carrière de Keynes démarra en 1919. Il était dans la délégation britannique à la conférence de la paix de Versailles. Avec les statistiques que lui passa la délégation allemande, il démontra que les réparations exigées par les vainqueurs étaient trop larges et conduiraient à la ruine de l'économie allemande. Clémenceau ne l'écouta pas. Keynes se vengea en publiant "Les conséquences économiques de la paix". Ce livre eut un grand retentissement partout dans le monde, à l'exception de la France, rongée par son revanchisme. En 1923, l'Allemagne connut l'hyperinflation. Un État qui ne peut pas rembourser sa dette, fait tourner la planche à billet pour l'annuler. La jeune république de Weimar vacilla. La suite est connue avec l'élection du chancelier Adolf Hitler par le peuple allemande le 30 janvier 1933. En 1936, Keynes publia sa théorie générale de l'emploi, du crédit et de la monnaie. Ce livre influença le président américain Franklin Delano Roosevelt dans le lancement des grands travaux d'infrastructure. Il n'était pas le seul. Le président de la banque fédérale américaine de 1934 à 1949 était Marriner Eccles. Dans ses mémoires qui parurent en 1951, il donna sa version sur les origines de la crise de 1929. Voici un extrait saillant. "Une production de masse doit être accompagnée par une consommation de masse, qui, à son tour, implique une distribution de richesse - non pas celle existante mais celle qui est produite vraiment - pour procurer aux hommes un pouvoir d'achat qui est égal au montant des produits et des services de la machine économique de la nation. Au lieu d'achever ce genre de distribution, une pompe géante aspirante avait, dans les années 1929-1930, accumulé dans un nombre restreint de mains une portion croissante de la richesse produite. En retirant des masses ce pouvoir d'achat, les épargnants se sont privés de la demande effective pour leurs produits qui justifient un réinvestissement de leur capital accumulé dans de nouvelles usines. Comme dans un jeu de poker où les cartes sont concentrées entre moins en moins de mains, les autres joueurs n'ont pu rester dans le jeu qu'en empruntant. Quand leur crédit a été épuisé, le jeu s'est arrêté." Cette version de la crise de 1929 n'est pas corroborée par l'école autrichienne. Pour l'économiste Murray Rothbard (1), la cause principale de la grande dépression fut la politique laxiste de la Fed durant les années vingt. La Fed fut créée en 1913 sous la présidence de Woodrow Wilson. La trop grande circulation de monnaie produisit une explosion du crédit qui était intenable sur le long terme. Ludwig Von Mises fut l'un des rares économistes de cette époque à prédire ce qui allait se passer. "Un grand krach va se produire et je ne veux pas que mon nom y soit associé." Il déclina un poste important au sein de la Kreditanstalt Bank au début de l'année 1929. Après les attentats du 11 septembre 2001, l'économie américaine a connu un brutal ralentissement. Le président George Bush a convoqué, à la Maison Blanche, Alan Greenspan, le président de la Fed. Il n'est pas dans la tradition de cette vénérable institution d'obtempérer mais l'opportuniste Greenspan s'est exécuté. Il a approuvé sans sourciller le plan de l'administration Bush de laisser les déficits budgétaires se creuser pour soutenir la croissance. Le même déclarait sous la présidence de Clinton que les excédents budgétaires étaient une excellente chose ! Sa longue carrière de dix-neuf ans à la tête de la Fed fait penser au destin de Talleyrand qui a survécu à tous les soubresauts de l'histoire. La dette américaine était de 5,674 trillions de dollars en 2000 ; elle est maintenant de 10,666 trillions de dollars. Elle représentait 58% du PNB américain, elle est maintenant égale à 72% du PNB. Le laxisme budgétaire s'est couplé avec celui des ménages américains. La dette des ménages américains est de 13.8 trillions de dollars ou 123% du Produit National Brut (GNP) La formidable croissance mondiale a été entretenue essentiellement par la consommation des ménages américains. Après la faillite de l'immobilier et des banques américaines, la communauté internationale redoute celle des cartes de crédit. Que nous proposent nos dirigeants pour sortir de la crise ? Injecter toujours plus de liquidités pour relancer la croissance. D'après l'école autrichienne, les interventions étatiques pour relancer la croissance après le krach de 1929 ne firent qu'empirer la récession. Pour Rothbard, l'intervention de l'État fédéral a retardé l'ajustement du marché et rendu plus difficile le retour à la croissance. Dans une économie mondialisée, une relance keynésienne n'est praticable que pour les pays enregistrant des excédents budgétaires substantiels. C'est le cas de la Chine aujourd'hui. Compte tenu de la forte dépendance de sa croissance aux exportations, la fourmi chinoise pourrait échapper à la récession mondiale en se lançant dans des grands travaux d'infrastructure qui prendraient le relais. Pour les cigales, il n'y a malheureusement pas d'alternative à une longue cure d'austérité pour rééquilibrer les comptes. Un message suicidaire pour la carrière de nos politiciens ! Qu'ils disent ou non la vérité aux électeurs, ils seront balayés par la grande dépression dans laquelle nous sommes entrés. Nous verrons bientôt l'émergence de populistes promettant une sortie rapide de crise. Adolf Hitler était un grand admirateur de John Maynard Keynes. Le peuple n’aime ni le vrai, ni le simple : il aime le roman et le charlatan », disait Edmond de Goncourt. Il est bien servi en France. Bernard Martoïa (1) Murray Rothbard : America's Great Depression (1963)
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