C’est en
matraquant les entreprises qu’on crée
le chômage !
Le prophète Jérémie pleurait sur le malheur des temps mais ne le créait pas
lui-même. Les lamentos publics sur le chômage ne cessent pas et ne sont pas
près de cesser à mesure que les mauvaises nouvelles déferlent. Ces
lamentations sont d'autant plus fortes qu'elles proviennent de ceux-là mêmes
qui créent le drame, tout en veillant avec soin à y échapper
personnellement.
Les chiffres sont mauvais dans toute la zone euro. Fin avril, 17,4 millions
de personnes se trouvaient sans emploi, soit 11 % de la population active et
110 000 personnes de plus qu'en mars. La France, comme souvent, est en
pointe si l'on peut dire. Avril est le douzième mois de hausse consécutive
aboutissant à un total de 2,75 millions de chômeurs. Toutes les catégories
de la population sont touchées mais surtout les jeunes et les seniors.
Le phénomène n'est pas nouveau. Depuis longtemps, et quelle que soit la
couleur apparente ou réelle du gouvernement, le problème s'aggrave. Or, ce
n'est pas du tout une fatalité comme nous allons le voir.
En novembre 2011, il y eut trente mille demandeurs d'emploi supplémentaires,
les jeunes étaient particulièrement touchés. Le taux de chômage «officiel»
était de 10 %. En fait ce pourcentage est faux, car les 10 % se rapportent à
la population active, laquelle comprend les fonctionnaires ou assimilés qui
ne risquent pas le chômage. Rapporté aux salariés du privé, le pourcentage
réel deviendrait de 20%. L'Allemagne de son côté affichait alors un taux
officiel de 6,4 % et connaissait une pénurie de main d’œuvre.
Antérieurement, en avril 2009, le président Sarkozy présentait un plan
d'urgence destiné prétendument à atténuer le taux de chômage. Il visait à
faciliter le recrutement de jeunes dans les entreprises par le biais de
l'apprentissage et de contrats aidés. Il était promis 320 000 contrats
d'apprentissage en un an, grâce à une exonération de charges et à une prime
spéciale. De l'argent fut déversé dans une campagne d'information sur
l'apprentissage ; personne ne peut savoir si des contrats d'apprentissage
supplémentaires ont été conclus. Des sortes de nouveaux fonctionnaires, sous
le nom de « référents », devaient faire la promotion de l'alternance.
En remontant le temps, le 4 juillet 1977, Raymond Barre avait lancé le
premier « pacte national pour l'emploi des jeunes ». Ses successeurs à
Matignon ont inventé une kyrielle de dispositifs : contrats de
qualification, stages d'insertion dans la vie professionnelle, travaux
d'utilité collective, contrats emploi-solidarité, emplois-jeunes, contrats
jeunes en entreprise, contrats d'insertion dans la vie sociale, contrat de
professionnalisation.
Dominique de Villepin plus tard mit en œuvre un « plan d'urgence pour
l'emploi des jeunes ».
Pourquoi le chômage ?
Arrêtons ce désolant historique et voyons les causes. Cela conduira aux
remèdes, lesquels existent malgré la propagande officielle contraire.
Les explications le plus souvent citées sont nombreuses :
désindustrialisation, atonie de l'investissement, chute des exportations,
coût du travail excessif, nombre excédentaire des fonctionnaires, les 35
heures, immigration sauvage, Smic en accroissement constant, code du travail
et son incroyable complexité, grèves permanentes chassant les investisseurs
hors de France, nuée d'organismes publics souvent immortels et prétendant
s'occuper de la calamité.
En fait cette énumération mélange les causes et les effets. Il y a trois
causes majeures : la fiscalité en folie, le code du travail et l'immigration
sauvage.
Dans le cadre restreint de cet article, il n'est pas possible de tout
traiter et nous allons parler uniquement de la fiscalité. Nous allons voir
ainsi que François Hollande, en héritant d'une catastrophe nationale, s'est
empressé de l'aggraver.
La création d’emplois
Seules les entreprises peuvent créer des emplois. Nous excluons les
entreprises du Cac 40 : celles-ci ont tout compris et gagnent leur argent à
l'étranger. En plus, structurellement, les très grandes entreprises ne sont
guère créatrices d'emplois.
L'immense tissu des autres entreprises est prêt à créer des emplois en grand
nombre si on ne les en empêche pas par les lois fiscales et sociales. Cela
peut concerner aussi bien des firmes de milliers de personnes que des PME ou
des TPE.
Comment se prend la décision d'embaucher ou pas ? Le processus est le même,
qu'il y ait un décideur, le patron, ou un groupe de décideurs. Il faut
légitimement que l'embauche maximise les profits. Chaque décision d'embauche
répond à un challenge : produit nouveau, marché à l'extérieur, concurrent
agressif, acquisition d'une licence, opportunité à saisir... .
Le risque est toujours important. Il est très grand pour l'entreprise
personnelle ou familiale, car souvent le patrimoine du patron est dans la
balance.
En clair et pour résumer, il faut que les risques et le coût de l'embauche
soient largement inférieurs aux profits espérés, cela si possible d'une
façon pérenne. C'est là que la fiscalité intervient dans le cadre de la
centaine d'impôts que paient les entreprises. Elle intervient aussi avec
bien d'autres impôts : un impôt sur les super riches les chassent hors de
France et crée du chômage en conséquence.
Si le décideur sait que le fisc le privera de la totalité ou de l'essentiel
de ses efforts, il restera l'arme au pied en rongeant son frein. C'est ce
qui s'est passé tant de fois avec les Chirac, Sarko et compagnie. Le
résultat est connu, avec la croissance désolante du chômage engendrant à son
tour d'autres calamités.
L’incertitude du châtiment
Avec François Hollande un facteur nouveau apparaît, à savoir une incertitude
maximum sur la punition réservée aux entrepreneurs. Cette longue incertitude
dure depuis les primaires socialistes, mais elle s'est durcie pendant la
campagne officielle. Depuis l'élection elle s'envole dans les nuées. Tous
les jours les médias parlent de la menace fiscale, détaillant le menu des
réjouissances avec toutes les variantes possibles. Dans ce menu les
entreprises sont particulièrement visées !
Tout récemment Martine Aubry vient de lâcher une véritable bombe en disant
que les impôts déjà prévus ne suffiront pas, et elle a fait allusion à
d'énormes marges de manœuvre fiscales (sic). C'est si grave qu'il est permis
de s'interroger : la « Kamarade » ne fait-elle pas payer au président son
ingratitude en lui savonnant par avance la planche ? Tout ce micmac se
déroule sous l’œil goguenard de l’Union européenne, elle-même source connue
du chômage dans le continent.
Dans ce tintamarre aucune mesure d'économie réelle et immédiate n'est
prévue, alors que cela permettrait aux entreprises d'éviter le déluge
fiscal. Le résultat immédiat est le freinage ou l'arrêt des embauches, avec
le chômage en folie.
Il n'est pas possible que les politiques au pouvoir ignorent le lien cruel
entre la courbe du chômage et la chasse fiscale ouverte contre les
entrepreneurs. Certes, manipulant l'opinion par médias interposés, ils
répandent le gros mensonge d'une prétendue fatalité et finissent peut-être
par y croire. A l'abri de ce mensonge, se trouve un problème de culture : la
chasse aux entrepreneurs fait partie de la chasse aux riches, tous étant
suspects par nature.
D'étranges souvenirs resurgissent en cette occurrence. Lors de la révolution
française, Robespierre dut sa chute à l'incertitude qu'il laissa planer sur
ses futures victimes qui se révoltèrent à temps ! D'âge en âge, l'idéologie
révolutionnaire se transmet.
Cet article attire principalement l'attention sur l'aspect fiscal évident du
chômage, avec l'adjonction dramatique de l'incertitude. Simultanément il
montre que la voie pour l'atténuer, voire l'éradiquer, est largement
ouverte, surtout si on s'attaque aussi aux autre causes citées ci-dessus.
Un peu d'optimisme peut cependant apparaître. L'évidence est telle que les
victimes peuvent se réveiller malgré la propagande.
Encore faut-il que leurs cris ne tombent pas dans l'oreille de sourds !
Michel de Poncins |