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26/5/09 | Michel de Poncins |
Union pour la Méditerranée :
la tour
de Babel est en panne ! Un des principes de la « République Fromagère (R.F.)», tels que je les ai définis, est le suivant : « Les organismes publics ne meurent jamais, car ils sont éternels ». Quand, pour des raisons diverses, ils ont perdu leur raison d'être, ils pourraient être supprimés ou réduits à la dimension de simples bureaux. Il n'en est pas question : la majorité du temps et du talent de leur direction est alors utilisée pour le maintien de la structure, avec, le cas échéant, la recherche de nouvelles tâches à assumer. L’une des raisons de cette fantastique et, disons-le, insupportable longévité se situe dans un autre principe que voici : « Les organismes publics tendent par une pente irrésistible à fonctionner de plus en plus dans l'intérêt exclusif de leur personnel, indépendamment de tout autre objectif se rattachant au bien commun ». L’Union pour la Méditerranée (UPM) est une sorte d’Europe-bis que l’on a
voulu nous imposer. Personne n'avait besoin, ni en Méditerranée ni ailleurs,
de ce nouveau monstre administratif et juridique dont le coup d'envoi a été
donné d'une façon solennelle et légèrement burlesque le 14 juillet 2008.
Nous souffrons déjà gravement de l'Europe qui marche d'une façon tout à fait
boiteuse et chaotique : le désordre est inimaginable, avec ses 27
participants dans le cadre d’un budget rejeté avec mépris par la Cour des
comptes européenne elle-même ; la corruption s’exerce partout et les
dépenses sont absolument gigantesques, inutiles et toujours somptuaires. Un autre organisme a donc été installé à côté avec la perspective de son propre désordre et les mêmes effets probables. Ce n’était qu’une mauvaise copie du monstre européen. Les pays membres de la Communauté européenne souffrent de la tornade de règlements produite à longueur de journée par la « bourreaucratie » européenne. Une autre tornade, enchevêtrée et nécessairement contradictoire avec celle-ci, était promise grâce à l’UPM. Selon la tradition politico-administrative immémoriale, des comités
inter-unions seraient nécessaires pour essayer de coordonner l’ensemble
avec, qui sait, des échanges d’ambassadeurs entre les deux structures. Ajoutons que dans la nouvelle Union il était prévu d’intégrer certains
pays qui n'ont rien à voir avec la Méditerranée, comme l’Allemagne ! La stupeur a saisi toutes les diplomaties quand le projet fut lancé par
le président français, comme un prestidigitateur sort un bel oiseau de son
chapeau. Tout aurait pu s’arrêter très vite, mais, bien au contraire, le bel
oiseau a pris son envol. Il était permis de se demander, il y a un an,
comment un projet aussi ridicule et dont personne n’avait vraiment besoin
avait bien pu naître. Un autre principe de la R.F. arrive, pour expliquer le phénomène, celui
des organismes : « Le foisonnement des organismes, avec la création
perpétuelle d'organismes inutiles, est une des voies privilégiées
qu’utilisent les prédateurs étatiques pour leur propre gloire et leur propre
richesse ». La dictature mondiale en voie de constitution au détriment des
nations s’alimente largement à ce principe : cette dictature est exercée par
des organismes multiples qui poussent sans cesse à la création d’autres
organismes. C’est pour cela que, le premier moment de stupeur passé, un grand nombre d’Etats se sont embarqués dans le projet en faisant des efforts pour y être acceptés, tels justement l’Allemagne. Chacun caressait du coin de l’œil la promesse de nouvelles et magnifiques fonctions. Ce début de succès n’était donc pas du tout redevable à un prétendu talent diplomatique de l’actuel président porté au nues par les médias ; il venait tout simplement du jeu combiné des principes de la «République Fromagère». Mais, patatras, la crise s'est abattue sur le mirifique projet et le
voici en sommeil. Quatorze somptueuses conférences étaient prévues en 2009 ;
elles ont été annulées et le Comité du sommet ne s’est plus réuni depuis
déjà longtemps. Mais le cadavre bouge encore et il est bien vivant. Voici certaines des
dernières nouvelles. La France, qui n’a plus un sou vaillant, vient de créer un Conseil
culturel de l’Union pour la Méditerranée et la présidence a été confiée à
Renaud Muselier, député de Marseille et ancien secrétaire d’Etat aux
affaires étrangères. Un Conseil qui n’est pourtant pas un Haut Conseil ne
saurait certes fonctionner sans un Comité stratégique : c’est bien lancé, et
déjà d’éminents personnages garnissent ce comité stratégique. Le cadavre a
donc accouché d’un premier organisme ; aussitôt celui-ci en secrète un autre
! La ministre de la culture ne sert donc à rien puisqu’un conseil spécial
pour la Méditerranée est nécessaire ; en fait, nous savons que ce ministère
de la culture est aussi un orfèvre dans la profusion des organismes
inutiles. Y a-t-il dans ce marécage une histoire de parachute doré, le dit
Muselier ayant acquis dans le grand bazar de la R.F. un droit à un tel
parachute qui n’aurait pas été satisfait ? Nous ne le saurons jamais,
n’étant pas invité aux multiples négociations qui se concluent dans des
cabinets secrets avec notre argent. Quelqu'un cependant doit se réjouir : M. Jean-Louis Guigou, le mari
d’Élisabeth Guigou, qui est délégué général de l’Institut de prospective
économique pour le monde méditerranéen ! Eh oui, ce machin existe et le
réveil du cadavre ne peut que le consolider. Pour justifier l’impensable Europe-bis, les phrases solennelles n’avaient
pas manqué à l’époque. Un des quelconques parrains (dans tous les sens du
terme) avait dit sans rire : « L’avenir de l’Europe est vers le sud ».
D’autres avaient renchéri : « Le Président a réussi une opération historique
» et encore : « L’UPM, c’est précisément une volonté d’égalité entre le nord
et le sud ». M. Muselier, pour saluer discrètement sa promotion, a dit : « La réussite
de l’Union pour la Méditerranée passe par la culture ». Quant à François
Fillon : « La mission de ce Conseil culturel sera de donner corps et de la
visibilité à une Méditerranée qui parle d'une seule voix, mais dans toutes
ses langues, ses civilisations et ses spiritualités ». Une seule voix dans
toutes les langues : nous voici dans la tour de Babel. Cela nous conduit tout droit à un autre principe de la R.F. qui s’énonce
ainsi : «Les usines sont impitoyablement chassées hors de France par les
impôts et charges ; en revanche la production de phrases idiotes se poursuit
intramuros sans jamais ralentir.» Michel de Poncins |