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19/1/10 | Michel de Poncins |
Haïti : premières leçons de la catastrophe Contrairement à une opinion assez couramment exprimée, il semble que l'on puisse admirer la promptitude et l'organisation des secours en Haïti. Un chiffre la symbolise : au moins 70 personnes ont été sorties vivantes des décombres, ce qui est le double de ce qui s'était produit dans certaines catastrophes de même ampleur et ce n'est pas fini. Pour bien apprécier, il faut mesurer l'immense difficulté de la tâche à accomplir et sa diversité. Enumérons sans être exhaustif : chercher des survivants, les sortir vivants, donner aux populations l'essentiel sur le plan de la nourriture ou de la boisson, organiser les soins, faire de la chirurgie, reloger provisoirement les populations, éviter les pillages, enterrer les morts, réguler les transports aériens, éviter et soigner les épidémies, etc. Chacune de ces activités implique des moyens différents, du personnel
différent et parfois d’une compétence pointue, des transports
adaptés, des stocks spécifiques, des autorités
distinctes, parfois des problèmes juridiques, etc. En outre, l'exiguïté du
territoire, la quasi disparition des autorités locales et l'insularité
obligent les secours à venir parfois de fort loin. C'est très différent
d'une catastrophe dans un pays ayant gardé son organisation et pouvant être
atteint par la route. Nous sommes habituellement très négatifs sur la gestion des affaires publiques par les politiciens qui dirigent les pays prétendus souvent à tort démocratiques. Dans le cas particulier, nous pensons volontiers qu'ils ont fait le maximum en un temps record. Certains pourront remarquer que ce relatif succès serait un hommage à l'action des services publics, c'est-à-dire contraire au principe de la science économique selon lequel aucun service public ne peut être véritablement efficace dans le sens de ses objectifs. En fait, cette exception confirme la règle. D'abord, beaucoup d'ONG sont à l'oeuvre et ces ONG sont largement des privés, même si il y a un certain mélange avec du public. Ensuite le secours d'urgence absolu et massif peut être rangé dans la catégorie des tâches régaliennes que seuls les Etats eux-mêmes peuvent assumer avec succès. Il reste, évidemment, que malgré la distance il apparaît sur place que des victimes semblent légitimement se sentir frustrées. Tel sauveteur de tel pays cherche d'abord à sauver ses ressortissants, laissant les autres à l'abandon. Dans tel endroit la nourriture arrive et pas dans tel autre. Certains pillages ont commencé : serait-il d'ailleurs équitable d'empêcher des gens affamés de se servir directement dans des magasins abandonnés par leur propriétaire ? Il est reproché au gouvernement d'être absent. Or cela semble inévitable.
La capitale étant détruite, tous les rouages sont cassés et dans l'urgence
il n'est pas possible de les réanimer rapidement. D'où par exemple, sur le
plan aérien, la prise en charge de l'aéroport, avec
sa seule piste restée en bon état, par les Américains. On regrette aussi la lenteur de certains secours : fallait-il risquer des atterrissages impossibles et dangereux dans une activité aérienne à la limite du supportable ? Sait-on que l'hôpital de campagne envoyé par la France nécessite 15 heures de montage pour être opérationnel ? La formidable machine américaine s'est mise en route avec une efficacité extraordinaire. Chaque pays a ses défauts et qualités : l'une des qualités des USA est que, lorsqu'ils s'éveillent, le goût du travail bien fait et des structures efficaces obtient des résultats. Cela n'empêche pas, au reste, les ratés dans les machines pourtant bien huilées du renseignement ! Viendra bientôt l'heure de la reconstruction. L'incendie de Chicago en 1871 peut servir d'exemple. Un tiers de la ville a brûlé dans un gigantesque brasier. Les maisons étaient en bois et les pavés aussi. Le feu dura 24 heures avec une horreur indescriptible. Il y eut 200 morts. 300 000 personnes perdirent leur emploi, leur maison, leur commerce, leur travail. Le gouvernement, qui n'était pas encore devenu l'énorme machinerie du Washington d’aujourd'hui, intervint fort peu dans la reconstruction. Il se contenta de faire régner l'ordre et de proclamer la loi martiale. Toute l'aide nécessaire fut apportée par les organisations privées. Elles exercèrent un contrôle, ce que le gouvernement n’aurait pas fait. Par exemple, selon les archives, celui qui avait trouvé un travail n’avait plus le droit d’être logé par les œuvres. La reconstruction fut réalisée en deux ans et il n’y eut pas la corruption qui, dans tous les pays, accompagne l’action publique. Espérons sans trop y croire que ce souvenir aidera les décideurs pour la reconstruction d’Haïti ! Michel de Poncins
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