Ces grèves qui ruinent la France !
L'année 2012 a très mal commencé : des milliers de voyageurs ont été privés
de leurs droits légitimes de se déplacer. Elle continue de plus belle :
pilotes et personnel de bord annoncent une nouvelle grève des transports
aériens du 6 au 9 février, pour protester contre la tentative d'installer un
service minimum. Plusieurs milliers d'enseignants ont défilé mardi 31
janvier 2012 à Paris à l'appel de syndicats qui ont également lancé un
mouvement de grève pour dénoncer les 14.000 suppressions de postes à la
rentrée et exiger le retrait du projet de réforme de l'évaluation des
professeurs. La grève a touché la province.
Rien ne change vraiment au fil des années. Rappelons-nous qu’une pénible
galère avait été infligée aux 600 passagers du train de Strasbourg à
Port-Bou dans la nuit de 26 au 27 décembre 2009, avec un retard de 13
heures. Indépendamment de dysfonctionnements, l'enquête avait révélé un
odieux scandale, à savoir les grèves « réveillons ». Des préavis de grève
sont déposés pour les soirs du 24 et du 31 décembre sous des prétextes
divers et ont en réalité un seul objectif : permettre aux agents censés
travailler les soirs de fête de rester chez eux : ce sont les grèves «
réveillons ». La « malchance », a voulu que justement ces grèves réveillons
autour du jour de Noël à Dijon aient aggravé le calvaire des 600 passagers.
Nul ne saura le nombre de grèves réveillons, le tout se perdant dans le
puits sans fond d'un mammouth étatique en perdition.
Les grèves de dockers qui paralysent les ports sont récurrentes. Ces grèves
sont particulièrement nocives pour l'activité des ports, les armateurs
hésitant à y venir, au profit des grands ports étrangers, et au détriment
des dockers français eux-mêmes. Il existe des « petites grèves » dont
personne ne parle. Citons les grèves qui se passent ici ou là dans les
centres de tri postaux. Pour les entreprises c'est une catastrophe : les
chèques n'arrivent pas et les mettent en danger.
Des grèves immorales et ruineuses
Le droit de grève est inscrit dans la constitution, on se demande pourquoi,
et, en plus, il semble se situer dans l'opinion collective à un niveau
supérieur à tous les autres droits comme le droit de consommer, le droit de
travailler, le droit de circuler, le droit de se soigner, lesquels devraient
lui être très supérieurs.
Sa justification repose historiquement sur l'idée que la grève aurait été la
source de progrès sociaux considérables, notamment au 19e siècle. Si le
tabou n'existait pas, des recherches attentives montreraient que les progrès
sociaux ont été bien davantage le résultat de progrès techniques sous
l'aiguillon du marché, ces progrès ayant suscité l'amélioration rapide de la
condition économique de toute la population.
La grève est immorale car c'est la rupture d'un contrat, à savoir le contrat
de travail entre deux personnes, l'employeur et l'employé.
Dans une économie peu diversifiée, comme elle existait encore il y a de très
nombreuses années, le conflit social ne touchait pratiquement que les
patrons sans que le reste de la population n'en souffre. Dans l'économie
extraordinairement enchevêtrée et diversifiée que nous connaissons
actuellement, la grève, surtout quand elle est utilisée dans des nœuds
économiques, touche des milliers ou des millions de personnes. Les grèves
sont, très souvent, des grèves de riches, comme celles des pilotes ou des
contrôleurs aériens.
Une remarque importante est que la grève a lieu principalement dans les
structures publiques, donc à l'abri de la concurrence, ou dans de très
grandes firmes privées. En revanche, dans les PME et les TPE, les grèves
sont fort rares : le personnel est solidaire des patrons et sait très bien
que la richesse de l'entreprise conduit chacun à s’enrichir.
Des effets dévastateurs
Les effets de la « gréviculture » en France sont par nature dévastateurs.
Les délocalisations en sont pour une part la conséquence. Aux dommages
visibles, s'ajoutent une multitude de dommages invisibles que personne ne
peut quantifier : voyage raté, nuit de galère, école sans maître, opération
retardée parce que le personnel n'arrive pas à l'heure, marché raté, etc. La
panne de croissance épouvantable, qui n'a aucune raison d'être en France,
est accentuée par la « gréviculture ».
Il est certain que l'économie de marché implique la liberté des contrats et
le respect de tous ces contrats, y compris le contrat de travail. Ces deux
aspects sont un élément essentiel de la richesse générale.
Les défenseurs du droit de grève le justifient en mettant en avant l'idée du
service minimum évoqué plus haut. Or c'est une mauvaise réponse à un vrai
problème. Quand il y a un organisme public ou quasi public, les « usagers »
devraient, en bonne logique, bénéficier d'un service maximum qui fait partie
de l'obligation de service public. Tout autre régime est inadmissible et
porte atteinte à leur liberté.
D’autres pays
Aujourd'hui les grèves en France sont bien plus nombreuses qu'au
Royaume-Uni, qu’en Suède et qu’en Allemagne. En Suisse, les salaires sont
plus élevés que dans les pays environnants et les syndicats se plaignent de
la concurrence de Français qui viennent travailler en Suisse, notamment à
Genève et à Lausanne, tout en vivant en France. Depuis 70 ans, la paix du
travail est totale grâce, en particulier, à l'accord des partenaires
sociaux. Au Japon, les grévistes mettent un brassard pour indiquer qu'ils
sont en grève mais continuent à travailler. Ces pays, néanmoins, ont
bénéficié des progrès sociaux aussi bien et même souvent mieux que les
autres pays, ce qui condamne l’idée que les grèves étaient nécessaires à ces
progrès sociaux.
Aux USA, dans beaucoup d'États, il existe un régime du syndicat unique dans
les entreprises, ce qui conduit à des conflits. L'Indiana vient de décider
que les employés ne seraient plus obligés de cotiser au syndicat qui les
représente dans l'entreprise. C'est le 23ème Etat à le faire. Les analystes
observent que dans ces États les investisseurs sont attirés et les créations
nettes d'emplois sont plus nombreuses qu'ailleurs.
En France, l'omnipotence des syndicats repose sur un financement abondant et
opaque. Le cercle est particulièrement vicieux : prélèvements obscurs et
injustes de ces syndicats, utilisation de ces quantités d'argent pour
détruire les entreprises, seules créatrices de richesse, et, en conséquence,
ruine de l'ensemble de la population, y compris les grévistes. Seuls les
chefs syndicalistes et leur entourage bénéficient de cette « gréviculture »
et de la manne financière qu'elle diffuse.
La conclusion peut être finalement optimiste. Il y a bien d'autres tabous
meurtriers en France. La chute d'un seul d'entre eux ouvrirait le bon chemin
vers un cercle vertueux. Encore faut-il qu'un pouvoir capable et crédible
veuille emprunter ce chemin.
Michel de Poncins
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