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9/2/10 Michel de Poncins

Chassant en meute, les politiciens font fuir les industries hors de France !

L'histoire désolante de la fermeture de la raffinerie de Dunkerque appartenant au groupe Total illustre bien comment les pouvoirs publics depuis des décennies chassent véritablement en meute les industries hors du territoire national. Certes le groupe Total diffère la date de la fermeture, mais personne n'est dupe de la signification provisoire de ce décalage.

Rappelons d'abord qu’il n’est pas question de supprimer simplement la raffinerie de Dunkerque : la plupart des analystes prévoient que les raffineries vont toutes plus ou moins disparaître. Cela se produit dans un contexte de sous-emploi des raffineries dans le monde entier. En Europe il est prévu l'arrêt de 15 d'entre elles. L'industrie du raffinage n'est pas différente des autres industries, comme l'automobile par exemple, qui souffre également d'un sous-emploi général dans tous les pays sauf exception.

La fermeture éventuelle des raffineries en France n'est qu'un aspect du désastre industriel que nous connaissons depuis des années. Il n'est pas possible de compter le nombre des industries qui ont plus ou moins disparu : textile, sidérurgie, informatique et bien d'autres encore dont nous n'avons même plus la mémoire.

Si la France est devenue un cimetière industriel, ce n'est pas du tout par hasard mais à la suite de la politique des gouvernements successifs de toutes couleurs apparentes, qui ont réellement chassé les industries comme si c'était des ennemies.

Cette opération destructrice est particulièrement grave à cause de la nature particulière des activités industrielles. Celles-ci offrent l'avantage d'une très grande diversité des métiers, à la différence des autres activités comme les services. Elles ouvrent en conséquence beaucoup de perspectives à une foule de créateurs ou de salariés et aussi à des sous-traitants eux-mêmes porteurs de divers métiers.

Il n'est pas possible que quelqu'un de raisonnable se satisfasse de la perspective de voir la Chine ou d'autres pays devenir fabricants de la plupart des objets de notre vie quotidienne.

Ce qui arrive à Dunkerque est donc l'occasion de s'interroger sur la désindustrialisation de la France et d’en chercher les vraies raisons.

Dans cette analyse, il ne faut pas s'arrêter seulement aux phénomènes globaux qui détruisent l'économie française dans son ensemble. Citons dans le désordre les 35 heures, la retraite à 60 ans, le déluge des impôts et des réglementations, l'endettement bien connu, le luxe incroyable des politiques au sommet et leur cupidité. Tous ces phénomènes longuement analysés, et dont la population est bien au courant, « matraquent » toutes les activités françaises sans exception, que ce soit celles des services, des artisans, des agriculteurs, ou des industries.

S'agissant de l'industrie, il est utile d'expliquer pour quelles raisons spécifiques la désindustrialisation se produit. Toutes les industries connaissent les mêmes problèmes que les raffineurs, à savoir l'obligation de choisir les meilleurs compte tenu du marché tel qu'il est : pourquoi quittent-elles la France sans que cela s'arrête ?

Plusieurs facteurs peuvent être mis en cause.

D'abord le code du travail : il compte plus de 2 600 pages, pèse 1 kilo et demi et est réparti en plusieurs tomes. Une foule d'organismes et de personnages prospèrent grâce à ce code. L'effet de leur action et parfois leur objectif est de détruire l'industrie. Bien entendu d'autres professions souffrent de leurs codes particuliers : voir le code de l'urbanisme qui détruit le logement. Mais le cas de l'industrie est particulier puisqu'elle comporte comme indiqué ci-dessus une foule de métiers qui sont tributaires de ce code du travail.

Un autre facteur vient de la politique industrielle qui s'incarne depuis très longtemps par un ministre de l'industrie et un caractère volontariste s'exprimant au plus haut niveau. Cette politique industrielle, qui change sans cesse au gré du bon plaisir des pouvoirs politiques, joue un rôle tout à fait meurtrier vis-à-vis de l'industrie. La catastrophe est ancienne, puisque c'est la politique des pouvoirs publics qui a détruit l'industrie informatique française, naguère la première du monde.

Étant donné la dimension de certaines industries, la tentation du pouvoir politique est de jouer au meccano. Cette ambition flatte l'ego des présidents et des ministres. La tendance est d'autant plus forte qu'il s’y ajoute la cupidité des hommes politiques au sommet. Dans la définition de la politique industrielle, les acteurs publics caressent du coin de l'oeil les firmes dont ils rêvent de se voir attribuer la présidence. Ces faits sont parfaitement comparables à ceux qui ont permis aux oligarques soviétiques de se saisir des grandes firmes étatiques.

Vient ensuite le torrent des règlements. Là aussi l'industrie est particulièrement visée avec son extraordinaire diversité. Pour ouvrir la moindre usine, le nombre d'autorisations diverses à demander est décourageant.

Il existe plus de 6 000 aides à l'industrie, soit étatiques, soit venant des collectivités, soit de l'Europe : ce maquis assassine littéralement l'industrie.

La suppression totale des aides, avec celle de l'impôt sur les sociétés, serait la solution.

Quand les difficultés arrivent, les remèdes sont encore pires que les difficultés. Lorsque le textile s'écroulait, il avait été créé une taxe pour subventionner le comité de développement et de promotion des industries du textile et de l'habillement, appelé le DEFI (Développement, Exportation, Formation, Image). Taxe et organisme existent-ils toujours ? Nous ne le savons pas, mais c'est bien probable. La Cour des comptes s'était plainte de l'absence de toute stratégie chez ce DEFI, qui se contentait de reconduire les crédits sans jamais rien vérifier ni réfléchir : « Sa fonction d'intermédiaire n'apporte pas la moindre valeur ajoutée », écrivait-elle. Autrement dit, son prestigieux conseil d'administration dormait du sommeil du juste.

Après les organismes viennent les parlottes. Une parlotte avait été commandée par Sarkozy en 2004 à Michel Camdessus. Il s’agissait de sauver le prétendu « modèle français », en recensant les freins à la croissance. Le rapport ayant été remis à la fin de la parlotte, en automne 2004, et Sarkozy n’étant, selon Jacques Chirac, qu’un « exécutant », il devait en bonne logique en faire profiter son « chef » ! Mais c’eût été trop simple, car toute la France était suspendue à la lutte inutile entre ces deux personnages. Le « chef » a dédaigné le rapport et a commandé tout de suite une autre parlotte à Jean-Louis Beffa. Plus question de freins à la croissance, mais il fallait identifier les secteurs porteurs d’avenir : après les freins, l’accélérateur.

Dans l'état de délabrement récemment de nouveau constaté, des « Etats généraux de l'industrie » viennent de se réunir pendant trois mois à très grands frais, et la parlotte n'est pas finie puisqu'il est prévu une nouvelle phase de concertation avec les partenaires sociaux et patronaux. Il nous est promis des avantages fiscaux ou des punitions fiscales pour orienter l'industrie dans le sens voulu par les pouvoirs publics, au mépris des libres choix du marché.

Dans tout ce scénario, les trop nombreux et inutiles ministres jouent un rôle majeur par leurs multiples et contradictoires actions. C'est pour cela qu’on peut dire qu'ils « chassent » en meute les industries. Parmi eux s'illustre M. Jean-Louis Borloo qui, pour son bon plaisir écologique, ne cesse de dresser des obstacles sur le fonctionnement de toutes les industries en France. Le dernier en date est la taxe carbone, qui est un vrai missile.

Parmi eux se trouve également le ministre de l'industrie, Christian Estrosi. Avouant franchement le désastre, il fait savoir maintenant qu'il faut préparer une nouvelle stratégie industrielle pour arrêter puis inverser le mouvement de désindustrialisation. Il se vante en particulier de ce que les Etats généraux aient mobilisé 5000 participants dans toute la France. Le coût réel d'une telle parlotte, avec les impôts correspondants, ne sera jamais évalué. Personne ne peut penser qu'une cérémonie aussi ridicule puisse remplacer la dynamique d'investissements privés dans la liberté fiscale et sociale.

M. Estrosi veut inverser le mouvement.

Le moyen est connu : donner aux industriels la liberté et supprimer les innombrables lacets qui les étranglent.

Michel de Poncins

 

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